dimanche 4 octobre 2009

Le Club des Cinq sur les pas des Montreurs d'Ours : Chapitre 4

Chapitre IV : la fabuleuse protection de l'Eglise par les ours




Résumé des épisodes précédents : Le Club des Cinq est en vacances en Ariège. Ils ont déjà entrepris de fouiner partout et de faire connaissance avec des personnages couleur locale qui leur seront utiles dans la suite de l'aventure (les fils de l'éleveur et dans ce chapitre le montreur d'ours et son insupportable gamin). Pour l'instant, l'aventure se résume à des lumières bizarres apparues sur Lanes, mais Claude est sur les dents.


Ce furent des murmures qui éveillèrent la fillette au petit matin. Encore endormie, elle se demanda un moment où elle était. Le soleil, plus matinal qu'elle, dardait ses rayons par le fenestrou. Les murmures s'intensifièrent.

- Rends-moi cette couverture !

- Grmbl... laisse-moi dormir...

- Va-t-en de mon matelas, ou je te jette au bas de la pente, Mick !

- Hum...

Mick ! Annie s'éveilla soudain tout à fait. Elle était avec ses frères et sa cousine et ils avaient passé la nuit à Fraguet, sans se faire attaquer par les ours... Ni par les chauves-souris, d'ailleurs ! se dit-elle lorsqu'elle aperçut les petits mammifères tranquillement pendus au-dessus d'elle aux poutres de la cabane. Au cri d'effroi qu'elle poussa, les autres se réveillèrent complètement à leur tour. Claude jetait des regards furieux à son cousin, dont la tête brune émergeait à peine d'un tas gigantesque de couvertures en bataille. François fut debout en clin d'œil, le corps en alerte, jetant des regards partout et tendant les bras pour protéger sa petite sœur :

- Annie ! Tout va bien ?

Cette dernière, réfugiée au fond de son duvet, tendit sans répondre un doigt tremblant vers la cause de sa frayeur. Mick se redressa soudainement, jetant du même geste ses couvertures sur la tête de sa cousine. Il adorait les chauves-souris.

Eclatant de rire pour chasser le ridicule de son remake de Prince Vaillant, François entrepris de faire descendre Annie de l'étage sans déranger le sommeil des inoffensives petites bêtes. Ce rôle de protecteur lui allait comme un gant, si vous voulez son opinion. Mick entreprit d'expliquer à Claude les mœurs nocturnes de ses animaux favoris, et combien elles étaient utiles dans la lutte contre les insectes nuisibles, mais le regard plus que furibond que lui jetèrent les deux yeux cernés de sa cousine le poussa à battre en retraite lui aussi au bas de l'échelle. Après tout, c'était l'heure du petit-déjeuner et il était connu pour son appétit, non ? Annie préparait déjà le café, tandis que François installait une table dehors, à l'aide d'une grande pierre plate et de plus petits cailloux.

Quand le café fut servi, les enfants s'assirent à même le pré, pour manger en silence, impressionnés par le panorama grandiose qui s'étalait à leurs pieds. Cependant, le regard de Claude s'égarait souvent en direction de Lanes, la montagne où ils avaient aperçu les lumières la veille au soir. Elle s'adressa machinalement à son chien, couché près des enfants et qui attendait patiemment que l'un d'eux lui jette quelques miettes. C'est que la montagne, ça creuse.

- Je suis intriguée, Dag. Cette montagne mériterait une petite randonnée, qu'en dis-tu ?

- Lui, je ne sais pas, repris sévèrement François, mais nous je te rappelle qu'aujourd'hui nous accompagnons Oncle Henri et Tante Cécile à Massat, pour la reconstitution historique de la défense de l'Eglise par les ours.

Au mot « historique » Mick fit la grimace. Claude, elle, tiqua plutôt sur la mention « d'accompagner Oncle Henri ». Annie, enfin, frissonna lorsqu'il fut question d'ours. La journée s'annonçait pleine de promesses pour les Cinq !

Pendant que Claude courait après Dago qui semblait avoir pris au pied de la lettre cette idée d'escapade dans la montagne, Mick et François rangèrent les duvets et les couvertures dans les sacs. Annie s'appliquait pour laisser la cabane dans l'état où ils l'avaient trouvée, et même encore plus propre. La petite fille avait une âme de ménagère.

