jeudi 30 août 2007

"et pour finir on explosera dans un flash"




Je ne crois pas que la nouvelle ait besoin de plus de publicité mais ça y est c'est officiel !


Twin peaks sort en DVD (le 6 septembre) !! (enfin, juste la saison 1)





j'ai usé ma VHS de "Fire walk with me"










je vais peut-être enfin savoir


Qui a tué Laura Palmer ?



j'espère juste ne pas être déçue...

mardi 28 août 2007

le billet de la fille qui a vu la star

Coolos je me suis dit...

une rétrospective Wenders au Max Linder cette semaine : c'est pour moi !



Mais bon, le moment où je me décide à franchir les 200 mètres à vol d'oiseau qui me séparent du cinéma, le film projeté c'était "Rocco et ses frères" de Visconti. Bon, j'arriverai à m'en contenter, je me suis dit.

J'arrive devant la salle, un gros camion était garé devant, avec une sorte d'échelle qui montait à l'étage, des gens qui rentraient, sortaient, la nana de la caisse qui prenait un café avec des gens en fumant une clope sur le trottoir... Une agitation inhabituelle pour moi qui suis habituée à fréquenter les cinémas pour les films et à des horaires où il n'y a d'habitude pas un chat.

Je m'avance, polie et détendue, vers la nana au caféclope :

"Bonjour, il ne devait pas y avoir une séance à 11h ?"

"Ah bah là, moi je sais pas, il faut demander à Pierre, il est où Pierre ? Pierre ?"

Je tente, discrète, de me renseigner (après tout c'est mon cinéma de quartier) auprès de cette nana qui tournait sur elle-même en cherchant "Pierre" :

"ah oui, c'est parce qu'il y a des travaux..."

"Pierre ? Non, non... ce ne sont pas des travaux, c'est un tournage... Il est où Pierre ?"

Je m'éloigne de quelques pas (car je ne m'attendais pas trop à ce que "Pierre" sorte de son gobelet de café) pour trouver à me renseigner ailleurs.

Un peu à l'intérieur du cinéma, j'avise le type que je connais un peu de vue maintenant et qui est engagé dans une conversation animée avec une vieille dame un peu dure de la feuille (et de la comprenette aussi, apparemment) :

"Non, c'est un tournage... Un tournage, un film... Oui, oui, "Rocco et ses frères", à 11h... On aura peut-être un peu de retard, le temps qu'ils débarrassent la salle. Non, c'est un tournage, je vous dis..."

D'emblée (car moi je carbure, une thésarde, je vous rappelle) je me dis : "lui, c'est Pierre"

et puis aussi :

"bon, tant mieux ya une séance à 11h"

et puis aussi :

"ils ont un peu de retard car il y a un tournage, j'ai qu'à attendre". Une tête.

La vieille dame semble avoir compris. Elle lâche "Pierre" et s'éloigne sur le trottoir. "Pierre" me repère et s'avance vers moi pour lui répéter ce que je l'avais entendu dire à la vieille dame et ce que j'avais déjà compris par moi-même. "Pierre" est très excité, ça peut se comprendre, ce doit être un événement dans la vie d'un gérant/employé d'un cinéma. On bavarde un peu, je me demande à voix haute si ça vaut le coup que je reste, étant donné que le film fait déjà près de 3h, alors si en plus ya du retard...

C'est alors qu'il se penche vers moi d'un air de conspirateur et baisse le ton pour me faire LA révélation et me balancer l'argument massue :

"si vous restez et que vous regardez bien, vous allez voir sortir une STAR"

Moi j'étais restée dans l'idée de "Rocco et ses frères", j'étais persuadée qu'il parlait d'Alain Delon, alors je me dis : "tiens c'est marrant que ce soit Visconti, un Rital, qui ait sorti ce qui est devenu la fierté de nos fleurons franco-français, Monsieur Alain Delon -comment va-t-il -il va très bien merci..."

Alors je me marre, en pensant au vieux beau ridicule que l'acteur est devenu :

"Ca va, c'est pas un scoop, ça fait un bail qu'il est sorti"



L'autre, impassible et toujours excité, continue sans broncher sur le quiproquo :

"mais non, il n'est pas sorti, il est toujours à l'intérieur !" et là il fait un geste vers l'intérieur du cinéma qui me fait enfin comprendre mon erreur... Je balance un

"ah !"

pas très emballé. Entre-temps, la nana au caféclope, qui avait enfin trouvé "Pierre", s'est approchée de nous pour suivre la conversation. Elle doit estimer que ne réalise pas bien ce qui se passe et prend elle aussi des mines en se penchant vers moi :

"C'est John..."

Gosh, me dis-je in petto, Travolta ?? Mais j'ai pas osé le dire à haute voix, l'absence de gardes du corps et de grosses limousines blindées sur les Grands Boulevards me semblant suspecte... Déjà que j'ai failli passer pour une conne avec le coup d'Alain Delon...

Alors ensuite les choses s'enlisent un peu, le type me répète que si j'attends, etc. Puis, n'y tenant visiblement plus, il se penche derechef vers moi et me murmure quasiment à l'oreille avec un grand sourire :

"C'est John Malkovich"

"Ah !!!" je commente, heureuse de n'avoir rien dit pour Travolta.

"Hé oui !" me dit-il en se redressant, "vous n'aurez pas perdu votre journée, hein ?"

J'admets que ça vaut le coup de rester, parce que bon, je me donne des airs mais je suis comme tout le monde.

Je m'adosse au pilier de l'entrée, mate discrètement à l'intérieur, et soudain, mais oui ! mais bon dieu mais oui ! c'est lui !! il est encore loin, près de l'escalier, mais il approche ! c'est JOHN ! il se dirige vers la sortie ! ah oui je reconnais son visage fin, élégant et racé !! les liaisons dangereuses, à quelques pas de moi !



John sort du cinéma, s'arrête à un mètre à tout casser de moi, pour fouiller dans ses poches. Je regarde ailleurs, genre j'ai rien vu du tout, c'est qui ce type en costard à côté de moi, vous le connaissez ? moi pas, d'ailleurs j'ai rien vu, je regardais les voitures passer sur le boulevard...

