samedi 12 septembre 2009

Le Club des Cinq sur les pas des Montreurs d'Ours. Chapitre 3

Résumé des épisodes précédents : C'est bien beau d'être en vacances en Ariège, mais ils se font attendre, les méchants !

Chapitre 3 : Une nuit à Fraguet

En redescendant vers le gîte, les Cinq étaient encore sous le charme de la rencontre avec cette famille d'éleveurs. Claude ne pensait même plus à surveiller Dagobert, qui du coup s'en donnait à coeur joie !

- Qui aurait cru qu'une vallée en apparence si paisible put fournir tant d'anecdotes à raconter ? soupira Annie.

- Et encore ! répliqua Mick d'une voix rêveuse, nous n'avons discuté que peu de temps... Quels trésors ce vieil homme garde-t-il encore dans les archives de sa mémoire ?

- Moi, je me demande comment un homme de sa taille peut-être le père de deux géants tels que Joël et Patrice ! ajouta François qui avait été impressionné par la force tranquille qui émanait des deux hommes. Et il continua d'une voix grave, comme pour lui même :

- La vie est parfois dure, à la montagne. Heureusement que ses fils sont de solides gaillards, pour l'aider.

- Eh bien pour ma part, coupa Claude, je me pose d'autres questions...

Ses cousins se pressèrent autour d'elle. Claude avait au coin des yeux cette étincelle qu'ils connaissaient bien...

- Vous vous souvenez que Patrice nous a dit que son père et eux connaissaient tous les sentiers, même les plus cachés, de ces montagnes ?

- Tout à fait ! répondirent les trois autres dans un parfait unisson. Dagobert y ajouta un aboiement, pour faire bonne mesure.

- Vous croyez qu'ils pourraient nous en indiquer quelques uns, des sentiers cachés ? On pourrait explorer les lieux hors des chemins battus, et qui sait, peut-être découvrir... l'aventure !!

A ce mot, qu'il connaissait bien lui aussi, Dagobert poussa un jappement sonore. Pleins d'entrain, les Cinq passèrent le reste de la soirée à explorer le village et ses moindres passages. Ils étaient tellement pris dans leurs découvertes qu'ils faillirent arriver en retard pour le dîner. Tante Cécile leur fit gentiment les gros yeux et les envoya à la salle de bains pour une rapide toilette. Oncle Henri, fort heureusement, ne remarqua pas leur retard. Il était occupé à boire un apéritif avec le vétérinaire du coin, un certain Poincet, qui utilisait l'homéopathie et la biodynamie pour soigner les vaches de la vallée. Henri Dorsel se montrait condescendant mais sceptique devant ces croyances populaires d'un autre âge. Il ne jurait que par la pénicilline ou, mais dans les cas les plus graves, une bonne saignée. A table, les deux hommes argumentèrent vivement sur l'influence de la lune sur la croissance des fougères. Pour s'en débarrasser, il fallait les arracher avec la racine le jour de la nouvelle lune, soutenait le vétérinaire. Que nenni ! c'est avec une faux, et lorsque la lune est pleine, que l'on obtient le meilleur résultat, contre-attaquait le savant. Ils avaient fini de manger mais personne ne daignait accorder aux enfants le droit de sortir de table. Annie piquait du nez en fixant vaguement un point situé vers l'arcade sourcilière droite de son oncle, essayant de se donner l'air de suivre la conversation. Mick fixait le fond de son assiette comme s'il s'entraînait à y faire réapparaître de la tarte aux myrtilles par magie. Claude avait fini de compter le nombre de miettes près de son assiette et tentait d'estimer combien de miettes il fallait pour faire une miche. François ne perdait pas un mot de l'échange entre les deux hommes. Plus tard, il serait savant.

Au bout d'un moment, voyant que les enfants ne disaient rien et semblaient s'ennuyer ferme (il était en outre à court d'arguments), Poincet leur adressa la parole :

- Alors les jeunes ! Et cette première journée dans notre beau Couseran ? Où êtes-vous allés ?

François prit vivement la parole et raconta leur après-midi à Fraguet.

- Ah oui ! je connais bien la famille Cau ! Et Fraguet est un endroit magnifique. Si vos parents vous y autorisent, vous devriez aller y passer la nuit. C'est un endroit excessivement romantique et propre à enflammer vos imaginations de petits aventuriers !

D'un même mouvement, quatre paires de regards se fixèrent sur lui, puis sur Madame Dorsel. Claude fut la plus rapide :

- Oh, maman ! pourquoi ne pas y aller ce soir ?

- Ce soir ? Mais enfin ma chérie tu n'y penses pas... Je ne sais pas si c'est très sûr... Seuls dans la montagne...

