samedi 28 janvier 2012

Collection : j'aime me faire du mal

Ça y est, j'y suis passée...
J'ai lu un bouquin de la collection Harlequin.
Une expérience fondamentale, un voyage au bout du mauvais goût et de l'encore plus mauvaise traduction.
En vidant l'appartement de Mère-grand, poussée par la nostalgie et la curiosité au moins autant que par mon aversion naturelle à voir se perdre des livres sans essayer d'en sauver au moins quelques uns, j'ai récupéré un échantillon représentatif de son honorable collection de romans Harlequin.
Mon choix hier s'est porté sur le premier de la pile :

Katherine Granger, L'Auberge du bonheur, Harlequin Série Chance,1986
Alors, ça ressemble à quoi, un Harlequin vu de l'intérieur ? A ça :
(attention, quand on a pas l'habitude, ça pique un peu)

Libby Peterson est veuve depuis trois ans, mais comme c'est une femme forte, elle continue à tenir l'auberge qu'elle et son mari avaient ouvert ensemble. Elle se débrouille plutôt pas mal, mais bon comme c'est une femme ses volets ont besoin d'être repeints, les robinets fuient, les gouttières sont bouchées, etc.

Notre pauvre Libby se tord un peu les mains, se demandant comment elle va faire face à tout ça en se baladant sur la plage les cheveux au vent ou en se roulant dans l'herbe pour jouer avec des chatons. Oui, Libby est comme ça : une femme forte, simple et naturelle.
Lorsque débarque Ruth Mason :

"En le voyant approcher, Libby fut de nouveau saisie par son allure dominatrice. Il était un magistral assemblage de muscles, de vigueur, de peau basanée, d'épaules larges, de torse puissant qui s'amenuisait sur un estomac plat."

Rajoutez à cela des yeux gris tour à tour amers, tristes et mystérieux : voilà un homme qui porte un lourd secret.

Bref, Ruth se propose, contre le gîte et le couvert, de retaper un peu la baraque : en somme de mettre un homme à la maison.
Le feu aux... joues, Libby accepte. Ce ne sera que la première de ses bouffées de chaleur. Je sais bien que c'est l'été, mais elle passe quand même la moitié du bouquin à avoir soudain chaud.
Après s'être tournés autour pendant deux ou trois chapitres, ils se roulent enfin une galoche magistrale (qui donne des vapeurs à Libby) puis le passé de Ruth fait surface.

En fait, c'est un mec super riche qui a décidé un jour de tout quitter pour faire le tour des Etats-Unis en travaillant avec ses mains (car s'il est homme d'affaires et bosse dans un bureau, il n'en est pas moins très doué de ses mains). Et là patatras : il parle à Libby de sa femme... Libby s'effarouche immédiatement : comment ! il est marié et ne m'en a rien dit ! C'est un menteur, il m'a trompée !
Elle se casse en courant, plantant le beau Ruth qui n'a pas eu le temps de finir sa phrase. Libby lui fait la tronche pendant tout le reste du chapitre.

Vient ensuite l'épisode hilarant de la chatte Babeurre (chouette nom pour un chat, soit dit en passant. Le mien s'appelle Cthulhu, mais Babeurre c'est mignon aussi) qui est montée sur le toit et n'ose plus en redescendre. Ce qui plonge notre chère Libby dans des affres de tordage de mains : doit-elle appeler Ruth à la rescousse ? Elle déteste dépendre d'un homme, de lui surtout, c'est sûr qu'il va en tirer avantage, etc. Elle veut tellement rien lui demander (rappelons que c'est tout de même son employé...) qu'elle décide d'abandonner la pauvre chatte à son sort. Et puis, elle voit les quatre chatons qui miaulent sur la pelouse, le museau vers le ciel. Alors elle craque et appelle l'Hômme.
Ruth va donc sauver le chat, et ça coupe la chique à Libby. Parce qu'il ne sauve pas Babeurre : il la séduit... Et Libby, témoin de la scène, a super chaud bien sûr.

Messieurs, voici donc la recette séduction :
Prenez délicatement entre vos doigts un morceau de la pâtée préférée de l'élue de votre coeur.
Montez à l'échelle.
Appelez-la avec de profonds "ts, ts" rauques.
Normalement, elle vous mange dans la main.
Parlez-lui d'une voix grave et douce, caressez la.
C'est bon : vous pouvez la prendre par la peau du cou, elle se nichera au creux de votre cou.

Quand Ruth redescend avec le chat, Libby n'en peut plus. Il profite alors de son trouble pour lui dire : mais en fait, fallait pas t'énerver Chérie, je suis divorcé ! Bah oui, fallait me laisser finir... En plus on a pas d'enfants car mon ex-femme ne pouvait pas en avoir. Donc c'est bon, on peut baiser ?

Mais en fait Libby se reprend très vite. Car oui, une fois l'auberge retapée et l'été passé, Ruth repartira comme les hirondelles... Peut-elle supporter une aventure d'un été ?Cette cruchasse (il faut bien les appeler par leur nom) décide que non.

