mercredi 28 octobre 2009

La terre fait partie de cette identité nationale française

Replaçons un peu le contexte.


l'Appel du 25 Juin 1940

FRANÇAIS !

Je m'adresse aujourd'hui à vous, Français de la Métropole et Français d'outre-mer, pour vous expliquer les motifs des deux armistices conclus, le premier avec l'Allemagne il trois jours, le second avec l'Italie.

Ce qu'il faut d'abord souligner, c'est l'illusion profonde que la France et ses alliés se sont faite sur la véritable force militaire et sur l'efficacité de l'arme économique : liberté des mers, blocus, ressources dont ils pouvaient disposer. Pas plus aujourd'hui qu'hier on ne gagne une guerre uniquement avec de l'or et des matières premières. La victoire dépend des effectifs, du matériel et des conditions de leur emploi. Les événements ont prouvé que l'Allemagne possédait, en mai 1940, dans ce, domaine, une écrasante supériorité à laquelle nous ne pouvions plus opposer, quand la bataille s'est engagée, que des mots d'encouragement et d'espoir.

La bataille des Flandres s'est terminée par la capitulation de l'armée belge en, rase campagne et l'encerclement des divisions 'anglaises et françaises. .'Ces dernières se sont battues bravement. Elles formaient l'élite de notre armée ; malgré leur valeur, elles n'ont pu sauver une partie de leurs effectifs qu'en abandonnant leur matériel.

Une deuxième bataille s'est livrée sur l'Aisne et sur la Somme Pour tenir cette lignée soixante divisions françaises, sans fortifications, presque sans chars, ont lutté contre 150 divisions d'infanterie et Il divisions cuirassées allemandes. L'ennemi, en quelques jours, a rompu notre dispositif, divisé nos troupes en quatre tronçons et envahi la majeure partie du sol français.

La guerre était déjà gagnée virtuellement par l'Allemagne lorsque l'Italie est entrée en campagne, créant contre la France un nouveau front en face duquel notre armée des Alpes a résisté.

L'exode des réfugiés a pris, dès lors, des proportions inouïes. Dix millions (le Français, rejoignant un million et demi de Belges, se sont précipités vers l'arrière de notre front, dans des conditions de désordre et de misères indescriptibles.

A partir du 15 juin, l'ennemi, franchissant la Loire, se répandait a son tour sur le reste de la France.

Devant une telle épreuve, la résistance armée devait cesser. Le Gouvernement était acculé à l'une de ces deux décisions : soit demeurer sur place, soit prendre la mer. Il en a délibéré et s'est résolu à rester en France, pour maintenir l'unité de notre peuple et le représenter en face de l'adversaire. Il a estimé qu'en de telles circonstances, soit devoir était d'obtenir un armistice acceptable, en faisant appel chez l'adversaire au sens de l'honneur et de la raison.

L'armistice est conclu, le combat a pris fin. En ce jour de deuil national, ma pensée va à tous les morts, à tous ceux que la guerre a meurtris dans leurs chairs et dans leurs affections. Leur sacrifice a maintenu haut et pur le drapeau de la France. Qu'ils demeurent dans nos mémoires et dans nos coeurs 1

Les conditions auxquelles nous avons dû souscrire sont sévères.

Une grande partie de notre territoire va être temporairement occupée. Dans tout le nord et dans l'ouest de notre pays, depuis le lac de Genève jusqu'à Tours, puis le long de la côte, de Tours -aux Pyrénées, l'Allemagne tiendra garnison. Nos armées devront être démobilisées. Notre, matériel remis à l'adversaire, nos fortifications rasées, notre flotte désarmée dans nos ports. En Méditerranée, des bases navales seront démilitarisées. Du moins l'honneur est-il sauf. Nul ne fera usage de nos avions et de notre flotte. Nous gardons les unités terrestres et navales nécessaires au maintien de l'ordre dans la métropole et dans nos colonies. Le gouvernement reste libre,' la. France ne sera administrée que par des Français.,

Vous étiez prêts à continuer la lutte, je le savais. La guerre était perdue dans la métropole ; fallait-il la prolonger dans nos colonies ?

Je ne serais pas digne (le rester à votre tête si j'avais accepté de répandre le sang français pour prolonger le rêve de quelques Français mal instruits des conditions de la lutte. Je n'ai pas voulu placer hors du sol de France ni ma Personne, ni mon espoir. Je n'ai pas été moins soucieux de nos colonies que (le la métropole. L'armistice sauvegarde les liens qui l'unissent à elle. La Franc a le droit de compter sur leur loyauté.

C'est vers l'avenir que, désormais, nous devons tourner nos efforts. Un ordre nouveau commence. Vous serez bientôt rendus à vos foyers. Certains auront à le reconstruire.

Vous avez souffert.

