mardi 24 août 2010

Goliards, goliardes !

Il était une fois, il y a bien bien longtemps, Chronos créa du haut de l'Olympe une race d'humains bienheureux. Il les fit batifoler dans les champs, sans jamais connaître la douleur, la peine ou le travail. Toute leur vie se déroulait le ventre plein, l'esprit en paix et les sens comblés. Ils mourraient comme ils avaient vécu, le sourire aux lèvres.
C'était l'Age d'Or.

Nous aurons du pain,
Doré comme les filles
Sous les soleils d'or.
Nous aurons du vin,
De celui qui pétille
Même quand il dort.
Nous aurons du sang
Dedans nos veines blanches
Et, le plus souvent,
Lundi sera dimanche.
Mais notre âge alors
Sera l'AGE D'OR.
Nous aurons des lits
Creusés comme des filles
Dans le sable fin.
Nous aurons des fruits,
Les mêmes qu'on grappille
Dans le champ voisin.
Nous aurons, bien sûr,
Dedans nos maisons blêmes,
Tous les becs d'azur
Qui là-haut se promènent.
Mais notre âge alors,
Sera l'AGE D'OR.

Nous aurons la mer
A deux pas de l'étoile.
Les jours de grand vent,
Nous aurons l'hiver
Avec une cigale
Dans ses cheveux blancs.
Nous aurons l'amour
Dedans tous nos problèmes
Et tous les discours
Finiront par "je t'aime"
Vienne, vienne alors,
Vienne l'AGE D'OR.

(Léo Ferré)


Mais la chute de Chronos précipita la fin de cette douce époque. Dès lors, tout alla de mal en pis : le travail d'abord, puis la souffrance, la maladie... pour finir par les gens qui mangent du popcorn dans les salles de cinéma.

L'Age d'Or est devenu un mythe (a-t-il jamais été autre chose ?), un genre de promesse paradiasque d'un futur meilleur. Car Léo Ferré le souligne très bien, la principale caractéristique de l'Age d'Or, c'est qu'il reviendra. En attendant, deux solutions :

- on trinque en serrant les dents et en faisant bien ses prières avant de manger ;
- on fait comme Bruegel l'Ancien et on rêvasse...


Main dans la main camarade ! Que tu sois paysan (reconnaissable à son fléau), chevalier (la cotte de maille), écuyer (le casque), ou clerc (la braguette prête à se baisser...), on est tous égaux devant la sieste... Et on a chacun les mêmes chances d'attraper les oeufs à la coque à pattes.
Bruegel l'Ancien a peint ce tableau en 1567, deux ans avant sa mort, alors que la Flandre (il habitait Bruxelles) est déchirée par les guerres de religion et que tout le monde se massacre joyeusement.
On comprend alors la tentation de partir ailleurs, et je suis bien contente que Bruegel ait rêvé au lieu de vivre, parce qu'il dessine vachement bien. Je ne suis pas très sensible à la peinture, mais j'aime ses tableaux.

La "nostalgie" de l'Age d'Or fait froid dans le dos : on regrette une époque qui n'a même jamais existé, c'est dire à quel point l'ici et le maintenant sont bien pourris. C'est en mythologie ce que le Big Bang est à la physique nucléaire : un point de départ théorique auquel la matière va revenir, écrasant tout - l'histoire, les hommes - sur son passage. Crunch.

