lundi 9 juin 2008

Petite anecdote de métro pour passer le temps

Dimanche soir, un métro pas très plein.
Je m'assieds en face d'un vieux bedonnant qui trimballe sa bouteille d'oxygène. A ma droite, un jeune mec, 30-35 ans, des lunettes, un début de calvitie et un air timide, bouquine. Le vieux en face de moi ne fait rien.
Je sors Le Monde, et fais ce que j'ai à faire en pareil cas.
Mais rapidement, je m'aperçois qu'il est assez compliqué de lire, faute à un "djeune's" assis non loin, qui a mis son lecteur MP3 à fond, tout en laissant pendre ses écouteurs sur sa poitrine. Peut-être est-ce la dernière mode dans son quartier ? Peut-être qu'il a enfin assimilé les messages de prévention sanitaire et qu'il a compris qu'il ne fallait pas se mettre de musique trop forte dans l'oreille ? Peut-être qu'il adore faire chier le monde ? Peut-être qu'en fait il est communiste, et qu'il voulait partager son amour de la musique avec tous les prolétaires du wagon qui n'avaient pas de quoi se payer un lecteur comme le sien ?
Quoi qu'il en soit, c'était vraiment super fort. Je voyais du coin de l'oeil le mec timide se relever de son bouquin pour mater le jeune... Il soupire, tente de se raccrocher à son bouquin, redresse la tête, fusille le jeune du regard, re-soupire, etc.
Et puis il s'est décidé : il se lève pour aller parler au mélomane. Pas si timide, me dis-je ! Je le soutiens du regard : j'arrête de lire le journal pour fixer le jeune droit dans les yeux, au cas où l'envie lui viendrait de mettre un paing à notre Zorro à lunettes. Le message est passé je crois : il a compris que s'il tentait quelque chose, il lui faudrait ensuite en découdre avec moi...
Le jeune mec chauve est debout et parlemente avec calme avec son cadet qui l'envoie bouler (en le tutoyant) : il refuse de baisser le son, il en a rien à foutre, l'autre n'a qu'à aller dans le wagon d'à côté, etc. Le héros du jour tente tous les arguments, s'assoit même à côté de son contradicteur, rien n'y fait...
Pendant ce temps, le vieux à la bouteille d'oxygène en face de moi en profite pour engager la conversation... Il me tient des propos que je n'oserais pas inventer s'ils ne m'avaient vraiment été tenus.
"De mon temps, on ne pouvait pas se comporter comme ça, sinon vous verriez ce qu'on se prenait à la maison en rentrant !"
Je tente de désamorcer : "Oui, mais à l'époque vous n'aviez pas de lecteurs MP3..."
Il s'emballe : "Ah mais c'était une autre époque ! Moi j'ai commencé à travailler à 8 ans, vous savez ! A 14 ans j'étais en usine !..." etc.
Le mec à lunettes a renoncé à sa tentative. Il revient s'asseoir près de nous, je le remercie de son geste. Il me jette un regard timide, tente de répondre, s'embrouille, cafouille, puis replonge dans son bouquin.
Le vieux n'arrête plus : "Et puis j'ai fait la guerre, aussi. Les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas fait la guerre !"
Le mec au bouquin lui jette un regard.
"Ah l'Algérie, c'était dur... Surtout à... (un nom de bled que j'ai oublié) Ah oui, c'était dur, mais au moins, on sait se débrouiller et respecter les gens !"
Faire la guerre c'est savoir respecter les gens ???
Le jeune à côté se trémousse : en plus de la musique de l'autre petit con, il faut qu'il se tape les inepties de l'autre vieux con...
J'affirme que oui, la guerre c'est dur, et qu'il ne faut la souhaiter à personne.
Le vieux continue sur ses souvenirs. Allez comprendre l'enchaînement d'idées, mais il me parle maintenant de ses mariages. J'apprends qu'il va se remarier encore l'année prochaine... Avec une nana super qui lui a fait perdre 30 kilos. Je le regarde, essaie de me représenter la taille de sa bedaine avant ce super-régime, j'ai peur. Au moment où il s'apprête à me raconter où le mariage aura lieu, je lui fais signe que c'est ma station et que je dois descendre.
Il me dit au revoir.
Le mec à lunettes a arrêté d'essayer de bouquiner. Il semble triste. Je lui adresse un sourire pour le saluer mais il a les yeux perdus dans le vague...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est comme si j'y étais. Quel talent!;)

louise miches a dit…

C'est vrai que pour toi, le métro, c'est dépaysant..