mardi 21 septembre 2010

Amour : l'arme suprême de destruction massive


Voilà un livre que j'avais lu au lycée, il y a plus de dix ans maintenant... (pff, ça nous rajeunit pas) J'en avais gardé, il faut le dire, un excellent souvenir. J'avais été bouleversée par une histoire d'amour gâchée par la dureté des hommes et de la société (j'étais comme ça, au lycée, jeune fille romantique et révoltée).
Deux passages m'avaient marqués, tout d'abord le fameux « Elea, c'est Païkan ! » du Docteur Simon, qui est le point nodal de cette histoire. Et également, je me souvenais de cette petite réflexion, après que les télévisions du monde entier aient montré les images des deux survivants : 
 
« L'humanité, par le moyen d'un peu plus de bruit, s'efforçait d'oublier ce qu'elle venait de comprendre en regardant les deux gisants du pôle : à quel point elle était ancienne, et lasse, même dans ses plus beaux adolescents. »

La relecture, avouons-le dès maintenant, a été extrêmement frustrante. Animée par la sympathie pour cet auteur, pour ce roman et pour mes souvenirs, j'ai passé mon temps à soupirer, à gratter quelques notes énervées, refusant de conclure à la médiocrité de ce livre !

Le principal problème, c'est le sens des priorités, qui frôle l'absurdité. Elea n'en a que faire de la grande histoire de l'humanité, de ce qu'elle pourrait découvrir ou apporter. Son histoire d'amour est tout ce qui importe. Et l'utopie, au passage, en prend pour son grade. Description angoissante d'un monde régit par la science, par l'ordinateur... Et proposer aux hommes leur parfait compagnon, calculé par ordinateur, les désintéresse finalement de la recherche, du dynamisme, de l'histoire (Coban, le scientifique de génie, n'a pas de compagne : aucune n'a pu lui être trouvée. Du coup, c'est le seul qui garde un peu la tête sur les épaules). C'est pareil que pour l'argent : il ne peut être économisé, géré, placé. Il se contente de circuler, en vase clos. Cette utopie est une société sans histoire. 
 
On aurait aimé plus de détails scientifiques lors de la découverte de cette nouvelle civilisation, par exemple sur la langue parlée. Les explications (langue-lui et langue-elle) sont insuffisantes. Alors que franchement, l'histoire d'Elea et Païkan me passait largement au-dessus de la tête. Mais Barjavel n'a pas assez poussé son histoire, sa documentation, son imagination : "Coban sait". Un raccourci de l'auteur pour éviter de se prendre la tête avec des machins scientifiques... Frustrant. 
Quelques raccourcis scénaristiques dommageables également : Barjavel fait intervenir le monde pour nourrir Elea, alors qu'il aurait été plus simple de lui présenter plusieurs types d'aliments, ou tous les objets présents avec elle dans l'Oeuf. Bon, d'accord, l'intervention de toute la planète c'est beau et ça fait frémir :

« Du bout de la Terre, Lukos tenta et réussit la plus fantastique association. Sur ses indications, tous les grands calculateurs furent reliés les uns aux autres, par fil, ondes-images et ondes-sons, avec relais de tous les satellites stationnaires. Pendant quelques heures, les grands cerveaux serviteurs de firmes concurrentes, d'états-majors ennemis, d'idéologies opposées, de races haineuses, furent unis en une seule et immense intelligence qui entourait la terre entière et le ciel autour d'elle du réseau de ses communications nerveuses, et qui travaillait de toute sa capacité inimaginable dans le but minuscule et totalement désintéressé de comprendre trois mots... »

