vendredi 30 mai 2008

Le couvreur sur le toit... et les vaches seront bien gardées.

Se réveiller avec des mecs à moitié à poil qui se font tranquillement une pause clope devant mes fenêtres, j'aime bien...




Et pour dire aux sceptiques : j'y étais !



Quoique j'ai eu besoin d'une sacrée motivation...



Hier, petit mail de ma belle-soeur : "je suis tombée là-dessus, j'ai pensé à toi...". Allwright baby, I love you too.

jeudi 29 mai 2008

Des salles mystérieuses de la Sorbonne... à la malédiction 68

Il y a quelques malédictions que je me trimballe dans la vie, et une, vous l'aurez compris, c'est Mai 68...
Il me suit partout depuis mon mémoire de maîtrise, dans toutes les conversations et où que je pose les yeux.

Ce matin, en revenant de la librairie où je n'ai absolument pas trouvé ce que je cherchais (Virginie Linhart, Le jour où mon père s'est tu, pour un chapitre sur 68 et la judéité, à ma connaissance la seule étude sur cette question qui m'a beaucoup intriguée ; et 14 femmes : pour un féminisme pragmatique, car il faut bien que je commence à réfléchir à cette question, à mon âge...), donc en revenant de la librairie avec plein d'autres bouquins évidemment, je ralentis légèrement mon pas rapide et altier devant une boutique des Passages, attirée en super-féministe que je suis par une très belle petite robe.

Un tout petit vieux, sur le pas de la porte, m'accoste immédiatement. La conversation s'engage facilement, étant donné qu'il fait les questions et les réponses... Peu à peu je me décoince et je lui avoue que je suis étudiante. Il démarre aussi sec :
"Ah mais c'est que j'ai travaillé à la Sorbonne, moi ! Pendant 20 ans... Vous savez où est enterré Richelieu ?"
Il est enterré à la Sorbonne, c'était facile comme colle. Je l'impressionne par mon "savoir" (encyclopédique, il est vrai...) et je lui deviens sympathique. En dix minutes il savait où j'habitais, avec qui et comment. Et il revient sur son thème :
"20 vingt ans, que j'y ai travaillé !".
Et, bien évidemment, vous aviez déjà deviné, il ajoute :
"Et j'y étais en 68, à la Sorbonne, vous savez ? Oui ! j'ai connu Cohn-Bendit moi !".
Je soupire intérieurement, mais il est tellement rigolo que je m'extasie devant l'histoire de sa vie. Encouragé, il continue :
"Je lavais les carreaux, à l'époque... J'en finissais un, je revenais 5 minutes après, il y avait déjà une affiche collée dessus ! Remarquez, on s'en foutait, on était payés !..."
Et il m'a raconté entre autres une séance de dépoussiérage extraordinaire avec un de ses collègues. Le patron leur avait demandé d'aller nettoyer une certaine pièce, tout là-haut, fermée à clé. Lorsque les deux compères sont entrés, selon ses propres termes :
"On avait le pressentiment qu'on allait voir Marie-Antoinette !"
La salle était conservée en l'état depuis Richelieu : tapis, tapisseries, tableaux, tabatières, meubles, statues...
Et tout ça parce que la Reine d'Angleterre vient une fois par an prendre le thé avec une de ses amies dans cette salle ! On lui avait demandé de faire le ménage car sa visite annuelle était imminente.

L'histoire demande à être vérifiée bien sûr, mais elle est tellement jolie comme ça...

mercredi 28 mai 2008

Photos de Cannes

Antoine Doyen, un photographe que j'ai découvert par son blog, revient du festival de Cannes.
Il nous propose un diaporama de ses portraits.
Allez-y voir c'est 'achement bien...