Puis au bout de dix minutes, il a décollé et s'est éloigné sur le boulevard (quand il marche, et de dos, il est beaucoup moins classe. Le costard était de travers, il savait pas marcher, je sais pas mais y avait un truc qui collait pas).

Je croise le regard de la vieille dame qui me fait des roulements des yeux et des signes de tête en direction de l'acteur. Je lui fait moi aussi un signe de connivence...

Et puis nous sommes rentrées toutes les deux pour la séance.

Vu que nous avions partagé ce moment de grande intimité, elle m'adresse la parole dans la salle (en haussant la voix parce que j'étais tout devant et elle tout derrière) : "ya pas grand'monde, hein ?"

Effectivement, c'est tellement vide que la salle résonne. D'ailleurs, elle-même n'est pas restée jusqu'à la fin. J'ai fini le film en ayant le Max Linder à moi toute seule, et ça, c'est classe...



(le film était vachement bien en plus. Je connaissais déjà la scène du début, à la gare de Milan, quand le train de Bari débarque, la mama du Sud avec ses quatre grands fils, venus travailler à la ville. Et puis voir Roger Hanin, Annie Girardot et Alain Delon tailler la bavette ensemble en italien, ça valait "la peine d'attendre". Et puis, si Alain Delon a toujours une tête de con, même jeune et en noir et blanc, Annie Girardot, qui jouait la fille moderne de la ville, pour elle je n'ai qu'un mot : wahou... Vraiment très séduisante... Et figurez-vous que Roger Hanin, jeune et en noir et blanc lui aussi, eh bah se laisserait presque regarder aussi si on parvenait à oublier que si Alain Delon est un taré monomaniaque -de lui-même-, lui par contre c'est un authentique connard. Au moins, Alain Delon est drôle.)

vendredi 24 août 2007

De huit livres

J'ai pour habitude de toujours lire plusieurs livres à la fois. Ils sont en pile, je prends celui du dessus pour en lire quelques chapitres, puis je le remets quelque part dans la pile, selon un classement mathématique très savant mais néanmoins toujours aléatoire, qui tient en fait au passage que je viens de lire. S'il m'a plu, si j'ai envie de connaître la suite, je le remets plus ou moins vers le haut de la pile. Si la lecture a été difficile, que le suspense est plus que supportable : vers le bas...


Là ma pile atteint des hauteurs encore inédites, dues certes au nombre de livres, mais aussi à la présence parmi eux de très gros pavés, qui vont me suivre encore pendant des mois certainement.


Tout en haut, il y a Ulysse, de Joyce, dans la nouvelle traduction collective.




J'ai voulu le lire, pour faire genre moi je lis Ulysse (vous voyez ?). Et puis au final, je comprends rien de rien à ce bouquin. Il y a des personnages, qui font des trucs, qui parlent et qui pensent, mais impossible de comprendre exactement ce qu'ils font, parlent ou pensent... Du coup, l'histoire acquiert un caractère ésotérique complètement fascinant. Ca me donne l'impression de voyager dans un univers aux lois inconnues et à la langue incompréhensible. J'ai du mal à m'en détacher, et il revient très très souvent en haut de la pile.




En dessous, on trouve Don Quichotte de la démanche, de Victor-Emile Beaulieu.




Il paraît que c'est un auteur très prolifique et célèbre au Québec. Je l'ai commencé à cause du titre que je trouvais drôle et aussi pour le Québec, un pays dont je rêve souvent. Mais finalement c'est franchement pas terrible. Ca raconte les délires d'un écrivain qui vient de se faire plaquer par sa femme et qui se saoule au gin en tentant de finir ses romans en cours. Il y a parfois des tentatives de mélanger les écrits du héros de l'histoire avec celui de Beaulieu, tentatives souvent ratées et qui n'aident pas à la compréhension de l'ensemble. Mais j'arrive presque à la fin, ce ne sera bientôt qu'un mauvais souvenir... (je déteste ne pas finir un livre commencé), c'est pour ça que je m'efforce de ne pas trop le rejeter en bas de la pile.




Après : Georges Bataille, Romans et récits, dans la Pléiade




Ce livre a une histoire. C'est un ami qui me l'a offert, il habitait près d'une usine ou quelque chose comme ça de la Pléiade, et il avait pris l'habitude d'aller fouiller dans leurs poubelles, car ils y balançaient les livres qui avaient un défaut, qui n'étaient pas vendables en l'état. Il m'en a offert quelques uns, Eluard, Bernanos... Ces exemplaires n'ont pas la couverture cartonnée, du coup, ils sont très agréables à lire, ils tiennent bien en main, très souples, bien mieux que lorsqu'ils sont couverts. Et ils ont ce petit côté trash qui en file un coup bienvenu dans la présentation prétenciarde de la Pléiade.


Alors j'ai fini de lire L'Histoire de l'oeil, un récit des débordements sexuels d'un jeune couple, qui se font un délire ondiniste (ils ne peuvent jouir sans s'inonder d'urine...), sanglant (le passage de la corrida...), au-delà des limites de la morale, vraiment répugnant. Un peu comme Les onze mille verges d'Appollinaire, mais sans l'humour, beaucoup plus noir et complètement désespéré. Un récit qui m'a parfois excitée, même si j'ai honte de l'avouer...


Et puis Le Bleu du ciel, un "trip" à Barcelone au début de la guerre d'Espagne. Fascinant personnage de Lazare, sorte de double de Louise Michel soixante ans plus tard, dont on m'avait déjà parlé à propos de ce blog.


Georges Bataille est un très grand écrivain (comment ça, c'est pas une découverte ?)




Encore en dessous, revoici Axel et Jean-François Kahn, Comme deux frères




J'en avais déjà parlé ici, et leur conversation est toujours aussi passionnante. Tiens, hier, j'ai lu le chapitre où ils s'engueulent à propos de l'évolutionnisme (ça a fait écho à ma note précédente), ça m'a fait rire : ils semblent être fondamentalement en désaccord sur un point inconciliable, et je dois avouer que j'ai eu un peu de mal à comprendre sur quoi exactement ils divergeaient...