Mais il y a également une troisième solution, pour ceux qui en ont vraiment plein le dos.
On pourrait l'appeler l'Appel de la Goliardise.
Les Goliards sont un genre de vagabonds médiévaux. Des étudiants fauchés, à ce que j'ai compris, qui voyageaient en troupe avec d'autres fauchés (les ancêtres de Jeudi Noir, en somme), les poches vides et la langue bien pendue. La plupart sont des clercs non par aspiration religieuse mais pour échapper, une fois tonsurés, aux obligations séculaires et millénaires (le service militaire, les différents impôts pour l'Eglise, etc.).
"C'est la vie de Bohême", auraient rigolé Bourvil et Mariano.
Non contents de se servir éhontément des avantages accordés à une Eglise à laquelle ils ne se donnent pas, ils se fichent ouvertement de ses clochers ! En parodiant les cérémonies religieuses (Wiki raconte l'histoire d'un âne et de harengs que l'on ramenait à la messe) et surtout en composant des pelletées de chansons à boire, de chansons paillardes ou de chansons anticléricales, ou les trois mélangées.
Et la plupart seront consignées dans un recueil intitulé... Carmina Burana (l'oeuvre de Carl Orff - qui ? - mais si ! "O Fortuna"... vient de là).
Et là où c'est sympa c'est que ces ménestrels ont aidé la langue française, en tout cas dans sa version écrite (puisque ces chansons ont été consignées par écrit, à l'époque ça joue beaucoup) à se départir d'une rigueur latine un peu préjudiable à la mélodie de la langue. La Tuna explique ça mieux que moi... Ou ici pour les amateurs de détails.

Pour échapper à l'horreur de l'Age d'Or dont j'espère vous avoir convaincus, entrons tous les amis à l'Abbaye de Thélème dont la célèbre devise, "Fais ce que voudras" (Rabelais, Gargentua) ne peut s'entendre sans cette autre citation du même auteur : "Ignorance est mère de tous les vices".

dimanche 22 août 2010

Buffy comics

Je découvre ladite "saison 8" de Buffy contre les vampires, celle qui est en cours de publication sous forme de comic. Toujours ces références bien marrantes à la pop culture, et les comics en premier lieu, bien sûr ! ceux qui explosaient dans tous les sens, avec des Big Bad qui ont toujours plus d'un tour dans leur sac, et les onomatopées en rose fluo... De bien belles choses parfois, comme cet issue 5 qui m'a un peu serré le coeur. 

Mention spéciale également à l'arc consacré à Faith et Giles, qui prouve tout d'abord que Faith est un personnage riche et plein de possibilités et également que Giles n'a rien perdu de son anglitude (je veux le même pull!)...


Maintenant, pour les amateurs, Dark Horse, la maison qui publie ces comics propose quelques planches en ligne sur son myspace. Buffy : Always Darkest m'a bien fait rire (issue 24) ; de même que Sugarshock (issue 1, 2, et 3), pure galéjade, mais un chouette personnage de Dandelion.
 

samedi 7 août 2010

Oh, fais-moi rêver Jean-Claude !


Anita Blake, dans la vie, elle fait Réanimatrice. Elle relève les morts, créée des zombies, quoi. Autant dire qu'elle a le coeur bien accroché. Sinon sur son temps libre, Anita Blake est une Tueuse de vampires. Il y a plusieurs manières de tuer un vampire, mais Anita a une préférence pour les méthodes traditionnelles : le pieu, le truc tranchant qui tranche la tête. Ou le flingue qui explose le crâne. Autant dire qu'elle n'est pas une nunuche. Anita Blake n'a pas beaucoup d'amis, à part une nunuche qui fait rien qu'à l'emmerder à se marier et à vouloir qu'elle soit sa demoiselle d'honneur. Car Anita Blake ne porte pas de robes. Et il y a aussi un tueur à gages vachement sexy mais un peu dangereux quand même. Autant dire que la vie, pour Anita Blake, c'est pas du gâteau tous les jours.
Et surtout Anita Blake est sur le point de commencer un genre d'histoire d'amour/haine très étrange et pas du tout cliché avec un ténébreux vampire, très vieux et très puissant, nommé... Jean-Claude.
Non, non, j'affabule pas. Jean-Claude. Et ce fut une merveilleuse idée que de l'appeler Jean-Claude ! au moins quelque chose qui m'aura fait sourire dans cette histoire que j'ai trouvée profondément ennuyeuse...