samedi 24 mai 2008

La sociologie désenchantée

L'école est un véritable panier de crabe en France. Tout le monde a son mot à dire dessus, et chacun s'empoigne.
Peut-être est-ce un signe de son importance dans notre histoire collective, et un reflet de la passion que nous déployons à polémiquer, à agiter des idées.
Mon post précédent était un peu amer, provocateur et désenchanté, et vos commentaires n'ont pas manqué de le relever. Ca méritait bien un complément d'information.
Un petit cours sur la sociologie critique, par exemple ?
Seulement, je suis en pleine rédaction de thèse et j'ai vraiment autre chose à faire que des recherches sur ces cours que j'ai pu suivre dans mon cursus universitaire. Je vais donc jeter des remarques de tête, ça sera un bon test pour savoir, cher Draleuq, si j'ai vraiment appris quelques trucs à l'école...
(Fried, tu peux arrêter de lire. C'est maintenant que ça devient chiant)

La sociologie critique a pris son essor dans les années 1960 et connu son heure de gloire dans les années 1970. Une courte carrière, fulgurante, mais qui a changé à jamais la manière d'appréhender le monde (enfin, dans le microcosme des sociologues, j'entends...). Nous vivons désormais, selon l'expression très juste de Max Weber
, dans un monde "désenchanté".
Le plus célèbre des sociologues critiques français, c'est bien entendu Pierre Bourdieu, qui a fait école et émules. Bourdieu a travaillé sur trois sujets principaux : les médias, l'école et la domination.

Ce qui m'intéresse ici pour Bourdieu, c'est qu'il explique pourquoi le monde tourne encore, en dépit d'une évidence d'injustice qui devrait faire dire aux dominés (par exemple) : stop, j'arrête.
Tout le monde évolue dans des champs sociaux (le boulot, la famille, les amis etc.). Chaque champ social a ses règles propres, et l'adhésion implicite et souvent inconsciente à ces règles est la condition sine qua non de survie dans ce champ.
Par exemple, les enseignants doivent croire à leur rôle, à leur mission, à leur utilité pour les élèves et pour la société. Sinon, et on en voit souvent ici et là les symptômes, c'est le malaise, la dépression, la démission (mission/démission, c'est joli).
Alors, lorsque je parle de la fonction garderie de l'école, je ne fais que reprendre des sociologues critiques que j'avais lu pour mon mémoire de maîtrise, mais il existe d'autres "fonctions cachées" de l'école :
La fonction de reproduction : faire que les classes sociales se reproduisent, et que la mobilité sociale soit la plus faible possible ;
La fonction idéologique : faire adhérer les mômes à certaines valeurs, parce que toute génération nouvelle est potentiellement dangereuse pour le pouvoir en place et qu'il faut donc les "dresser" d'une certaine manière, pour éviter qu'ils ne mettent le boxon dans la société ;
La fonction politique : assoir le pouvoir en place (l'exemple suprême est celui de la Troisième République, qui préparait à travers l'école sa revanche sur l'Allemagne, sa lutte contre l'Eglise, et l'affirmation de la république comme mode de gestion d'un pays) ;
Et puis la fonction garderie...

J'ai voulu montrer qu'il y a un discours qui circule sur l'école, un roman, et qu'avec les études sociologiques on pouvait démonter tout ça, mais il est évident que lorsque l'on est à l'intérieur, que l'on est pris dans le jeu, comme le sont les enseignants, il est plus difficile (et beaucoup plus douloureux) de porter ce type de regard sur le champ social dans lequel on évolue...
Après, je m'égare peut-être, je suis même pas sociologue (et à peine historienne...) :


Bon, cela dit, c'est cool de manifester. J'ai toujours beaucoup de sympathie pour les gens qui se battent, et d'ailleurs cet après-midi chez nous c'est manif en famille, avec les poussettes et le grand-père ("1ere, 2eme, 3eme génération !"), mais en ce qui concerne les formes traditionnelles de lutte, je suis un peu... désenchantée.

mardi 13 mai 2008

SMA : service minimum d'accueil

Jeudi, les enseignants sont en grève, pour protester contre les 11 000 suppressions de postes prévues par le gouvernement et sa rigueur budgétaire pour tout ce qui ne touche pas au salaire du Président.

A cette occasion va être expérimenté à une plus grande échelle le service minimum d'accueil dans les écoles.
Le SMA consiste à placer des "intérimaires", payés 90 euros la journée par la commune (et non par l'Etat), dans les classes. Ce sont souvent des moniteurs de centre aéré, des personnels sociaux... Le but étant que les parents puissent déposer leur gamin dans les classes et partir travailler car eux ne font pas grève comme ces fainéants de fonctionnaires, monsieur.