Bref, un livre riche, qui aborde un peu tous les sujets, plein de pistes pour des réflexions personnelles... Faudra que j'essaie de mener une telle conversation avec mes frères. La belle rigolade en perspective...




Après vient Psychanalyse des contes de fées, de Bruno Bettelheim




Un livre que j'ai commencé il y a très longtemps, mais comme il est assez ardu, il se retrouve souvent en bas de la pile, donc il n'avance pas très vite.


Pourtant le sujet est alléchant : dans une première partie, il décortique ce que les contes de fées apportent à l'enfant (du point de vue psychanalyste bien sûr). Puis, dans une seconde partie, il analyse un à un les contes de fées les plus célèbres et en explicite tous les symboles. Cette seconde partie est vraiment bien, à la réflexion. Faut que je le fasse remonter en haut de la pile...




Voici venu le tour de l'Histoire de France, par Jean Carpentier et Francois Lebrun.




La quatrième de couverture nous annonce un nouveau Lavisse...


Bon, rien d'exceptionnel, si ce n'est l'exploit de caser toute l'histoire de France dans un petit livre au format poche...


ça me fait penser au cours que je suis en train de préparer pour mes futurs étudiants. Je suis en train de faire un résumé de l'histoire de France du XIX° et XX° siècle, une introduction historique qui devra rentrer dans deux séances de deux heures et demies. Un casse-tête et un crève-coeur.


Pour revenir au livre, on peut faire confiance en général à la collection Points chez Seuil, du moins en histoire. Ce sont de bons livres de base, genre manuels. Mais du coup, la lecture n'est pas aussi renversante que celle d'un bon livre d'histoire, un vrai (ça me fait penser qu'il faut que je lise Michelet, depuis très longtemps déjà).




En avant-dernière position, un Lexique des dieux, par Jean Queval (pas trouvé d'image, c'est un vieux livre que j'ai acheté dans une bouquinerie en Ariège. Je pense que cette couverture-ci remplacera avantageusement la couverture jaunasse du livre que j'ai sous les yeux)




Encore une lecture fastidieuse. Ce que j'aimais bien, c'est qu'il nous présente des dieux du monde entier, la cosmogonie africaine par exemple, dont je ne connaissais strictement rien. Mais il est vrai que la forme "dictionnaire" (dieux classés par ordre alphabétique de leurs noms) rebute à la lecture, même si un index nous permet de nous ballader dans les articles par origine géographique des dieux. C'est mieux, mais ça reste une succession d'articles.




Et enfin, bon dernier, le tome 2 des Oeuvres de Lovecraft.




J'aurais peut-être dû commencer par le tome 1...


Vous ne trouvez pas que le dessin sur la couverture (oui je sais on voit rien, il est tout pixellisé, pas trouvé de photo plus grande) ressemble au monstre qui habite dans le frigo de la nana dans Ghostbusters ? (celui qui rugit "Azul", ou quelque chose comme ça, je sais plus...) ça pourrait rajouter une pierre à mes arguments dans la conversation que j'ai eue à propos de Lovecraft avec Zac Galou. Après avoir lu Cthulhu, il m'a demandé, en substance : tout ça pour ça ? Eh bah oui, et en plus, il a essaimé.


Toujours est-il que là j'en suis aux poèmes de Lovecraft, et c'est un peu dur à lire. Déjà que je ne suis pas très sensible à la poésie en général, mais là, lire des poèmes traduits d'un type qui n'est même pas poète... Desfois je rigole un peu des obsessions de Lovecraft : par exemple, il a commis une ode à une araignée qui s'était installée pendant des semaines dans un coin de son salon, et puis qui est partie un beau matin sans laisser d'adresse. Lovecraft est très triste et ça lui inspire quelques vers, dans lesquels il parvient à recaser ses vieux dieux dormants, ses mondes engloutis, et le Mal des temps immémoriaux qui cherche à revenir et à envahir notre terre...




Voilà, voilà, maintenant vous savez tout ou presque sur moi, mais les vacances sont finies, il faut que je parvienne à me détacher de ces livres et à retourner à la bibliothèque...


C'est pas en bouquinant des conneries que ma thèse va s'écrire...






mardi 21 août 2007

Dieu vs Le Singe

Ce midi sur France Inter, l'émission "2000 ans d'histoire" a invité Gordon Goldin, auteur du livre Le Procès du singe, la Bible contre Darwin.


En résumé, le procès du singe est le petit nom donné à un procès-spectacle qui s'est déroulé en 1925 aux Etats-Unis, à Dayton, Tennessee plus exactement.






C'est en 1859 que Charles Darwin publie L'Origine des espèces (le titre complet pour les puristes : L'Origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle, ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie, ouf). Bien que la théorie de l'évolution avait déjà commencé à faire son chemin ici ou là avant ce livre, par sa démonstration brillante du mécanisme de la sélection naturelle, Darwin cristallise les protestations. Elles viennent de tous les bords : l'Eglise bien sûr (anglicane ou catholique, les évêques partent en croisade, le pape bulle tant qu'il peut, etc.) mais aussi des scientifiques. Je me souviens avoir lu un livre de Pierre Kropotkine

(on admire la barbe, s'il vous plaît, il s'est donné assez de mal !), biologiste et géographe russe, qui, en bon anarchiste, démontre que L'Entraide est un facteur déterminant dans la sélection naturelle.


Bref, pour en revenir au procès du singe, en 1925, l'Etat du Tennessee promulgue le "Bulter Act", une loi qui interdit d'enseigner "une théorie qui nie la Création divine de l'homme telle qu'elle est enseignée dans la Bible et qui prétend que l'homme descend d'un ordre inférieur d'animaux". Suivez mon regard...


Cette loi gène les libéraux-progressistes américains qui vont essayer de la faire casser. C'est à dire qu'aux États-Unis, si un citoyen se fait arrêter pour avoir violé une loi, il peut apparemment demander à ce qu'un magistrat examine si celle-ci est constitutionnelle ou non et l'affaire peut alors remonter jusqu'à la Cour suprême, qui a le pouvoir de casser la loi.


