dimanche 18 octobre 2009

Le Club des Cinq sur les pas des Montreurs d'Ours : Chapitre 6

Résumé des épisodes précédents :

Dagobert est passé à un poil de la mort - au moins. Les méchants sont vraiment patibulaires, et pour le reste, les Cinq sont fidèles à eux-mêmes.

Ce chapitre est un peu long, profitez-en le suivant est tellement barbant que j'ai du mal à l'écrire...


Chapitre VI : Première visite aux gendarmes

Mick aurait bien remplacé le pain et la confiture, ce matin-là, par un reste même minuscule de la tarte aux myrtilles que Maria leur avait servie la veille au soir. Une tarte tellement savoureuse qu'elle était déjà légendaire. François, qui partageait la même chambre que son cousin, lui assurait d'ailleurs qu'il en avait parlé en dormant. Hélas il ne restait plus rien de l'incroyable dessert, pas même des miettes – Dagobert s'était occupé du plat que l'ingénieuse Claude était parvenue à glisser sous la table sous le nez de son père. Mick touillait alors nostalgiquement son café au lait. Mais heureusement pour le jeune homme, sa cousine semblait en apparence très intéressée par renouveler leur après-midi passée à cueillir des myrtilles. Elle faisait de visibles efforts pour mettre le sujet sur le tapis en discutant de manière anodine avec ses parents. Tante Cécile voulait les emmener passer la journée au bord de l'étang de Bethmale, et avait l'air de penser que son idée était excellente. Elle savait par expérience que ces enfants avaient une extraordinaire capacité à se mettre dans des situations impossibles lorsqu'ils étaient livrés à eux-mêmes. Et elle était décidée à passer des vacances tranquilles. Remarquant enfin le manège, Mick se mit alors à abonder dans le sens de sa cousine, même s'il avait bien compris que les raisons pour lesquelles elle s'intéressait à Lanes étaient bien éloignées de ses préoccupations alimentaires. Annie, en revanche, semblait ne rien comprendre du tout :

- Oh non ! Claude, la tarte était délicieuse, certes mais...

- Enfin, pour ce qu'on a réussi à en sauver de la voracité de Mick... la coupa François.

Annie sourit et reprit avec sagesse :

- Mais on ne peut en manger tous les jours, au risque de se lasser. Et de prendre du poids, ajouta-t-elle par-devers elle.

Claude manqua s'étrangler avec son café au lait. Trois quarts d'heure de manipulations habiles de la conversation réduits à néant ! Madame Dorsel approuva les propos de sa nièce. Alors que la situation apparaissait désespérée et la morne journée au lac sous la surveillance étroite des deux adultes inéluctable, Claude et Mick reçurent coup sur coup deux soutiens inattendus. Henri Dorsel, tout d'abord, qui avait retenu de cette histoire de myrtilles qu'elles étaient sur la montagne, loin, très loin, et que les cueillir prendrait aux enfants une bonne partie de la journée – une journée où ils ne seraient pas dans ses pattes, donc... Et le petit Jean, le fils du montreur d'ours, qui apparut soudain à la fenêtre de la cuisine :

- Bonjour ! Monsieur, Madame... Salut Annie ! Et les autres, aussi...

Après des débuts difficiles, la blonde fillette était visiblement devenue sa préférée. Sans gène, le jeune montagnard escalada la fenêtre et s'assit très simplement à table avec les autres. Oncle Henri fronça les sourcils, semblant réfléchir en fixant le garçon :

- Celui-là Cécile, je jurerais qu'il n'est pas à nous, même s'il en a les manières...

Sa femme soupira :

- C'est le fils du montreur d'ours... tu sais, celui qu'on a vu à Massat...

- C'est vrai que sans Miel, on pourrait presque te confondre, lui sourit François qui aurait reconnu le petit sauvage dans un bal masqué au milieu d'une centaine de personnes.

Tout en recouvrant une large tranche de pain grillé d'une quantité proprement phénoménale de confiture, Jean proposa :

- Je sais que la propriétaire du gîte a mis des vélos à votre disposition... S'il y en a un pour moi, on pourrait peut-être aller faire un tour à Saint-Girons...