Puis en fait elle décide que oui, car l'autre est vraiment trop bogoss et qu'il fait chaud dans cette pièce, non ?  Mais au moment où ils allaient enfin roucouler Ruth lui confie devant la cheminée que sa femme s'est remariée le lendemain de leur divorce et qu'elle a eu un enfant.

Et rebelote. Libby lui coupe la parole. Mais comment ! on m'aurait menti ! et tu m'as dit qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfants mais en fait c'était pas vrai, salaud pour la peine je ne coucherai pas avec toi.
Elle se barre et fait la tronche.

Un chapitre plus loin, il arrive à la rechoper dans un coin pour finir son histoire : c'est ma femme qui m'a menti, Libby ! La salope, tout notre mariage était un mensonge. C'est pour cela qu'il y a cet éclair triste dans mes yeux... Je dois réapprendre la confiance, tu vois ?

Oh non, se dit le lecteur. Si lui aussi se met à jouer les midinettes, on est pas sortis de l'auberge du bonheur...

Heureusement, les yeux de Libby sont si clairs, sa taille si souple, ses hanches si pleines, etc. (Rajoutez vos propres clichés c'est bon, ils sont dans le bouquin.) qu'il se remet plutôt vite. En plus son histoire, pensez, a fait fondre les défenses de Libby à qui le rouge monte au visage et qui sent une étrange chaleur se... Mais au moment où il s'apprêtait à y avoir du sport : crac, un orage. Branle-bas de combat et panique. J'ai pas bien compris pourquoi, mais ils sortent sous la pluie, ils sont mouillés et Ruth "était comme un animal sauvage, racé, mouillé, musclé".

Mouiller Ruth, c'était certainement la seule raison à cet orage incongru, puisqu'ils se retrouvent tous les deux très vite devant un feu de cheminée et... ILS CONSOMMENT !! (p. 122, quand même...)

Ouf, se dit le lecteur.
Happily ever after ?
Que nenni !

Libby recommence ses simagrées, entre deux parties de jambes en l'air : il va partir à la fin de l'été, pourrais-je supporter de le voir s'éloigner ?... La seule solution : le mariage !
Ruth, pas si bête, comprend bien ce qui tracasse sa douce et finit par lui demander sa main. C'est beau.
Mais Libby refuse. Bah oui, elle ne veut pas quitter son auberge, elle ne veut pas partir à la ville où se trouve le siège de la grosse multinationnale de son Ruth.

Au moment où le lecteur, qui a envie de lui foutre des tartes depuis 150 pages, s'apprête à sortir le bazooka, finalement elle dit oui. Elle se sacrifie, des larmes plein les yeux, prête à quitter son auberge vers la fin de l'été.
Mais Ruth (je résume, hein, j'avoue que j'ai légèrement survolé la fin du bouquin) ne supporte pas cette tristesse infinie dans les yeux si doux de sa belle. Alors il dit qu'il reste.
Oui mais non car ses yeux gris sont tristes et Libby ne supporte pas...

Gnagnagna, au bout de 20 pages ils ont trouvé la solution : Ruth achète le terrain où il jouait avec son papa quand il était pitit et va y créer une succursale de son entreprise, qu'il destinera à des projets environnementaux de préservation du territoire.

Fin.
(et c'est pas trop tôt)


Le livre alterne les points de vue de Libby et de Ruth sans prévenir ni même sauter une ligne, faut parfois un peu y mettre du sien pour suivre le fil d'une histoire pourtant pas si compliquée.
La qualité de la traduction, bien sûr, met des bâtons dans les roues au lecteur qui tente de suivre de bonne foi les pérégrinations de nos deux héros.
Et il se trouve que les coquilles sont foison également. Ah le paragraphe où Ruth se plaint des "horaires" des médecins, que j'ai dû relire deux ou trois fois pour comprendre qu'il parlait des "honoraires" et Libby qui grince "oh, au moins tu sais livre l'heure" (mais sait-il livre un lire ? that is the question).
Le style est à l'image de la couverture : un poil au-delà du bon goût. Jugez plutôt : "Elle se tourna et reçut l'impact de sa présence comme un coup de poing dans l'estomac". "L'univers de Libby fut alors circonscrit dans ses bras. [...] Elle était entraînée dans un tourbillon descendant, descendant, descendant au coeur même de la passion".

N'en jetez plus.

C'était mon Harlequin "Série Chance" (comprendre : ceux où des beaux mecs vous tombent dessus juste au moment où ça vous gratte).
J'en ai 5 autres récupérés de chez Mère-grand : Collection Azur, Horizon, Série Club et Rouge Passion. Et un tout seul qui n'a pas de collection, mais qui s'appelle "Dans un monde sauvage et pur" et franchement avec un titre pareil il n'en a vraiment pas besoin...

2 commentaires:

Nelfe a dit…

Bon... On va dire que tu as lu ce "roman" par respect et amour pour ta grand mère... Je peux comprendre... Mais moi vivante JAMAIS je ne lirai un truc pareil!
Bravo pour ton courage ^^

louise miches a dit…

Ma curiosité scientifique n'a aucune limite ;)