Donc, ces libéraux-progressistes vont trouver un enseignant qui accepte de jouer le jeu. C'est ainsi que John Thomas Scopes, professeur de sciences naturelles, rentre dans l'histoire. Il prononce le nom de Darwin devant les chères têtes blondes, et un complice alerte immédiatement les autorités, quel scandale, mon propre fils, etc.


Et c'est là que le procès de Scopes débute. Dans l'atmosphère de l'époque, la petite ville de Dayton voit affluer beaucoup de monde, des journalistes, etc. Il paraît même que ce sera le premier procès radiodiffusé de l'histoire...


Bon, finalement, les débats à l'audience s'avèrent assez décevants, car ils tournent plutôt autour de savoir si oui ou non l'enseignant Scopes a parlé de l'évolutionnisme à ses élèves, alors que le public s'attendait évidement à que l'on parle du fond de l'affaire, à savoir : "Dieu ou le singe".


Au final, Scopes fut condamné à une petite amende pour avoir effectivement dispensé l'enseignement honni.


Ce qui m'a donné envie d'écrire cette note, c'est un passage du procès, resté célèbre, qui voit l'avocat de la défense, Darrow, appeler comme témoin son "adversaire", le procureur Bryan. Procédure plutôt inhabituelle... Bryan aurait pu refuser, mais Darrow l'appelle en tant qu'expert de la Bible, ce qui doit certainement flatter son ego et lui donner envie d'en remontrer à cet avocat réputé "gauchiste".


S'en suit un interrogatoire serré sur le contenu de la Bible, sur le mode :


- reconnaissez-vous qu'il est écrit dans la Bible que tous les animaux qui ne sont pas montés sur l'arche de Noé sont morts noyés ?


- oui.


- même les poissons ??





- reconnaissez-vous qu'Adam et Eve étaient les deux premiers hommes, seuls sur terre ?


- oui.


- alors où leur fils Cain a-t-il bien pu trouver sa femme ?





et la petite dernière, qui fit scandale :


- reconnaissez-vous qu'il est écrit dans la Bible que le soleil fut créé le 4° jour ?


- oui.


- alors comment y a-t-il pu y avoir des jours de 24 h avant la création du soleil ?


- ...


Finalement, Bryan aurait reconnu que le terme "jour" est peut-être à prendre dans un sens métaphorique, c'est à dire qu'il peut s'agir de périodes, parfois même de longues périodes de milliers d'années, pourquoi pas ? C'est à dire au final que le prêcheur ultracroyant a reconnu qu'il ne faut pas prendre la Bible à la lettre...


Même si le procès fut perdu concrètement pour la défense (la loi n'a été abrogée qu'en 1967), on considère que Darrow a gagné le procès, notamment grâce à cet échange.





Ca m'a rappelé les débats que j'avais eu avec un ami maintenant lointain lorsque j'avais découvert les 12 preuves de l'inexistence de Dieu par l'anarchiste Sébastien Faure. Cet ami me disait que cela ne sert à rien de discuter pied à pied sur le terrain des croyances mêmes avec les croyants. Il pensait que cela ne pouvait donner qu'un débat stérile, pour lui, pour combattre les croyances absurdes, il fallait remonter à l'origine du besoin de la croyance et que c'était là qu'il fallait se battre.


Il avait certainement raison, n'empêche, le débat Darrow-Bryan, moi, ça m'a bien fait rigoler...

(pour ceux qui veulent tout savoir sur ce procès, c'est par ici et c'est en anglais...)

lundi 20 août 2007

photos de vacances

Alors voilà, c'est la rentrée ou presque, on va reprendre doucement...
J'ai pas trop envie d'écrire pour le moment, je vais plutôt vous faire travailler un peu.
Qui peut me dire quelle est exactement l'activité de cette entreprise ?



mercredi 8 août 2007

bérurier noir

Alors voilà, les plus observateurs d'entre vous ont pu remarquer (sur la photo de ce bon vieux Bic noir) que j'étais retombée dans mes anciens travers...
J'ai découvert les Béru au lycée. C'était un copain qui nous refilait ses cassettes pourries pour qu'on les repique (il les avait déjà copiées à son frère). Ces cassettes étaient tellement mal enregistrées que l'expression "cassette de Brice" est passé dans notre vocabulaire pour désigner un enregistrement au son dégueulasse, les chansons coupées au milieu et qui reprenaient plus tard de manière complètement aléatoire, ou qui ne reprenaient jamais d'ailleurs. Ajoutons à cela que j'étais la grande spécialiste du copiage d'une cassette 60 min sur une 90 min (et vice versa), ça nous donne un résultat parfaitement inécoutable. Mais je reste convaincue que c'est comme ça que ça s'écoute, au final.
Las, comme vous avez pu le constater, je me suis embourgeoisée et j'ai fini par acheter les CD, c'était le début de la fin.
Aujourd'hui pour tout achever, je découvre que des vidéos sont disponibles sur internet...

Alors attention séquence nostalgie, cette "chanson" c'était peut-être notre hymne (ne nie pas, Xuc !)





SoS est sur l'album Abracadaboum, dont le succès plongea les keupons dans des affres de réflexion, qui aboutiront d'ailleurs à leur séparation.
Mais j'avoue que je ne suis pas trop attachée à cette période "Viva Bertaga", la fête, le cirque, tout ça.
Pour moi, les Béru, c'est avant tout l'album "Macadam massacre", le tout début, avant qu'ils ne s'achètent une batterie, en fait !
Attention, vidéo réservée aux amateurs...


mardi 7 août 2007

tabagisme




Je n'aime pas du tout ce mot, qui sonne à mes oreilles comme une idéologie (le capitalisme, par exemple), une maladie (comme le mongolisme)...

Je trouve ce néologisme médiatique particulièrement laid.

ça donne envie de lutter ! par exemple en diffusant cette petite vidéo (fumer tue, ne pas fumer aussi apparement...)

