samedi 27 mars 2010

Jonathan Stroud, L'Amulette de Samarcande

(tome 1 de la trilogie de Bartiméus)

Ou : Le livre qui vous fera aimer les notes de bas de page !

L'histoire se passe à Londres, au XXI° siècle.

Ne le dites pas à mon père (qui en boufferait ses places au Stade de France pour le prochain France-Angleterre), mais je commence je crois à aimer les Anglais... déjà, ce petit accent... Mais je m'égare.

Donc, Londres au XXI° siècle est divisé en deux classes sociales : les magiciens, et la plèbe. Un tout jeune apprenti-magicien, Nathaniel, se lance par ambition et par orgueil (et un peu par hasard, également) dans une aventure haletante avec le djinn qu'il a invoqué, Bartiméus.
Je ne dirai rien de l'intrigue, qui est juste assez passionnante pour nous tenir jusqu'à la fin du bouquin sans s'ennuyer une seule page, mais pas plus. En revanche, tout le reste...
La narration alterne entre le point de vue du djinn Bartiméus en focalisation interne, et celui de Nathaniel. Autant le dire tout de suite : les passages racontés par Bartiméus sont les plus savoureux des deux. Les deux personnages principaux sont des anti-héros : pas très doués, bourrés de défauts, ils sont immédiatement sympathiques au lecteur. Aucun personnage ne s'en sort réellement d'ailleurs : les deux seuls personnages positifs s'avèrent être d'insupportables nunuches dont l'auteur se fait un plaisir de se débarrasser rapidement.
J. Stroud a construit une société de caste remarquablement cohérente où les membres de la caste au pouvoir -les magiciens- sont les rois de l'esbrouffe et de la cupidité.
Et quand tout ça est décrit par Bartiméus, c'est le fou rire assuré. L'utilisation des fameuses notes de bas de page est particulièrement réussie : le djinn pouvant penser et ressentir sur sept Niveaux (une invention particulièrement géniale), il éprouve certaines difficultés à nous raconter, nous autres pauvres crétins, son histoire sur un seul Niveau...
Un monde cohérent, un style alerte, des personnages bien campés, beaucoup d'humour, une conception de la magie complètement terre à terre qui change des machins supernaturels de pouvoir et de puissance et tralala, un poil de critique sociale sans que ça devienne chiant ou manichéen, que demander de plus pour passer un bon moment avec un bouquin ?
Le tome 1 conclut l'intrigue. Certes, quelques fils sont ici et là dissiminés pour faire le lien avec les tomes suivants (quelle est cette fameuse Résistance ? Ces plébéiens qui s'attaquent aux magiciens ?). Mais rien n'empêche de s'arrêter au tome 1.

Mais pour ma part, je vais continuer. Le cynisme de Bartiméus me manque déjà.

vendredi 19 mars 2010

Ella Rogers

Alors que je rentrais de la fac, elle s'est assise à côté de moi dans le métro... Juste à côté...




(on peut cliquer sur l'image pour l'écouter)

Quand elle est descendue, les gens se sont mis à parler les uns avec les autres. Un fait assez rare dans le métro pour qu'il mérite un post, non ?

Coming soon...

Sans me douter de rien, je sirote mon thé en compagnie de la toile planétaire et je tombe sur une info de nature à éclairer ma journée :

John Carpenter sort bientôt un nouveau film !

Le titre serait "Riot", il se passe dans un pénitentier insurgé.
Donc, a priori, aucune trace d'horreur ou de science-fiction. Sauf que, horreur !, Kurt Russel n'y jouera pas et que le premier rôle est confié à... Nicolas Cage.
Ca augure mal, non ?

mardi 2 mars 2010

Frankenstein, Mary Shelley

Car avant d'être Boris Karloff, la créature du Docteur Frankenstein était le héros d'un bouquin, le résultat d'un jeu, le prétexte à des interrogations philosophiques sur l'homme.

Le livre est une suite de récits qui s'imbriquent : un capitaine de navire écrit à sa soeur pour lui rapporter le récit du Dr Frankenstein qu'il a recueilli à bord. Et dans le récit du Dr, d'autres personnages prennent régulièrement l'énonciation, le point culminant étant le récit du monstre (appelé souvent "démon"), moment le plus fort, le plus émouvant.