- Allons Cécile, la rassura l'Ariégeois d'un ton bonhomme, notre vallée est l'endroit le plus sûr du pays ! Et la cabane est aménagée : on peut la fermer de l'intérieur et y dormir convenablement. Henri, je t'assure que c'est une très bonne expérience pour les enfants.

- Et puis Dagobert sera avec nous ! s'exclama Mick qui, comme sa cousine, commençait à trépigner sur place (d'autant qu'il ne parvenait pas à faire réapparaître du dessert).

- Ma foi... commença Henri. Nous pourrions ainsi discuter tranquillement après dîner, mon cher Poincet, ces enfants ont le don pour chambarder la maisonnée...

- C'est un don très répandu chez les enfants, mon cher Dorsel ! lui répondit le vétérinaire en lançant un faux clin d'oeil aux Cinq.

Annie trouvait cela légèrement injuste vue la longueur de frein qu'ils avaient rongé sans un mot pendant le repas, mais elle ne put rien dire car sa cousine et ses frères se mirent à pousser des exclamations de joie à qui mieux mieux. Ce qui fit aboyer Dagobert et grogner l'Oncle Henri :

- Ca suffit ! Allez préparer vos affaires ! Tu veux bien t'en occuper, Cécile ?

Dans un grand concert de raclement de pieds et de bavardages joyeux, les Cinq montèrent à l'étage pour empaqueter leurs pyjamas, leurs duvets et leurs tapis de sol.

- Encore du camping ! soupira Annie en jetant un coup d'oeil à la coquette petite chambre qu'elle partageait avec sa cousine. C'est presque dommage, le gîte est si joli !

- Hé ma vieille, souffla Mick en passant la tête par la porte communicante, là-haut, au moins, on aura peut-être la chance d'apercevoir des ours !

Annie étouffa un petit cri. Mais la voix de François s'éleva, rassurante :

- Mick ! ne dis pas de bêtises ! Les ours vivent beaucoup plus haut dans la montagne.

Annie se promis tout de même de vérifier à deux fois que la porte soit bien fermée quand ils iront se coucher.

Les Cinq étaient enfin prêts. Tante Cécile les monta en voiture jusqu'au bas du chemin, car il faisait déjà presque nuit : il sera plus facile de monter le pré avec un peu de lumière.

- Maria vous a mis du pain et de la confiture pour demain matin. Monsieur Poincet dit qu'il y a du café là-haut. Soyez prudents et revenez après le petit déjeuner !

Et la voiture s'éloigna sur la petite route. Enfin seuls ! Pour la deuxième fois de la journée, mais avec cette fois-ci un sac un peu plus chargé, les Cinq entreprirent l'ascension de la pente, qui leur parut beaucoup plus courte que pendant le jour, mais aussi beaucoup plus impressionnante. Dagobert grognait sans arrêt. Il allait et venait, reniflait de ci, de là... Ses oreilles bougeaient dans tous les sens. Annie frissonna :

- Quelles bêtes croyez-vous qu'il entend ?

- Tu veux que je te fasse une liste ? lui susurra Mick à l'oreille.

- Ne t'en fais pas Annie, lui dit Claude. Il faut juste qu'il s'habitue aux bruits de la nuit à la montagne, c'est tout !

Et en effet, lorsqu'ils furent arrivés à la cabane et qu'ils s'assirent pour souffler sur les pierres contre le mur, le chien se coucha sur les pieds de François, calme et paisible. Le ciel dégagé au-dessus d'eux étendait son immense voûte étoilée. La nuit était tombée. Les cousins restèrent ainsi en silence, à s'imprégner de la majesté du moment, à regarder les astres célestes ou la silhouette noire des montagnes qui se détachaient à l'horizon. Et puis soudain, Claude rompit le silence, ce qui fit sursauter Dagobert :

- Là ! Je l'ai vue encore ! Sur la montagne, à gauche !

- Vu quoi ? demanda Mick, extrêmement intéressé (mais au lieu de regarder « la montagne à gauche » il gardait les yeux fixés sur sa cousine qui s'était levée, le bras tendu).

- Une lumière !... attendez... Là ! Vous avez vu ?

Claude trépigna, et Annie intervint :

- Oui, je l'ai vue aussi.

- On dirait une lampe de poche, ajouta François, qui n'était pas sûr d'avoir vu grand'chose.

- Une lampe de poche ? A cette altitude ? Mick paraissait sceptique.

- Peut-être des campeurs, murmura Claude, qui n'avait pas l'air plus convaincue.

Les enfants restèrent encore dehors quelque temps, à observer la mystérieuse lumière. Puis, la fatigue prenant le dessus, ils allumèrent leur propre lampe et allèrent installer leurs lits de fortune, à l'étage de la petite cabane. Avant de monter, Annie s'assura que la porte était verrouillée et qu'elle le resterait jusqu'au lendemain matin.


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