Et puis finalement, pour ceux que ça intéresse :


le suffixe -isme en français peut être la marque de trois sens :

- une doctrine politique, une notion économique ou un mouvement artistique (ce qui est effectivement l'origine étymologique de ce suffixe, qui vient du latin -ismus et qui s'est diffusé ensuite à d'autres domaines)

communisme, libéralisme, fauvisme

- un comportement, une attitude :

égoïsme, altruisme

- voire un mot en rapport avec le développement de la langue :

régionalisme, néologisme



Donc finalement, ça colle :


- le "tabagisme" peut être une doctrine politique intéressante, dans la troisième guerre mondiale qui se prépare entre fumeurs et non fumeurs


- le tabagisme est aussi une notion économique : mes enfants, avec toutes ces taxes, on fait tourner une bonne partie de la Sécu !


- un mouvement artistique : voyez tout ce que Gandalf est cap' de faire avec ses ronds de fumée...


- un comportement : ah les fameux balcons fumeurs lors des soirées, où c'est toujours plus intéressant qu'à l'intérieur...


- donc, je vote bravo les journalistes, ce néologisme a contribué à développer la langue...



J'ai trouvé une étude sur la création du néologisme "libertaire", c'est ici pour ceux que ça intéresse, à étudier pendant le mois d'août.
Un jour il faudra fixer une bonne fois pour toutes la différence entre anarchiste et libertaire...
Un billet à venir ?

lundi 6 août 2007

REP




C'est toujours un moment rare et émouvant lorsque le fidèle Bic Cristal Noir meurt d'une mort naturelle...

jeudi 2 août 2007

soirée écossaise (dernière partie)

Où tous les mystères sont enfin éclaircis... Un pincement au coeur, mais avec un sacré soulagement quand même, votre auteur a enfin réussi à boucler son histoire...
Nos héros reverront-ils leur Paris natal ? Sortiront-ils indemnes de cette étrange aventure ? Ce blog a-t-il encore une raison d'être après l'accomplissement de sa prophétie initiale (cf. René Lourau) ?


Ils sont pris au piège de la Bastille…

D’instinct, ils se pressent les uns contre les autres, leur regard horrifié fixé sur le pont-levis maintenant relevé, au-delà duquel ne se trouve peut-être pas la liberté, mais au moins l’idée réconfortante qu’ils auraient pu repartir par là d'où ils étaient venus… C’est à voix haute que Louise formule ces pensées, et c’est la première fois que la question de leur retour à Paris, enfin, au Paris qu’ils connaissaient, est posée. Et, à ce moment précis, cette idée n’est pas pour les rassurer. De plus, il fait de plus en plus froid, et Antoine grelotte sous son kilt.

Mais heureusement que Jay existe.
- pas de panique, je m’en occupe !
Il sort un téléphone portable de sa poche. Les autres le regardent avec ahurissement… Ce serait vraiment trop beau… Mais dans ce cas, qui appeler ? Les pompiers ? Un historien ? et quelle adresse donner ?
- et m… j’ai pas de réseau.
Antoine pose une main compréhensive sur l’épaule de l’ami de sa nana :
- on t’en veut pas, Jay !

Mais sa réplique est couverte par une voix éraillée, tombant de nulle part, semblant sourdre des murs, sans qu’il soit possible de la situer plus exactement. Tout le monde sursaute :
- Vous, le Sarrasin, déposez cette arme à vos pieds, immédiatement ! Nous avons des baillonnettes braquées sur vous, n’essayez pas de jouer les héros…

Jay obtempère sans sourciller. Mû comme par un ressort, il balance son téléphone d’un geste. Le groupe se fige dans une attente angoissée, mais la voix ne semble pas vouloir se manifester à nouveau. En revanche, dans un grincement sinistre, une porte au fond de la cour s’ouvre lentement. Tournés vers elle, nos héros attendent, saisis par une étrange torpeur glacée, que quelqu’un n’en sorte. Mais personne ne se montre. La porte reste ouverte, sombre, invitation menaçante à pénétrer un intérieur inconnu sûrement encore plus sombre et menaçant. Comme si l’air chaud était aspiré à l’intérieur du bâtiment, la température descend encore de quelques degrés. Mais le groupe, hypnotisé par le rectangle d’ombre dessiné par la porte ouverte, ne semble pas remarquer les conséquences étranges de cette baisse de température. En effet, autour de Xuc commencent à se dessiner de curieux halos de lumière bleue, qui tournent autour de lui, qui pénètrent et ressortent de son corps et de sa tête, en une curieuse danse désordonnée et disjointe…

Fried, lui, a mis ce temps à profit pour réfléchir. C’est le premier à prendre la parole :
- Bon, voilà comment sont les choses, c’est assez simple. L’ennemi nous tend un piège, il nous ouvre une porte pour nous coincer à l’intérieur du bâtiment. Très bien, mais il ne faut jamais sous-estimer la fourberie des Prussiens. Donc, comme il pense que nous pensons que c’est un piège, il se doute bien que nous n’entrerons jamais là-dedans. Pour tromper l’ennemi, il nous faut donc entrer. CQFD, qui m’aime me suive et tous en avant mes frères !

Le raisonnement n’a convaincu personne, mais comme tout le monde commence à être transis à force de rester immobile et que personne d’autre n’a mieux à proposer, ils suivent tous Fried, insensible à cette marque d’amour, et s’approchent de la porte du bâtiment. Jay est resté un peu en arrière pour ramasser son précieux portable qu’on lui envie tant, car il contient les numéros des plus jolies filles de France et de Navarre. Il n’a pas été tant impressionné que cela par la voix mystérieuse, il a lâché son portable juste pour qu’aucun de ses amis ne soit blessé… Quand il se redresse, son regard se pose sur Xuc, qui marche avec les autres. Il remarque enfin quelque chose d’étrange et, en bon pote, préviens son camarade :
- Xuc, tu fumes trop, t’as de la fumée qui te sort des oreilles.
Xuc se retourne, lui jette un regard plein d’incompréhension, mais ne voulant pas ranimer en cet instant critique le vieux débat fumeurs-non fumeurs entre colocataires, hausse les épaules.