Je suis bien contente que ce service se mette en place. Maintenant, on ne se cache même plus pour assumer la "fonction garderie" de l'école. Les enfants vont à l'école de plus en plus tôt (avec la dislocation des réseaux sociaux et familiaux traditionnels et le travail des femmes, il n'y a plus personne pour les garder), ils y restent de plus en plus tard (allongement de la durée d'études, encouragée par l'Etat et souhaitée par les familles : tant qu'ils jouent aux étudiants romantiques en loden, ça fait toujours des chômeurs en moins)...

Alors qu'il est évident qu'en rapport avec l'investissement fourni, l'école n'apprend rien aux enfants, bien au contraire. Relire Une Société sans école, d'Ivan Illich (oui, c'est un curé, mais celui-là je l'aime bien).

Ma seule crainte est pour les journaleux : mais que vont-ils pouvoir raconter sur cette grève s'ils n'ont plus de "parents-travailleurs qui font pas grève moi monsieur" à mettre sous les dents de leur micro-trottoir ?


vendredi 2 mai 2008

Le mort de Mai 68

C'est lui, le commissaire Lacroix.

Dans notre mémoire collective sur 68, il est resté ce flic tué à Lyon au cours d'une nuit d'émeutes. Deux jeunes "racailles" comme on dirait aujourd'hui ont lancé un camion, accélérateur bloqué par un pavé, sur les policiers qui leur faisaient face, et Lacroix est mort écrasé.

En 1970, le procès de Raton et Munch (ce sont leurs noms de famille, si si), les jeunes en question, aboutit à un non-lieu. Il est vrai que cette version officielle a de quoi surprendre. Selon les médecins légistes qui ont fait l'autopsie du commissaire, il avait plusieurs côtes cassées. En effet, il aurait tenté "d'arrêter le camion"... A sa place, en voyant un camion arriver à fond les manettes sur moi, j'aurais fait au moins un pas de côté ! (je me serais enfuie à toute vitesse). Mais bon, il était certainement un policier héroïque.
Et puis l'interne qui a soigné le commissaire lorsqu'il est arrivé aux urgences a indiqué que celui-ci avait fait un infarctus et que le massage cardiaque pour le ranimer lui a cassé quelques côtes.
Et ajoutons enfin qu'aucun militant présent cette nuit-là sur la barricade n'est allé témoigner, par peur d'être inculpé à son tour...
S'il y en a que ça intéresse, voir cet article fouillé de Lyon-capitale.fr.

Bref, on saura jamais vraiment la vérité, mais là n'est pas vraiment mon propos.
Le commissaire Lacroix a été et restera toujours LE mort de Mai, celui écrasé par un camion lancé par des étudiants émeutiers.
Qu'importe s'il est mort d'une crise cardiaque en rentrant chez lui après, ou si le camion n'a pas été lancé par des étudiants, etc.
C'est le phénomène de la mémoire, avec lequel les historiens ont à composer constamment.
Surtout les historiens du contemporain, d'ailleurs.
Surtout les historiens qui travaillent sur des sujets autant présents dans la mémoire collective que Mai 68...

Devinez sur quoi porte ma thèse d'histoire ??

Et, dernière curiosité, une vidéo.
L'INA en effet célèbre aussi à sa manière Mai 68, en sortant de ses cartons de bobines quelques trop courtes bandes.
On peut trouver à cette adresse un reportage sur la cérémonie de funérailles du commissaire Lacroix.
Comme toujours avec les reportages d'époque, on est frappés par le ton des journalistes.
Sur l'ORTF en 1968 les journalistes avaient aussi leur manière de parler, ils développaient tous les mêmes intonations particulières à leur métier, lesquelles intonations m'insupportent chez les journaleux d'aujourd'hui (mais c'est une autre histoire). Et il y a quarante ans, le "ton" des journalistes se devait d'être grave, posé, sérieux. En comparaison avec celui de notre époque, très pressé, très concerné, ça me fait toujours bizarre.