Et d'un autre côté, on ne pouvait pas passer à côté de la réaction du monde à cette incroyable découverte scientifique, il fallait trouver un biais pour la montrer. C'est là que le bât blesse. Barjavel oscille entre la politique-fiction, type Un Animal doué de raison, et la romance. J'aurais préféré qu'il verse carrément dans la première catégorie, plutôt que cette histoire bancale où l'amour dévastateur, accaparant, détruit tout sur son passage et perd le lecteur en route. 
Et que dire des journalistes, ces idiots, qui devant cette découverte extraordinaire en soi, ne recherchent que le spectaculaire ? Ou ces micro-trottoirs qui ne semblent se tendre que devant des débiles profonds ? Ce n'est pas assez creusé, trop manichéen, et surtout ça nous laisse un mauvais arrière-goût dans la bouche : Elea et Païkan sont prêts à tout détruire juste pour leur histoire d'amour, les journalistes pour vendre leur papier, les nations du monde pour se faire la guerre. Le monde est-il ainsi divisé, en communautés qui campent sur leurs intérêts ? La petite bande de scientifiques, isolée à la fois géographiquement sur cet Antarctique hostile et humainement - ils apparaissent littéralement comme les seuls êtres véritablement humains du bouquin - par contre-coup apparaissent comme des naïfs, impuissants de surcroît. 

Je trouvais que le titre était mal choisi, que le point fort du livre de Barjavel, ce n'était pas l'histoire d'Elea et Païkan, mais la bêtise du monde et des hommes (de tous les temps). Mais finalement le titre est peut-être plus judicieux que je ne l'avais pensé : nous vivons encore dans la nuit. Et cette lueur d'espoir que représentent les scientifiques, attention ! voyez, au temps d'Elea et Païkan, ce sont eux qui ont apporté la nuit éternelle...

En résumé, je garde pour ce livre un capital sympathie indéniable, mais je l'ai trouvé inachevé. Beaucoup de potentiel, mais pas assez de travail, dirait un prof. 
PS : Et franchement, cette histoire de choisir les hommes destinés à survivre pour leur intelligence et leurs connaissances, alors que les femmes sont choisies pour leur beauté et leur santé ?
Moi j'aurais tout misé sur l'intelligence, mais après c'est peut-être parce que je suis plus intello que top modèle...

Et comme il s'agit d'une lecture commune sur livraddict, je rajouterai ici-bas au fur et à mesure les liens des critiques de mes co-lecteurs : 


Les enthousiastes :

Karline05 : Une relecture enthousiaste, portée par un amour éleaetpaïkanesque pour Barjavel, qui partage mon avis sur le relatif peu d'intérêt de l'histoire d'amour.
Evertkhorus : ce livre l'a décidée à demander René Barjavel en mariage.  
Maïko : qui a réussi à découvrir une nouvelle facette lors de sa dixième relecture... On veut des photos de l'état de ton édition ! 
Vero : pour un premier Barjavel, une réussite sur toute la ligne !


Les mitigés :

Cacahouète : ou la relecture de trop...
Frankie : a versé sa petite larme à la fin, mais c'est vraiment parce qu'elle a bon coeur...

vendredi 10 septembre 2010

La pub du jour

Trouvée dans Le Monde, année 1968 ou 1969...

 

mardi 7 septembre 2010

Balade en compagnie d'un bijou

De nombreux débats ont eu lieu, pour déterminer par où attaquer la catégorie Valar du Middleearth Challenge...
J'ai choisi pour ma part l'ordre chronologique de l'histoire qui nous est contée. 

C'est donc par la création du monde que j'ai commencé. 
"Il y eut Eru, le Premier, qu'en Arda on appelle Ilùvatar ; il créa d'abord les Ainur, les Bénis, qu'il engendra de sa pensée, et ceux-là furent avec lui avant que nulle chose ne fut crée."

Tous ces joyeux personnages se mettent à faire de la musique, à accorder leurs violons et à créer la Terre et la vie par ce biais. 
Ensuite les choses se compliquent. Ambitieux et orgueilleux, Melkor part faire son petit bout de chemin en solitaire, embarquant les Silmarils (trois diamants contenant la musique du monde) et c'est la guerre. Pendant ce temps-là, les Elfes et les Hommes, créés par les Ainur, croissent et se multiplient... vivent leurs petites aventures, tour à tour jouets et défis aux dieux. Jusqu'à ce que les Valars ne prennent peur devant la soif de connaissance de leurs créatures et ne séparent leurs mondes définitivement, n'admettant parmi qu'une poignée d'élus. 