Les autres ont déjà disparu dans la pénombre de l’intérieur. Jay se dépêche de les rattraper, mais Xuc ne suit plus le mouvement. Il vient lui aussi de s’apercevoir de ce phénomène bizarre autour de lui qui s’intensifie au point de lui donner vaguement le tournis :
- n° 3 ? n° 3 ? tu es là ? Qu’est-ce qui se passe ? tu peux m’expliquer ? n° 3 ?… N’importe qui ! ?

Mais personne ne lui répond. Et non seulement les comètes bleues qui s’amusent à lui tourner autour et à lui faire du rentre-dedans ne s’arrêtent pas, mais elles commencent à faire du bruit. Xuc perçoit des sons de coup, de chute, des petits gémissements et de fantastiques ahanements d’effort, directement à l’intérieur de sa tête. Il a l’impression que des multitudes de comètes bleues se battent à l’intérieur de son cerveau, et ça lui fait mal. Il a envie de hurler, peut-être a-t-il hurlé d’ailleurs ? toujours est-il qu’il est tombé à genoux, les deux mains sur la tête pressant son crâne de toutes ses forces pour l’empêcher d’exploser. Les comètes n’en ont cure, elles continuent leur manège, de plus en plus rapidement et de plus en plus fort. Et Xuc s’évanouit.


- Où êtes-vous, traîtres à la République ? Vous vous cachez, hein ? Vous savez que le peuple en armes est invincible ! Nous sommes le peuple en armes, nous sommes la République et les Droits de l’homme et du citoyen !
Mais le bâtiment reste froid et silencieux devant les injures. Fried grince d’un ton menaçant :
- Montrez-vous, que je vous abolisse un peu vos privilèges !
- Euh, Fried, écoute, il vaut mieux que je mène la négociation, s’avance Ernesto, qui a maté des patrons plus coriaces…
- Mais quelle négociation, s’énerve Louise, il n’y a personne, ici, personne !
- Ça me semble exact, confirme Jay d’une voix tranquille et virile, il n’y a même plus Xuc.
Un concert d’exclamations accueille cette constatation :
- Quoi ?
- Il a dû rester dehors !
- Hein, qui ?
- Retournons dans la cour !
- Allons enfants de la vallée du Rhin !

Ils se précipitent sur leurs pas. Mais entre temps, la porte s’était refermée, impossible de la rouvrir, une fois encore ils sont piégés. Mais ils sont un de moins…
- vous avez lu les Dix Petits nègres ? demande Antoine, en pensant à autre chose.
Louise lui retourne une tarte, et se met à pleurer :
- ta gueule, mais ta gueule putain ta gueule…
In petto, Jay pense que ce n’est pas très élégant pour une femme de parler ainsi, mais il lui pardonne, car il est lui aussi tout chafouin d’avoir perdu Xuc… Qui va lui monter ses étagères, maintenant ?
- non ! je refuse que ça se passe ainsi, dit-il en brandissant le poing. Ils ont Xuc, peut-être, mais nous, nous sommes encore vivants ! Il y a encore un Jay qui respire dans cette bâtisse moisie, et donc il nous reste une chance, si infime paraisse-t-elle, de sortir de là et de retrouver Xuc !
- Il a raison, dit Louise en se tournant vers Ernesto. Donne-moi ton passe !
- Mon passe ?
- Arrête, c’est bon, on sait très bien que tous les militants en ont un…
- Bon, bon, voilà, mais t’en parles à personne, hein ? c’est interdit, et maintenant que j’ai des responsabilités syndicales je ne peux pas me permettre d’avoir des ennuis…
- Des ennuis ? et tu crois pas qu’on en a quelques uns des ennuis, là ? s’énerve Louise en essayant sur la vieille serrure de la porte le passe PTT, dont les copies en circulation surpassent certainement en nombre les originaux…

Miracle… Dans un nouveau grincement sinistre, la vieille porte tourne lentement sur ses gonds… Nos héros ne peuvent retenir un cri de stupéfaction lorsqu’ils découvrent la cour qu’ils viennent juste de quitter. Car non seulement Xuc ne s’y trouve plus, mais en plein centre de la cour, là où un instant plus tôt ils se sont arrêtés pour contempler le bâtiment, se dresse une antique guillotine, une vraie, comme dans les films. Elle n’est même pas rouillée, et semble hélas en parfait état de marche… Fried pousse une exclamation de satisfaction :
- Vindieu le bel engin !
Il se tourne vers ses amis, radieux :
- nous ne sommes plus seuls, citoyens ! Le peuple est venu à la rescousse !
- Eh non ! pas exactement, mon pauvre vieux…

Surgissant du panier de la guillotine, hilare, une forme bleue vaguement familière s’avance vers eux.
- tu ferais mieux de picoler un peu moins et de réfléchir un peu plus, eh naze !
Antoine penche la tête de côté :
- c’est marrant, on dirait Xuc ! Enfin, je veux dire dans son apparence physique, ajoute-t-il rapidement en voyant le regard furibond de Louise…
- Xuc ! mais c’est qu’elle m’insulte la chiure de mouche ! Apprenez donc messieurs et mademoiselle… Non, on ne peut décemment pas appeler demoiselle quelqu’un qui porte un décolleté aussi profond… Donc, la bande de minus et leur salope apprendront que je m’appelle n° 4, et que je fus, pendant de très longues et éprouvantes années le fantôme de ce mou-du-genou de Xuc.
- ah oui ? frémit Fried, et aujourd’hui ? Tu as changé de propriétaire ? Un traître, c’est cela ? La belle affaire !
- Ecoute moi bien, l’ivrogne. Dans la vie il y a ceux qui commandent, et ceux qui obéissent. J’ai choisi mon camp, et vous, vous devez m’obéir maintenant si vous voulez revoir l’autre merde en vie !
- Il parle de Xuc, là ? demande Antoine à voix basse.

