vendredi 2 avril 2010

Rouletabille vs Poujadas


J'ai relu récemment Le Mystère de la chambre jaune, dix ans peut-être après ma première lecture.
J'ai grandi, et les personnages ont vieilli : un point positif et un point négatif.

Les relations entre les personnages sont vieillotes, et Mathilde est une sorte de caricature de femme que l'on ne voit pas beaucoup dans le livre et c'est tant mieux sinon c'est moi qui chercherai à l'assassiner.

En revanche, j'ai été agréablement surprise par l'humour de Gaston Leroux, dont curieusement je n'avais gardé aucun souvenir. Mais le bouquin est proprement hilarant. Déjà, dans cette manière de faire monter la sauce... L'auteur s'avance sur la piste de la vérité, faisant moult clins d'oeil au lecteur pour qu'il le suive, le sourire en coin tout de même... et paf ! il lui claque la porte au nez au dernier moment, dans un éclat de rire complice.

Le passage le plus drôle à mon sens, c'est la narration du greffier, dans le chapitre XI. Le narrateur, Sainclair, laisse la plume un temps au récit du greffier de l'interrogatoire d'un des personnages. Or, le greffier a des lettres et se pique de littérature. Le pauvre, on rit bien à ses dépens.

J'avais voulu pour ce billet faire un comparatif entre Lupin et Rouletabille, avec un petit peu de Holmès ou de Conan Doyle dedans, ce se serait appelé Leroux, Leblanc, la chambre jaune et les yeux verts, ou quelque chose comme ça, mais l'actualité m'a coupé la chronique sous le pied.
Vous avez certainement entendu ce matin qu'au bout de leur longue investigation dans les milieux pédophiles online, une équipe de journalistes dirigée par David Pujadas, a livré les résultats de leurs investigations à la police.
Et les lecteurs de Leroux ne sont pas sans ignorer la scène du procès, où Rouletabille ne livre pas Ballmeyer, en dépit de l'aversion qu'il nourrit envers lui et la malignité du personnage :

"Je ne suis pas de la 'justice', moi ; je ne suis pas de la 'police', moi ; je suis un humble journaliste, et mon métier n'est point de faire arrêter les gens ! Je sers la vérité comme je veux... c'est mon affaire... Préservez, vous autres, la société, comme vous pouvez, c'est la vôtre... Mais ce n'est pas moi qui apporterai une tête au bourreau !"

Sans vouloir être polémique, je donne raison à Rouletabille. Si les journalistes se mettent à collaborer avec la police, ils finiront par ne plus pouvoir faire d'enquêtes, et on se retrouvera à lire des communiqués du Ministère de l'Intérieur au lieu de ce qui nous tient déjà de journaux d'information aujourd'hui.

PS : dans la foulée, j'ai lu la 'suite', Le Parfum de la dame en noir. C'est beaucoup moins bien, écrit de manière plus... maniérée, si vous voyez ce que je veux dire. Leroux serait-il tombé dans le piège de son savoureux greffier ?

1 commentaire:

louise miches a dit…

J'ai entendu Poujadas s'expliquer aujourd'hui sur France Inter. Il faisait de cette enquête, et de la livraison des pseudonymes des pédophiles qui a suivi, un cas de conscience.
Il plaçait le dilemme sur le terrain émotionnel : il ne pouvait pas ne pas faire quelque chose pour arrêter ces pédophiles qui étaient en activité.
L'autre domaine qui a été évoqué susceptible de déclencher ce même cas de conscience, c'est bien sûr le terrorisme.
Il y a quelques domaines comme ça qui semblent échapper à la réflexion politique ou philosophique.