Le garçon surprit le regard inquiet de Tante Cécile :

- Je connais tous les chemins faciles et où il n'y a pas de circulation, ajouta-t-il très vite. Je vous montrerai !

Cécile Dorsel eut une moue dubitative. Jean se sentait à court d'arguments :

- Et on pourra aller voir le musée de la Résistance, jeta-t-il pour finir, en désespoir de cause, le ton presque implorant.

François lança alors son avis d'aîné dans la bataille :

- En voilà une bonne idée, Jean ! Oncle Henri, tu sais comme moi que ces montagnes ont abrité beaucoup de résistants à l'occupant allemand... On va pouvoir apprendre plein de choses passionnantes ! Et au retour au pensionnat en septembre, je suis sûr que nous serons en avance sur le programme d'histoire. Tante Cécile, dit oui !

Claude et Mick se regardèrent en camouflant leur grimace derrière leur tartine de confiture. Bah... après tout... si c'est le prix à payer pour passer une journée loin du gîte et des adultes...

Tante Cécile accepta, au soulagement de son mari qui s'installa d'un bond dans le fauteuil et déplia le journal local du jour. Les enfants pressèrent alors Maria de leur préparer un pique-nique. Le temps qu'ils sortent cinq vélos de la remise et vérifient leur état général – ils étaient impeccables et parfaitement gonflés – la diligente cuisinière ressortit avec un panier dont le poids était porteur de bien des promesses...

Ils se mirent en route, en pédalant gaiement en file indienne derrière Jean qui ne s'était pas vanté : il les fit effectivement passer par de petits chemins peu fréquentés, à côté de la départementale qui descendait la vallée jusqu'à la ville, Saint-Girons. Les Cinq découvrirent de multiples petits hameaux, bâtis sur des soulanes que l'on ne voyait pas de la route. Le fils du montreur d'ours, très fier, les nommait les uns après les autres. Annie, qui avait un sens de la musique prononcé, rêvassait en écoutant ces noms de lieux qui, avec l'accent du pays, coulaient harmonieusement à ses oreilles. Dagobert était en pleine forme et sautait de ci, de là. Lui aussi préférait les chemins à la route !

Lorsqu'ils arrivèrent enfin en vue de Saint-Girons les quatre enfants poussèrent un cri d'admiration qui remplit le petit Jean de fierté pour son pays natal. La ville, typiquement ariégeoise, avait été bâtie au confluent du Lez et du Salat, et la plupart de ses maisons surplombait les deux fleuves. Claude et Mick se déclarèrent conquis et après avoir solidement attaché les vélos, ils insistèrent pour explorer la ville de fond en comble. En dépit de l'enthousiasme qu'ils y mirent, ils ne purent détourner François de leur but premier. Au bout d'une heure, celui-ci prit sa petite sœur par le coude et les entraîna d'un pas décidé vers le Musée de la Résistance.

Dès l'entrée du musée, Claude prit son air furieux des plus mauvais jours : les chiens n'étaient pas admis à l'intérieur ! lui indiqua d'un air revêche la préposée au guichet. Elle faillit rester bouder dehors avec Dagobert, mais ce qu'elle découvrit à l'intérieur lui donna matière à penser, et elle en oublia sa mauvaise humeur...

Un peu plus tard, assis à la terrasse d'un café traditionnel qui avait pour nom le Picou, les cinq enfants savouraient les glaces qu'ils avaient commandées. C'est alors que Claude aborda le sujet auquel elle n'avait cessé de penser :

- Vous avez vu ? demanda-t-elle sans plus d'explications, d'un air de conspiratrice.

Ses cousins et le petit Jean se regardèrent, ne comprenant pas de quoi elle parlait.

- Les chemins ! Les chemins que les brigadistes et les résistants empruntaient pour passer la frontière !

Les autres saisirent enfin où elle voulait en venir, sauf Jean qui suçotait sa cuillère d'un air ahuri.