Jay serre les poings. Il est difficile de laisser insulter ses amis ainsi, mais un fantôme accepterait-il une provocation en duel à la loyale ?
- Vous allez me suivre, maintenant, et sans plus discuter. C’est par là, mon Maître vous attend.
- Et à qui aurons-nous l’honneur ? demande Ernesto d’une voix grave et de son ton le plus poli, qui désarmerait n’importe quel DRH un tant soit peu novice…
- Oh mais c’est un homme finalement, le binoclard aux cheveux longs ! Tu m’excusera tapette, c’était pas évident à première vue…

Et l’horripilant fantôme leur tourne carrément le dos pour se diriger vers une petite ouverture presque à l’opposé de la cour, qui n’était pas, ils auraient pu le jurer, visible lors de leur précédente visite. Il ne semblait y avoir rien d’autre à faire pour sauver Xuc que d’obtempérer et d’emboîter le pas à l’humanoïde translucide qui les guide, par un dédale de couloirs et d’escaliers, vers ce qui sera certainement la fin de cette énigme. En chemin, ils échangent quelques impressions à voix basse :
- c’est fou, donc c’était vrai cette histoire de fantômes ?
- et moi qui me foutais de lui…
- et moi donc !
- il a dû supporter ce connard pendant tout ce temps ?
- papette…
- comme quoi, on ne connaît vraiment ses amis que lorsque l’Histoire demande aux citoyens de faire le sacrifice de leur liberté pour l’amour de la République !
- quoi ?
- il devrait pourtant commencer à dessaouler, là, non ?

Mais cette importante question restera en suspend, car le groupe est arrivé devant la porte d’un cachot, à travers laquelle fantôme n°4 se précipite allègrement en leur jetant un regard goguenard, genre : " allez-y, essayez de m’imiter, on va rire ! ". Jay s’apprêtait à relever le défi lorsque la porte s’ouvre, de l’intérieur et sans grincer.
Le cœur battant, nos héros rentrent dans la pièce, s’attendant à trouver Xuc en piteux état, voire… qui sait ?
Mais rien de tout cela :
- ah bah vous voilà, vous tombez bien, on vient de trouver le moyen de rentrer chez nous !

Xuc était assis tranquillement sur un banc en bois, avec trois autres personnages dont on ne pouvait douter, au vu de leur ressemblance avec Xuc et de leur curieuse consistance translucide, qu’ils ne fussent encore d’autres fantômes. Louise ne trouve rien à répliquer que :
- qui ça, " on " ?
- eh bien, n°1, n°2, n°3 et moi ! c’est un travail d’équipe !
- et vous semblez m’oublier, ci-devant citoyen !

La porte se referme violemment, et le personnage qui leur avait ouvert s’avance maintenant vers eux, une perruque blanche vissée sur la tête, une chemise à col à jabot légèrement jaunie qui dépasse d’une veste à rayures mal cintrée. Xuc dissimule une grimace.
- Laissez-moi me présenter… Maximilien Marie Isidore de Robespierre, dit L’Incorruptible. Serviteur.
Un silence sidéré tombe sur notre petit groupe. Fried est à genoux, et semble incapable de proférer le moindre son. Prenant cette stupéfaction pour une invite au discours, L’Incorruptible prend la pose, une grande inspiration, et… Mais Xuc a été plus rapide :
- bon, je vous fais le topo, si on le laisse parler on ne s’en sortira pas et on a plus beaucoup de temps, il faut que nous soyons rentrés avant l’aube sinon nous serons coincés ici à jamais, et je sais pas vous, mais moi je suis pas très chaud.
- Mais comment tu sais ?…
- C’est grâce à mes fantômes, ils ont mené leur petite enquête. Les murs ici sont pleins de souvenirs et riches d’informations pour qui sait les recueillir…
- Oui, donc ?
- Alors, ce lieu, la Bastille, est une sorte de… Palais de la justice, en somme.
- D’où la guillotine ! s’exclame Fried.
- Mouais… Monsieur Robespierre s’est retrouvé lui aussi, par hasard comme nous, coincé ici, car il a vécu une injustice.
- Je me suis fait guillotiner, au faîte de ma gloire et avant d'avoir pu accomplir mon oeuvre pour…
- Et nous, nous sommes ici dans le but de réparer cette injustice, en commettant une injustice encore plus horrible… Ce n’est qu’à ce prix-là que nous pourrons reprendre le cours normal de nos existences. Tout le monde suit ?
- Bah…
- Je crois…
- C’est un peu farfelu, mais…
- Ça se comprend…
- Bon, alors on y va, on descend dans la cour.
- Hein ?

Xuc se lève d’une béquille décidée. N°4, sur le chemin entre lui et la porte, s’écarte promptement. Xuc tente de lui mettre la main sur l’épaule, mais elle passe à travers dans un " schhlurrp " peu ragoûtant. Qu’à cela ne tienne, il le regarde dans les yeux :
- je ne t’en veux absolument pas. Tu as raison, nous deux ça ne marchait pas, nous souffrions trop. Parfois, même si cela fait mal, il faut savoir prendre la décision de se séparer, et je te remercie de l’avoir fait. Maintenant, il ne faut pas regarder en arrière, une nouvelle vie t’attend, tu seras beaucoup plus heureux avec quelqu’un d’autre que moi. Je veux juste que nous nous quittions bons amis…
N°4 détourne le regard :
- tu ne m’as jamais aimé, goujat ! J’ai tant donné pour notre relation, et tu me traitais comme n’importe lequel de tes fantômes…
- hum hum… Navrée d’interrompre cette touchante conversation, mais n’avons-nous pas une injustice horrible à commettre avant l’aube ?
- La citoyenne Louise a raison, messieurs, l'intérêt suprême de la nation et des colonies elles-mêmes est que vous conserviez votre liberté et que vous ne renversiez pas de vos propres mains les bases de cette liberté.
- Ne faites pas attention, il a tendance à repasser ses vieux discours en boucle… Renommée, renommée… Qui es-tu, renommée… Suivez-moi !