"Alors les plus savants des Humains dirent qu'il devait exister une Voie Droite pour ceux qui avaient la permission de la trouver. Et ils enseignèrent qu'alors que le nouveau monde était courbe, l'ancienne route et le chemin du souvenir de l'ouest continuaient tout droit comme un pont invisible et gigantesque jeté dans l'air du souffle et de la lumière (désormais courbé à l'instar du monde) qui traversait Ilmen, où la chair ne peut vivre sans aide, pour atteindre Tol Eressëa, l'Ile Solitaire, et peut-être même Valinor où les Valars vivaient encore et contemplaient le déroulement de l'histoire du monde."


Voilà comment on pourrait tenter de résumer Le Silmarillon... Ce livre a essentiellement pour but de nous raconter les événements les plus importants du Premier Age de la Terre, ceux du Seigneur des Anneaux se déroulant au Troisième Age. Et si effectivement, nous retrouvons Mithrandil, les Hommes de l'Ouest et Numénor, les éclaircissement sur le SDA sont plutôt mineurs. 
J'avais gardé un souvenir un peu pénible du Silmarillon lors de ma première lecture (en 1999, me rappelle la dédicace de l'ami Xuc qui me l'avait offert), et les obtacles à la lecture sont effectivement nombreux et bien connus : un style élliptique, des noms en veux-tu en voilà qui changent tout le temps, des dynasties aux arbres généalogiques impressionnants...
Mais mon erreur était là : tenter de lire ce livre comme un roman, alors que c'est un long poème en prose. 
J'ai tenté une approche différente cette fois-ci : se laisser tout simplement porter par les mots et accepter, lorsqu'on lit le nom d'un personnage, de ne pas savoir exactement qui il est, le fils de qui ou le père de quoi. 
Et ça marche beaucoup mieux. C'est ainsi qu'on se rend compte que le Silmarillon est un très beau texte, qui lorgne du côté des grandes épopées antiques (certains passages de la Bible, bien sûr, mais aussi Gilgamesh ou Beowulf) et qu'il y a matière, dans les grandes lignes du scénario ici esquissé par Tolkien, à plusieurs bons livres d'héroïc-fantasy. Mais que ce n'est pas, insistons là-dessus, l'objectif du Silmarillon

J'ai retrouvé les défauts inhérents au genre de ces grands mythes fondateurs : Melkor, l'Ange déchu, était bien sûr le plus intelligent, celui qui s'est permis d'avoir une vision personnelle au lieu de rester soumis au Père. Et ce bel acte de liberté dans l'affirmation de soi est présenté comme une chute, et Melkor devient le méchant de l'histoire. De même, la soif de connaissance des Hommes, qui veulent aller toujours plus loin, les pousse à rechercher le bonheur et l'immortalité... Rien de répréhensible là-dedans, si ? Et pourtant les dieux les punissent d'avoir osé. 
Mais heureusement, des passages lumineux font oublier tout cela, tel le duel de chansons entre Sauron et Felagund, qui me donne envie de lire des poèmes de Tolkien - mais il faudrait aller les voir en VO.


Alors, faut-il avoir lu le SDA pour lire le Silmarillon ? Faut-il commencer plutôt par l'un, plutôt par l'autre ? 
Je n'en sais rien, honnêtement. S'ils partagent le même univers, ils sont radicalement différents dans leur forme et dans leur conception (faut-il lire Chrétien de Troye avant de regarder Kaamelott ?)... 
A vous de voir (comme disait un copain). 

1/8

Et pour la suite ? Eh bien, je vais me laisser porter au gré de mon édition, et relire les quatre Contes et légendes inachevées. Je continuerai certainement sur les cinq tomes de L'Histoire de la Terre du milieu, avant d'aborder le Hobbit...
Mais je me suis récemment payée un petit coup de déprime, et le terme est choisi : je me suis acheté pas mal de bouquins et quelques paires de chaussures, ça risque de repousser la suite de ma balade avec Tolkien...