- Tu crois qu'ils existent encore ? demanda lentement François.

- Bien sûr ! Et je mettrais la patte de Dag à couper que ce sont les mêmes que les contrebandiers empruntent encore aujourd'hui pour leur trafic !

Entendant son nom, le chien qui était couché sous la table poussa un bref jappement. Péremptoire, Claude affirma :

- Dag est d'accord avec moi ! Il n'y a plus qu'à les retrouver, ces chemins, et nous mettrons la main sur les bandits !

- « Il n'y a plus qu'à » grommela Mick dans une très mauvais imitation du ton surexcité de sa cousine.

- Claude, commença François d'une voix raisonnable, ces passages ont disparu depuis longtemps parmi les éboulements, nous n'avons aucune chance de tomber sur eux, même en cherchant pendant tout le reste des vacances !

C'est alors que Jean intervint. Il avait déjà fini sa glace au caramel et louchait sur celle d'Annie, qu'elle avait arrêté de savourer, prise par la conversation.

- Bien sûr que non, ils n'ont pas disparu. Ces chemins, c'est du solide, croyez-moi.

- Mais qu'est-ce que tu en sais, toi ? demanda Mick que la suffisance du garçon énervait parfois.

Ce dernier lui répliqua vertement :

- J'en sais que les connais, ces chemins, moi !

Les Cinq – même Dagobert, intrigué par le silence soudain – le regardèrent fixement. Claude se saisit de la glace d'Annie qu'elle poussa devant le garçon, un air obséquieux sur le visage :

- Et... tu pourrais nous en dire plus ?

- Ben... C'est quand on cherche les ours, avec Papa... Je ne peux pas trop vous expliquer, mais en revanche...

- Tu peux nous montrer ! finirent de concert Claude et Mick.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Annie a bien protesté un peu à l'idée de grimper tout là-haut après cette déjà longue randonnée en vélo, mais même François était enthousiasmé à l'idée de retrouver ces traces de l'Histoire. Le retour dans la vallée d'Ercé s'effectua rapidement d'une pédale ferme et décidée. La petite fille avait du mal à suivre.

Ils déjeunèrent au pied de la montagne maintenant familière et, pour le plus grand bonheur de Mick, ils eurent des myrtilles chaudes et fraîchement cueillies pour dessert. Les parts de gâteau au chocolat que Maria avait prévues furent précautionneusement mises de côté pour le goûter par Annie. Tandis qu'elle rangeait ce trésor dans le panier, elle eut pour Mick et Dagobert le regard d'une chatte qui couve ses petits... Ce qui les dissuada de réclamer un deuxième dessert ! Claude et François riaient à gorge déployée de la similitude de regard entre le garçon et le chien à ce moment précis.

Mais lorsqu'ils reprirent l'ascension, ayant laissé les vélos à l'ombre de l'arbre où ils avaient pique-niqué, et l'impressionnant sommet rocheux s'approchant, les conversations se firent moins enjouées. Même Claude avait le cœur qui se serrait. Elle se souvenait de leur rencontre avec l'homme menaçant, à ce même endroit, et elle ne quittait pas son chien des yeux. Seul Jean semblait serein. Au moment où les buissons de myrtilles se faisaient plus rares sur la terre caillouteuse, il vira brusquement en direction du piton rocheux que les cousins avaient déjà repéré. Seulement, le petit montagnard n'en fit pas le tour. Il passa devant et continua comme si de rien n'était. Il semblait ne suivre aucun chemin, mais être sûr de lui. Le terrain devenait de moins en moins praticable, et François dut lui demander de ralentir, car Annie peinait à le suivre. Bientôt, même Claude fut perdue. Tenant fermement Dagobert par son collier, elle n'avait aucune idée d'où ils allaient et comment ils étaient arrivés là. Soudain, un grognement de son chien la fit s'arrêter. Elle appela les autres à mi-voix. Sous sa main, le poil de l'échine de la brave bête se dressait et son flair ne l'avait jamais trompé. Il y avait du danger...