En tentant de digérer ce qui leur arrivait, tout le groupe dévale les escaliers à la suite de Xuc. Ils débouchent dans la cour maintenant familière, où la sinistre guillotine semble les attendre.
- Bon, et maintenant ? demande Jay.
- Alors… Antoine, viens par ici mon poteau… Je vais te lier les mains dans le dos… Voilà, comme ça… Une cagoule sur le visage… Très bien… Suis-moi, tu vas t’allonger sur le ventre juste ici, voilà, comme ça… très bien…
- Euh ? je peux poser une question ?
- Oui, je t’écoute ? répond Xuc de sa voix la plus hypocrite. Mais dépêche-toi, tu le sais qu’on n’a plus beaucoup de temps…
Les autres s’installent en demi-cercle autour de la guillotine et assistent au dialogue. Antoine a la voix qui commence légèrement à chevroter :
- Vous… Vous allez me guillotiner ?
- Eh bah ! on dirait qu’il s’améliore, à notre contact ! siffle Louise entre ses dents.
- Il semble oui, hélas, c’est le seul moyen. Tu vas te faire guillotiner à la place de Robespierre, et comme ça, nous nous pourrons rentrer à l’appart de Louise après ce léger contretemps et commencer enfin notre fameuse soirée écossaise.
- Mais…
- Oui ?
- Pourquoi moi ?
- Mais pourquoi pas toi, mon petit père ?
- Mais…
- Oui ?
- C’est injuste ! !
- Mais c’est le principe, exactement !
- Merci de le reconnaître, intervient Robespierre. Ca nous rendra la tâche plus facile et mon retour sera ainsi assuré.
- Je ne crois pas que je suis prêt à mourir… je veux dire… je suis encore jeune, et…
- A dire vrai, mes fantômes ont été clairs sur ce point. Tu ne vas pas vraiment mourir, juste… euh… être décapité. Et puis tu vas hanter ces lieux jusqu’à ce que ta haine de l’injustice soit assez forte pour y attirer d’autres personnes, et tu pourras en sortir lorsque tu te montrera avec eux aussi salop, voire plus, que nous l’avons été avec toi.
- …
- C’est bon, c’est compris ? on va pas y passer des heures non plus ! Monsieur Maximilien, je crois que cet honneur vous revient…
- Ah ah ! comme au bon vieux temps, hein ! Robespierre se frotte les mains en lançant un clin d’œil à Fried. On va voir si je ne me suis pas rouillé !

D’un geste parfaitement maîtrisé, il abaisse la manette, sur le côté gauche de l’engin. La pince s’ouvre, et le couperet tombe. La tête d’Antoine, qui n’a même pas eu le temps de crier, tombe dans le panier en zinc avec un bruit sourd. D’une poussée du pied très professionnelle, Robespierre fait basculer le corps acéphale dans le panier en osier prévu à cet effet.
- ça, c’est comme le vélo ! Dictateur un jour…
- mais, et maintenant ? demande Jay qui ne perd jamais de vue les choses matérielles, pourquoi on est pas de retour ?

Comme pour lui répondre, le pont-levis par lequel ils sont entrés s’abaisse, avec le même grincement sinistre.
- eh bien, je crois que la vielle bâtisse nous indique d’elle-même le chemin. Grouillons-nous, j’ai pas très envie de voir mon ex amputé d’une vingtaine de centimètres.
- Si petite ! Bon, alors tu ne le regretteras pas trop… plaisante Jay, égrillard mais légèrement vantard tout de même.
Fried marmonne dans sa barbe :
- Les femmes… toutes des mantes religieuses, des araignées, des goules… Des garces !
Puis, tandis qu’ils passent au-dessus des douves toujours remplies de cet étrange liquide en mouvement, il s’adresse à Robespierre :
- Monsieur, je voulais vous dire que j’avais été enchanté de rencontrer un personnage tel que vous. Je voudrais que vous sachiez que je lutte tous les jours, dans mon monde, pour poursuivre votre œuvre.
- Merci, petit. Ils sont rares, ceux qui comme nous, veulent subsituer la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, les bonnes gens à la bonne compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l’éclat, le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple aimable, frivole et misérable, c’est-à-dire, toutes les vertus et tous les miracles de la République, à tous les vices et à tous les ridicules de la monarchie…
- Euh, d’accord, j’essayerai de me tenir à ce programme…
Ils approchaient de la limite fatidique de la place… Robespierre s’arrête, et glissant une paire de lunettes de soleil Prada dans la paume de Fried, lui adresse son regard le plus pénétrant :
- je suis content moi aussi de vous avoir rencontré, mon jeune ami, vous attestez par votre présence que les âmes sensibles et pures existent. Oui ! elle existe, cette passion tendre, impérieuse, irrésistible, tourment et délices des cœurs magnanimes, cette horreur profonde de la tyrannie, ce zèle compatissant pour les opprimés, cet amour sacré de la patrie, cet amour plus sublime et plus saint de l'humanité, sans lequel une grande révolution n'est qu'un crime éclatant qui détruit un autre crime. Elle existe, cette ambition généreuse de fonder sur la terre la première République du monde ; cet égoïsme des hommes non dégradés, qui trouve une volupté céleste dans le calme d'une conscience pure et dans le spectacle ravissant du bonheur public. Vous le sentez, en ce moment, qui brûle dans vos âmes ; je le sens dans la mienne.

Xuc s’approche de Fried sidéré, et lui passe le bras autour du cou :
- il n’y a qu’un seul moyen de le faire taire… Allez, viens ma poulass on rentre à la maison…

Se tenant par le bras, ils franchissent tous en même temps cette ligne invisible de la place de la Bastille qui marque ici la fin de leur aventure…

Merci de votre attention.
S'il y en a un qui me dit "Tout ça pour ça" dans ses commentaires...

Allez les jeunes !


Je ne dois certainement pas être la première à m’en gargariser, mais ça me fait bien marrer que le chef de meute des louveteaux de l’UMP s’appelle Fabien de Sans Nicolas


( le chef de meute, ça existe vraiment chez les scouts… Au fait, le saviez-vous ? il existe aussi des scouts musulmans. Comme quoi, faut arrêter de ne se moquer QUE des grenouilles de bénitier)