Philippe Sollers serait-il fou ?
Oui, je sais, question un peu rhétorique...
N'empêche que je suis tombée sur un entretien édifiant sur le site nonfiction.
Philippe Sollers n'y brille pas particulièrement par sa modestie. J'en avais entendu parler, mais là je l'ai lu et c'est tout de même autre chose !
Dès le début de l'entretien, nous sommes dans l'ambiance. Le temps du grand homme n'est plus rythmé par le calendrier chrétien -c'est d'un ringard- il préfère le calendrier nietzschéen. En effet, c'est d'une absurdité totale que de soumettre la population mondiale (y compris donc les bouddhistes, les animistes, etc.) à un décompte du temps à partir de la naissance de not' seigneur Jésus-Christ. Alors que bon, Nietzsche au moins ! la philosophie occidentale ça c'est universel.
Nous sommes donc selon l'ami Sollers en l'an 120. Et au cas où l'on aurait mal compris le concept, il précise que l'an prochain nous serons en l'an 121. Véridique ! C'est : ici
Je vous aurais bien mis quelques morceaux choisis, mais lesquels ?
Par exemple, les subtils paragraphes où Sollers, à propos de tout à fait autre chose, nous rappelle qu'il est très connu et qu'il est invité partout ? Soit :
Au Salon du livre :
Ce matin même je reçois un coup de téléphone m’invitant à un colloque au Salon du livre, auquel je vous dis tout de suite que je n’ai pas l’intention de me rendre : j’ai horreur des foules, du brouhaha, alors si en plus il y avait des bombes, laissons tomber ! C’est un Salon du non-livre pour moi…
A l'Académie Française, bien entendu ! (et il a l'air d'y tenir, car il revient à plusieurs reprises) :
nonfiction.fr : Que pensez-vous des institutions littéraires françaises, dont on dit qu’elles sont à bout de souffle ? L’Académie française, par exemple, peine à trouver des candidats. Pourquoi refusez-vous d’y être candidat ? Philippe Sollers : J’y entre demain si je veux ! Mais mon explication est très simple : ça ferait baisser mes prix. J’ai un public de gens jeunes, très exigeants, qui seraient déçus si je faisais cela et qui n’achèteraient plus mes livres.
Ajoutons à cela un antiaméricanisme de base, un discours décliniste et puant d'élitisme... Je vous laisse découvrir par vous-mêmes. Heureusement que l'on peut trouver dans cet entretien des pointes de lucidité :
nonfiction.fr : Il est amusant d’ailleurs rétrospectivement, de voir que dans un texte programmatique ouvrant le premier numéro de Tel Quel en 1960 vous prôniez une "littérature dégagée"… Certes un tournant a été pris très vite et la revue s’est engagée dans les débats politiques du temps comme la guerre d’Algérie. Philippe Sollers : Vous me parlez de Tel Quel et vous avez fort raison car il faudrait en reconsulter les 94 numéros. Nous en sommes en ce moment au 101ème numéro de L’infini, le plus étrange étant que tout se passe comme si rien ne s’était passé. C’est comme la lettre volée d’Edgar Poe : elle est là, au milieu, et personne ne la voit. C’est la même chose comme pour mes livres depuis 25 ans, c’est comme s’il n’existaient pas.