Vous souffrirez encore. Beaucoup d'entre vous ne retrouveront pas leur métier ou leur maison. Votre vie sera dure. Ce n'est pas moi qui vous bernerai par des paroles trompeuses. Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal. La terre, elle, ne ment pas. Elle demeure votre recours. Elle est la patrie elle-même. Un champ qui tombe en friche, c'est Une portion de France qui meurt. Une jachère de nouveau emblavée, c'est une portion de France qui renaît. N'espérez pas trop de l'Etat qui ne peut donner que ce qu'il reçoit. Comptez pour le présent sur vous-mêmes et, pour l'avenir, -sur les enfants que vous aurez élevés dans le sentiment du devoir.

Nous avons à restaurer la France. Montrez-la au monde qui l'observe, à l'adversaire qui l'occupe, dans tout son calme, tout son labeur et toute sa dignité. Notre défaite est venue de nos relâchements. L'esprit de jouissance détruit ce que l'esprit de sacrifice a édifié. C'est à un redressement intellectuel et moral que, d'abord, je vous convie. Français, vous l'accomplirez et vous verrez, je le jure, une France neuve surgir de votre ferveur.



J'espère que vous aurez noté le joli "Du moins l'honneur est-il sauf". L'histoire a ses perdants, parfois...
Alors non, le Maréchal Pétain n'a pas le monopole de l'appel à la terre. Ce n'est pas parce qu'un jour il a prononcé ces mots que l'idée doit être à tout jamais frappée d'opprobre.
D'ailleurs à ce compte-là, les anars sont pétainistes également, voir l'avant-dernière strophe : ne comptez pas trop sur l'Etat, etc.
C'est juste que parfois, il faut savoir manier l'histoire nationale avec un peu de doigté. Et du doigté, j'en vois pas beaucoup en ce moment. Pour être tout à fait franche, je trouve que ça pue.
Déjà cette histoire de questionnaire à remplir pour avoir la nationalité française... ça me fait penser à ça :




Si vous voulez approfondir, j'ai trouvé le texte du discours sur "marechal-petain.com" (! c'est tellement incongu ! J'adore internet...)

PS : Kaamelott saison 6 passe en ce moment sur la sixième chaîne. Et puis sur le site internet M6 replay pour ceusses qu'ont pas la télé. Et curieusement, ya des échos...
La romanisation de la Bretagne, et Leodagan qui s'inquiète un peu au moment de signer :

"La romanisation, c'est quoi exactement ? Enfin, je sais pas moi... Après c'est peut-être juste le mot qui fait que ça pue."

C'est exactement cette question que j'aurais envie de poser à Hortefeux et consorts.
(remplacer romanisation par identité nationale, of course.)

2 commentaires:

draleuq a dit…

Ce texte est très intéressant. Je ne sais pas si l'honneur était sauf, mais en tout cas cet appel est très digne.
Je dirai que jusque là, Pétain restait un grand homme, surtout après ses actes pendant la guerre 14 où il fut le premier à rompre enfin avec la stratégie offensive et suicidaire en disant : "on tient nos positions et on attend les américains". Difficile d'évaluer combien de centaines de milliers de vies il a épargné ce faisant.
Il en fallait un pour faire ce sacrifice, il fallait un volontaire pour s'aplatir devant Hitler et Mussolini, pendant un temps du moins. Rappelé de sa retraite, Pétain n'était en rien responsable des erreurs stratégiques qui avaient mené l'armée française à cette terrible défaite.
Dans cet esprit, ce qu'il a dit le 17 juin : "je fais le don de ma personne à la France pour apaiser son malheur" n'est pas l'expression d'un type qui crâne, mais prend au contraire tout son sens. Car ça a dû lui coûter, en effet, de faire ça, à ce grand militaire de carrière.
Hélas, c'est la suite qui va noircir le tableau. Bien que très vieux, il fut forcément conscient du zèle de ceux qui, au nom de son régime, collaborèrent activement avec les nazis, et surtout dans le cadre de la liquidation des juifs (Laval, Darnand, etc...)
Pétain est l'une des figures, à mon sens, les plus paradoxales de l'Histoire de France, et l'une de celles qui illustrent le mieux à quel point les notions de "bien" et de "mal" sont relatives, surtout lorsqu'il s'agit de qualifier un être humain.

louise miches a dit…

Bonne analyse.
Il fallait un Pétain pour qu'il y ait un De Gaulle et donc pour que la France puisse être "sauvée" moralement.
On voit souvent ce mécanisme à l'oeuvre dans les fictions : d'autres qui se chargent du sale boulot pour que le héros puisse rester pur et être le héros dont le peuple a besoin.
Partir d'un discours de Pétain pour arriver à Batman c'est un peu chaud, mais finalement c'est l'argument du film The Dark Knight de C. Nolan...
Comme quoi.