Oh, certes, le monde créé présente une certaine cohérence. Il y a une intrigue policière également (mais qui donc s'amuse à tuer des vampires ?) qui est résolue à la fin. Quelques personnages secondaires sympathiques (le patron d'Anita, par exemple, et son rapport décomplexé à l'argent). Le vocabulaire est plutôt simple, les phrases ne sont pas difficiles à comprendre et le livre est court... Je n'ai pas trop souffert.
Maintenant que dire de plus ? Je l'ai fini il y a quelques jours et je ne m'en souviens déjà que très partiellement (sauf de Jean-Claude, naturellement). Cette lecture a glissé sur moi comme un canard sur un rocher mousseux, sans originalités pour accrocher la mémoire : une femme forte pour héroïne, garçon manqué célibataire : déjà-vu. Des forces démoniaques qui s'en prennent aux humains et qu'il faut repousser : déjà-vu. La nécessité de frayer avec le diable et le frisson de plaisir coupable ce faisant ? déjà-vu et re-déjà-vu. Un vampire très hot prénommé Jean-Claude ? dé... Ah non. Ca, ça m'a marquée.
Bref : je n'avais pas de grandes attentes avec ce livre, je cherchais une petite lecture d'un soir pour reposer mes neurones de thésarde en fin de rédaction, un truc frais et sympatoche. Je ne l'ai même pas trouvé...

Voici la liste des valeureux participants à cette lecture commune (sur livraddict) : 

Les enthousiastes :
Love-of-book (un véritable coup de coeur pour les personnages)
Mycoton32 (une histoire originale pour cette grande consommatrice de bit-lit)
Setsuka (enfin de la bit-lit chaste !)
Cécile (qui aime les héroïnes avec du mordant... mais juste au sens figuré)
Vozrozhdenyie (qui partage mon opinion au moins sur la super-virilité du prénom Jean-Claude)
Lily (qui aime les livres où les femmes sont à l'honneur)
Galleane (qui va surveiller de près ces hommes qui tournent autour d'Anita en lisant le tome 2)
Cathy (un roman qui résiste à une relecture)

Les mitigés :
Pikachu (qui visiblement, "ne sait pas" trop quoi en penser !)
Lisalor (qui pense qu'il devrait y avoir une limite de taille pour faire Tueuse de vampires)
Yumiko (qui a eu beau tourner et retourner, la sauce n'a pas pris)
Lolo (qui s'est décidée à passer outre la couverture lorsqu'elle a compris que ce n'était pas un roman érotique)
Nanet (qui situe Anita entre James Bond et Buffy)