Lorsqu'ils arrivèrent au gîte (en courant car il est tellement agréable d'aller vite en descente !) les parents de Claude étaient prêts à partir. Une rapide toilette pour les enfants, et les voilà tous dans le break d'Oncle Henri, à l'assaut de la petite route de montagne qui menait à Massat par le col du Saraillé. François, excité, révisait à voix haute ses leçons sur l'histoire constitutionnelle de la France. Tante Cécile avait tendance à être malade en voiture et la proximité du précipice ne la rassurait pas. Elle chantait à mi-voix « Combien pour ce petit chien dans la vitrine ? » en boucle de manière compulsive pour combattre à la fois son mal de cœur et l'angoisse qui l'étreignait à chaque virage. Dagobert, croyant qu'on parlait de lui, ponctuait poliment la mélodie de brefs aboiement. Claude et Mick se jetaient sur la vitre du côté du ravin dès qu'ils pouvaient en hurlant de joie. Henri Dorsel klaxonnait consciencieusement dans les virages. Les Ariégeois qu'il croisait n'avaient apparemment pas encore compris le fonctionnement d'une boîte de vitesse... voire même de la pédale de frein... Bref, Annie fut soulagée d'arriver enfin en vue du petit village. Ils garèrent la voiture et descendirent rapidement se mêler à la foule des curieux ou des touristes. L'aspect de l'ancien village avait été reconstitué pour l'occasion, et les habitants avaient revêtu les costumes d'autrefois. On notait ainsi un homme habillé d'une soutane noire, perché sur un tonneau près de la porte de la petite église, qui haranguait la foule. Attirée par le bagout du gaillard, la famille s'en approcha pour l'écouter. L'homme déguisé en curé expliquait le fait historique à l'origine de cette reconstitution.

- En 1905, la III° République vota, à Paris, la séparation de l'Eglise et de l'Etat. La République Française, dans sa volonté d'uniformisation, demanda l'application de cette mesure sur tout le territoire.

François, qui connaissait bien cette période de l'Histoire, ne pouvait résister au plaisir de se pencher à l'oreille de son frère pour lui donner quelques précisions supplémentaires. Mais Mick, l'esprit ailleurs, ne l'écoutait que d'une oreille et manifestement François n'avait pas choisi la bonne. Le faux curé continuait :

- Mais cette église derrière moi, ce sont les gens de cette vallée qui l'ont payée et faite construire ! Ils y étaient attachés, comme à leurs propres maisons ! Alors lorsque la Garde Républicaine est arrivée pour faire l'inventaire des biens du clergé, conformément à la loi votée dans la capitale, tous les habitants du village se massèrent devant l'église pour défendre leurs biens !

Il fit une savante pause, promenant son regard sur l'assemblée suspendue à ses lèvres, avant de poursuivre :

- Et pour interdire l'accès de l'église aux gendarmes, ils avaient même amené... leurs ours !

L'oeil jusque-là un peu vitreux de Mick s'alluma. Claude saisit fermement le collier de son chien qui s'était mis à gronder. Annie se réfugia dans les bras de son oncle. Deux ours remontaient l'allée en direction de l'église, protégés de la foule (à moins que ce ne soit l'inverse...) par un cordon de sécurité et des habitants déguisés. Ils marchaient à quatre pattes l'un derrière l'autre, menés par des longes que tiraient un homme et un petit garçon. La ressemblance entre eux était trop frappante pour qu'il ne s'agisse pas d'un père et de son fils. L'ours que l'homme tirait lui arrivait aux coudes, bien qu'il ne fut pas spécialement petit. Le pelage de la bête, bien entretenu, était d'un marron clair très doux et par son épaisseur en rajoutait encore à la stature imposante de l'animal. Sa tête était plutôt sympathique, mais il avait la fâcheuse de manie de découvrir ses crocs à intervalles réguliers, ce qui faisait frissonner la foule. En revanche, la petite boule de poils récalcitrante que le garçon, marchant derrière son père, tentait de faire avancer, même Claude ne pouvait s'empêcher de la trouver simplement... adorable. Dago, réfugié entre les jambes de sa maîtresse, regardait le spectacle la gueule ouverte d'un air d'incrédulité totale qui ne seyait pas parfaitement avec sa dignité.