Et si vous regardez cette video, SVP notez les longs moments de "blanc" solennel.
Inimaginable aujourd'hui que le présentateur se taise, qu'il n'y ait pas de son (n'importe lequel) sur les images...

Voilà, c'était il y a pas si longtemps, et pourtant.

Ah tiens et puis dernière info que je creuserai plus tard :
madame ma mère m'a dit qu'à une époque elle se souvenait qu'il n'y avait rien à la télé le 1er Mai, Fête du travail. Rien du tout, même pas des rediffs.
Ca fait rêver.

jeudi 1 mai 2008

trois demis en terrasse

C'est ça aussi, de retrouver la vie parisienne.

Personnages : madame ma mère, un vieil ami (Xuc, pour être tout à fait précis) et moi.
Le lendemain, c'est le premier mai.
Bribes de conversation :

Moi : Ca fait une éternité que je n'ai pas mis les pieds en manif.

Xuc : j'ai jamais rien compris les gens qui y prenaient plaisir. Ca m'a toujours fait chier.

Mme ma mère : ah moi je me souviens, en 68, c'était vraiment... on était ensemble, au-delà de l'aspect politique, d'ailleurs des revendications on en avait pas, on voulait tout et on voulait rien... on était ensemble, c'était le plaisir, la fraternité, la solidarité... C'était bien.

Moi : raconte-nous 68, Mamie...

Mme ma mère : oh, tu peux rigoler, je me souviens, au premier mai contre Le Pen en 2002, j'étais à Paris avec des amis. Et place de la République, où on était tous serrés, on entend des jeunes derrière nous qui disent : "eh t'as vu, même les vieux sont dans la rue !". Mon copain Guy se retourne : "Et encore, j'ai oublié mon fauteuil roulant...". Et moi je leur ai dit mes petits, on était déjà dans la rue que vous étiez encore dans vos langes. Il va vous falloir en battre, du pavé, pour nous rattraper !

Moi : moi j'aime pas ça les manifs. Mais parfois j'y ai pris du plaisir, et notamment quand j'étais bien intégrée dans le mouvement, alors là c'est rigolo, tu vas dans la rue, tu retrouves un tel, tu fais quatre bises, tu serres une main, tu prends des nouvelles, tu discutes le bout de gras à droite à gauche, j'aimais bien.

Xuc : je me souviens de ton pote l'ultramilitant, on l'avait retrouvé en manif, et on aurait dit qu'on était à une soirée qu'il avait organisée : il arrêtait pas de dire bonjour, à droite à gauche...

Mme ma mère : n'empêche que c'est triste les manifs...

Moi : je me souviens aussi une manif, j'avais remonté le cortège, j'étais arrivée Place de la Bastille avec la CGT métallos qui ouvrait la marche. Que des mecs, la cinquantaine, moustachus. Et moi au milieu. Ils ont entamé avec leurs grosses voix l'Internationale en levant le poing. Et j'avoue que j'ai vibré. Je me croyais de retour au Front Populaire, tu vois ? C'était l'Histoire.

Mme ma mère : oui, mais il ne faut pas non plus n'importe quel embrigadement...

Xuc : c'est clair, c'est avec ce genre de sentiments que toutes les conneries et les meurtres au nom des idéaux ont été commis.

Moi : je pense que l'avenir des manifestations, c'est celles que Xuc aime bien, des choses plus légères, ludiques et artistiques en même temps...

Mme ma mère : Ah ?

Xuc : oui, j'avais suivi un jour une manif des Vélorussionnaires, j'étais à pied, mais bon... Et puis on s'était arrêtés devant un concessionnaire de quatre-quatre, et on s'était tous agenouillés, le prêtre de l'Eglise de la Très-Sainte Consommation, avec son gros symbole € autour du cou nous avait préparé un sermont spécial : "Gloire à la consommation" ! !"Gloire à la consommation", qu'on répétait ! "Merci mon Dieu pour ces voitures qui polluent quatre fois plus que toutes les autres" etc.

etc.
etc.

Et vous, vous faites quoi pour le 1er mai ?