Fée Bourbonnaise
Mystix
Stieg
Kristus
Lexounet



mercredi 4 août 2010

Le Trône de fer

Dans un royaume imaginaire, des familles se battent et se déchirent autour de la succession au Trône de fer, le symbole du pouvoir et de la royauté sur les Sept couronnes.
Voici un cycle dit de Fantasy d'où la magie est à peu près absente. Les complots et les batailles en revanche, foisonnent... Ce qui rend encore plus inquiétantes les petites touches de fantasique. Le royaume se déchire de l'intérieur, alors qu'il est menacé, au Nord, par la présence des Autres, genre de spectres qui hante les cadavres des hommes. Le Mur est la seule frontière entre ces rivalités familiales pour le pouvoir et l'horreur de ces fantômes qui reviennent avec l'hiver. Le Mur, hélas, est de moins en moins gardé. C'est tellement plus important de placer ses pions dans le futur gouvernement...
Voici un cycle de Fantasy à gros sabots, sans originalité et assez clairement commercial. Mais ça marche. Nous n'avons pas affaire complètement à un attrape-couillon.
Deux choses expliquent à mon sens ce petit miracle : le talent de scénariste de Georges Martin ; et des personnages riches décrits tout en finesse.
J'ai apprécié de ne pas pouvoir discerner les bons des méchants. Les notions de Bien et de Mal, dans ce royaume au bord de la guerre de succession et menacé par des forces surnaturelles encore plus inquiétantes sont plutôt floues. Bien malin celui qui pourrait qualifier un Tyrion Lannister, par exemple : héros ou salaud ? Et Ned Stark, l'homme d'honneur, le père de famille aimant et le dirigeant droit et honnête (voire rigide), devant le choix de sauver son royaume ou sa famille, qui pourra deviner ce qu'il va faire ?
Pas moi, en tout cas. Rien n'est téléphoné dans la manière dont les personnages réagissent face aux événements. On va de surprise en surprise, accompagnant les personnages, leur reprochant telle ou telle décision, jouant à deviner avec eux ce que trament tels personnages secondaires... Une vraie réussite, surtout pour une lectrice aussi casse-pieds que moi à ce niveau-là !
 En ce qui concerne l'histoire proprement dite, je suis restée un peu sur ma faim. J'aime les grands cycles, mais j'aime également quand une histoire se déroule, puis se conclut avant de rebondir... On pourrait dire que l'auteur prend son temps, mais on a parfois un peu l'impression qu'il tire à la ligne. Des histoires de famille compliquées, des rivalités, des batailles, attisées par le souvenir d'anciennes histoires de famille compliquées, des rivalités ancestrales, des batailles du passé... C'est peu de dire que c'est un peu compliqué d'y rentrer, au début. Pour nous faciliter la vie, chaque chapitre suit un personnage en particulier parmi une petite dizaine qui forment donc des sortes de personnages principaux à travers les yeux desquels nous voyons l'histoire, forcément partielle, forcément orientée. Ce mode d'énonciation créée le suspens, car nous n'avons pas accès aux autres personnages importants (je pense à Jaime Lannister Le Régicide dont on parle beaucoup, mais qui glisse comme anguille. Il m'intrigue particulièrement).
J'ai été séduite également par cette idée des saisons qui durent de nombreuses années, et l'hiver qui approche est particulièrement bien rendu, petit à petit, dans ce qu'il a de sinistre et d'effrayant. L'hiver vient, les Autres approchent...
L'hiver vient, la devise de la famille Stark, me fait sourire. C'est drôlement sinistre comme devise de Maison... L'illustration parfaite du pessimisme ! 
Les hommes du Mur sont très bien rendus, ces silhouettes noires et muettes, des hommes que l'on imagine burinés et boueux, qui ont fait voeu de chasteté et qui vivent toute l'année dans la neige et le froid, pour garder cette mystérieuse forêt... Ca aurait pu être romantique en diable et ouvrir la porte aux fanstasmes, mais là encore l'hiver vient : la Garde de Nuit n'est plus qu'un futur ramassis de violeurs et de délinquants. Les hommes, les vrais, ne trouvent plus de relève... A part peut-être le Bâtard, Jon Snow, au nom prédestiné. Oui décidement, il fait très froid dans ce livre...
Un tout dernier mot sur l'écriture. Le traducteur a tenté de rendre un genre de style médiéval bizarre, je ne sais pas ce que ça donne en VO, mais en français j'ai trouvé cela pas trop mal. Rencontrer des "La couronne m'écherra" par exemple est plutôt sympathoche ("écherra", futur simple un peu vieilli mais encore utilisé de "échoir"... Oui, comme dans "Et la bobinette cherra" !). En revanche, le 'parler peuple' des péquenots m'a un peu fatiguée.
En conclusion, que dire ? Ce serait mentir que de ne pas avouer que j'ai passé un bon moment de lecture. Mais ce n'est pas un roman qui m'a fait grimper au plafond. 
Continuerai-je ? Pas dans l'immédiat : la violence (physique et psychologique) des événements qui se déroulent est un peu éprouvante. En lisant les dernières lignes, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire : "Eh bien, ils sont pas dans la merde...".
NB : le bouquin est en cours d'adaptation sous forme de série TV par HBO... J'avoue que je crains un peu.
(Et du coup, j'ai enchaîné avec De Bons présages de Gaiman et Pratchett, histoire de souffler un peu...)

Les billets des autres participants (oui, car c'était encore une LC) :

Poulp
Evertkhorus (qui a dû s'accrocher mais qui est loin de le regretter)
Miss Spouky Muffin (qui a épuisé ses réserves de patience à la troisième page de description de la cuisson du foie de veau)
Erell
Lexounet
Deliregirl1
Iani (qui a l'air motivée pour refaire la traduction française)
Séverine