Devant la porte de l'église, l'homme en soutane continuait sa harangue, se gardant bien de descendre de son tonneau. Le montreur d'ours, qui apprit-on s'appelait Dimitri, fit se dresser son ours à plusieurs reprises sur ses pattes arrière pour faire semblant d'effrayer des villageois déguisés en gendarmes. A chaque fois la foule reculait de plusieurs pas dans un ensemble parfait. Les sévères pandores semblaient avoir du mal à contrôler le sourire qui pointait sous leurs moustaches. Le minuscule ourson tenta soudain de faire de même et lança gauchement ses pattes avant vers le ciel. Malheureusement, il perdit l'équilibre et s'étala maladroitement, ses deux pattes avant écartées de chaque côté et... les fesses en l'air. Même Annie, plutôt morte que vive à cause de la frayeur que lui causait le grand fauve, consentit un sourire. Qui s'élargit lorsqu'elle vit l'ourson, visiblement vexé d'avoir raté sa tentative, se réfugier contre le flanc du monstre, le nez caché dans ses poils.

- C'est une ourse et son ourson ! s'écria la petite fille.

Mais le spectacle était déjà fini et les deux montreurs d'ours disparurent avec leurs bêtes. Les Cinq se mirent à commenter le magnifique spectacle qu'ils avaient vu. Prudement Mick s'éloigna de son frère qui se tourna alors vers son oncle pour échanger des considérations historiques. Claude tapotait l'échine de Dagobert, toujours figé, la gueule ouverte. C'est alors que le petit garçon à l'ourson réapparut, sans son ourson. Il se planta devant Annie, ses deux poings sur ses hanches :

- Non ! Ce n'est pas son ourson !

- Pardon ?? demanda la petite fille après avoir sursauté.

- On ne peut pas approcher une ourse quand elle est avec son petit.

- Je... je ne savais pas, désolée... Annie ne put s'empêcher de sourire devant l'air furibond du garçon qui devait être à peine plus jeune qu'elle.

- C'est un ourson, c'est moi qui l'ai recueilli quand sa maman est morte dans la montagne. Tu ne sais rien, tu es stupide ! Je lui ai donné le biberon et il s'appelle Miel.

- Mais enfin... balbutia Annie qui ne savait plus où se mettre.

Heureusement, Dimitri s'approcha derrière son fils.

- Jean ! Veux-tu être poli ! Excusez-le, petite mademoiselle, il est un peu sauvage, et je crois qu'il a tendance à oublier que tous les enfants n'ont pas été élevés avec des ours...

Les Cinq partirent d'un éclat de rire. Le père, avec son sourire bienveillant, était bien plus sympathique que le fils !

- Voulez-vous passer chez nous demain matin, pour visiter la réserve ? Jean se fera un plaisir de vous expliquer comment vivent les animaux sauvages...

François, Mick et Claude jetèrent un regard implorant à Tante Cécile pour quémander l'autorisation. Annie leur jeta le même regard, mais ce n'est pas sûr que ce soit pour les mêmes raisons... Tante Cécile acquiesa dans un sourire. Les cousins poussèrent un cri de joie et s'empressèrent d'accepter l'invitation. Dimitri leur expliqua alors où était située leur maison, un peu à l'écart du village d'Ercé, et il partit entraînant son fils qui fusillait encore la pauvre Annie du regard. Claude fit observer :

- Tu t'es fait un ami, chère cousine !

- Je suis sûre que son ourson est plus gentil que lui ! frissonna Annie.

- Allons, la raisonna François, il est certainement plus habitué à la compagnie des bêtes que des hommes...

- Oui, glissa Mick, malicieux... comme Claude !

Ce qui lui valut une bourrade bien sentie de sa cousine. En riant, la petite famille se dirigea vers la voiture pour rentrer en gîte. Que le temps allait leur sembler long jusqu'au lendemain !



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