Ces poupées russes renforcent l'impression que cette histoire est une étude de l'espèce humaine, en général, à travers ces personnages particuliers : c'est une histoire qui touche trop de monde, qui traverse trop de strates différentes pour qu'elle ne soit qu'un récit sans prétention philosophique.

Il y a tout d'abord le Docteur, un homme qui se prend pour Dieu dans un accès d'arrogance. Pourquoi créer la vie ? Parce qu'il le peut. Tout simplement. Une réaction hautement humaine qui ne cesse de m'interroger.
Son acte a des conséquences désastreuses, comme souvent lorsque l'homme se livre à ce genre d'exploration de ses possibilités en n'accordant qu'un minimum d'attention aux conséquences de ses actes (et oui, on peut parler ici du nucléaire).

La créature : avide d'amour et de savoir. Sans avoir demandé à être créée, elle est rejettée par les hommes à cause de sa différence. Et elle devient mauvaise. ("Dois-je donc passer pour le seul criminel, alors que l'humanité entière a péché contre moi ?" GF, 1979, p. 318)

La nature : car oui, on l'aura deviné, le rousseauisme n'est pas loin. La nature est omniprésente dans ce roman romantique. Elle est mauvaise (l'hiver est dur quand on vit dehors) et elle est bonne (le printemps est si doux après l'hiver) tour à tour, impartiale, pour les êtres et les monstres.

Les hommes enfin : ils sont mauvais en société (pensons à la scène du procès de Justine). Ils sont bons lorsqu'on a affaire à un individu (Elisabeth, le capitaine dans sa cabine, l'enfant...) La famille est douce quand on la voit de l'extérieur, mais on ne peut y rentrer car l'inconnu, l'étranger, la différence, est rejetée violemment par la famille, ainsi que par les êtres bons (l'enfant a eu peur de la créature).

Mary Shelley a écrit ce livre à l'âge de 19 ans... Elle a une jolie plume quoiqu'un style un peu lourd parfois. Les relations sentimentales sont plutôt naïves, mais qu'importe, ce n'est pas le sujet du livre. La genèse de son histoire, racontée dans l'appareil critique, vient de vacances au bord d'un lac à Genève qu'elle passe avec son compagnon, le poète Percy Shelley, et Lord Byron et sa compagne Claire Clairmont (la soeur adoptive de Mary). C'était en 1816, ces amants n'étaient pas mariés (ou bien mariés avec une autre femme que celle qu'ils ont mise enceinte), et ils se balladent en bateau, discutant les théories philosphiques de l'époque, argumentant sur les progrès de la science et... se racontant des histoires de fantômes autour du feu. Ils ont tous convenu d'écrire à leur tour un récit pour faire peur. Et Mary Shelley, retournant dans sa tête tout ce qu'elle avait entendu, impressionnée visiblement par Lord Byron, et aiguillonnée par son imagination fertile, écrit Frankenstein.

Je n'ai pas lu ce livre comme un récit d'horreur, la créature n'est pas effrayante. Mais l'histoire est tellement pessimiste...
Le navire est menacé de perdition car le capitaine a eu la folie de vouloir explorer des terres inconnues. Le capitaine écrit à sa soeur, mais elle ne lira jamais ces lettres. Le récit de Frankenstein est tombé dans l'oreille d'un sourd : l'orgueilleux capitaine refait les mêmes erreurs que lui. Le récit de la créature à son créateur ne l'avait pas ému. Et c'est à cause de cela que sa femme meurt et que la fin du roman sombre dans l'horreur. Personne n'écoute personne, personne ne comprend personne. Peut-être est-ce cela, l'horreur d'être humain.

Je propose une idée d'adaptation cinématographique du bouquin, tel que je l'ai lu : le passage le plus représentatif serait à mon sens la course poursuite finale, avant que le Docteur Frankenstein ne soit recueilli par le navire. Le créateur poursuit sa créature, qu'on ne verrait jamais à l'écran (parce que franchement, le masque avec le clou qui dépasse du front à la Pinhead c'est vraiment ridicule). Mais la nature serait omniprésente, et les rencontres avec les hommes qui ont vu la créature permettrait au spectateur de découvrir peu à peu cette dernière et de reprendre les interrogations philosophiques de Mary Shelley qui sont, je le répète, le point fort du bouquin, beaucoup plus à mon sens que la relation créateur-créature.