Les enfants n'eurent pas le temps de se demander ce qu'il se passait ou que faire. Soudainement, ils virent débouler à cent mètres d'eux six énormes molosses, qui montraient les crocs et bavaient abondamment. Les monstres se précipitaient vers eux, dans un ensemble impressionnant, ne laissant aucun doute sur leurs intentions : ils voulaient les dévorer vivants.

- Les chiens de l'enfer ! glapit Annie.

Pleins de réflexes, Mick et François l'attrapèrent chacun par un bras et se mirent à dévaler la pente. Rapidement, Jean les dépassa pour les guider. Claude était restée un peu en arrière, car Dago faisait mine de vouloir protéger la fuite des enfants et elle devait le tirer par son collier. Mais bientôt elle appela ses cousins. Sans s'arrêter de courir, Mick tourna la tête. Cela représentait une jolie performance qu'il n'eut pas l'heur de poursuivre car il stoppa brusquement lui aussi. Annie faillit être écartelée entre ses deux frères, François ayant continué à toute allure. Elle se retourna à son tour. Les chiens s'étaient arrêtés. Visiblement, ils protégeaient quelque chose des intrus dont ils ne voulaient pas s'éloigner. De leur poste d'observation un peu en hauteur, ils observaient les enfants en grognant, mais ne faisaient plus mine de vouloir les courser. Prudemment, les enfants continuèrent tout de même leur descente, à un rythme plus sûr. Claude était restée un peu en arrière, regardant autour d'elle comme si elle voulait graver le paysage dans sa mémoire.

Ce ne fut qu'arrivés aux premiers buissons de myrtilles que les enfants retrouvèrent l'usage de la parole. Ce fut Claude qui brisa le silence :

- Vous l'avez vu, vous aussi ?

- Vu quoi ? grogna Mick. A part les crocs de ces fauves, je n'ai rien vu de particulier, moi. Ah si ! la bave qui se répandait sur leurs babines retroussées lorsqu'ils regardaient nos tendres mollets...

François renchérit :

- Je suis sûr que cette race de chiens est interdite en France ! Ils sont bien trop...

- L'homme ! le coupa Claude qui n'avait jamais été très intéressée par la notion de loi ou d'interdiction. L'homme basané de l'autre jour ! Quand les chiens nous ont couru après, j'ai vu sa tête qui dépassait du rocher !

- Et il n'a pas essayé de rappeler ses chiens ? s'indigna Annie. Ils auraient pu nous dévorer !

- Mais enfin, Annie ! s'exaspéra Claude, c'est un des contrebandiers ! La vie n'a que peu de valeur pour ces gens-là (1), ajouta-t-elle, très sérieuse.

François réfléchissait :

- Je crois que tu as raison, Claude. Et cette histoire devient trop grave pour qu'on puisse la garder pour nous. Jean ? Peux-tu nous conduire à la gendarmerie d'Oust ?

Encore tremblants de leur mésaventure, les enfants reprirent leurs vélos et arrivèrent bientôt en vue de la gendarmerie, qui était située dans le village voisin. Réagissant à un vieil atavisme des gens du lieu, Jean battit en retraite et les laissa y aller seuls, prétextant l'heure tardive, et que son père allait s'inquiéter, et qu'il avait beaucoup de choses à faire, et que Miel devait être en train de mourir de faim, etc. Ce fut donc le Club des Cinq dans sa composition originelle qui frappa à la porte de la gendarmerie. Qui était fermée. Un vieil homme qui prenait le soleil sur le pas de sa porte à quelques pas leur indiqua une direction du geste, en marmonnant quelques phrases en patois. Se tournant vers l'endroit indiqué, les quatre enfants découvrirent un petit café, à la terrasse duquel étaient fermement installées les forces de l'ordre du canton du Couseran.

François s'avança, et entreprit de raconter leur mésaventure. Cependant, l'air sceptique des hommes en uniforme lui fit petit à petit perdre son assurance. Lorsqu'il en vint à leur conclusion, ils se trouva lui-même ridicule d'annoncer qu'ils avaient découvert le lieu par où les cigarettes de contrebande passaient en France depuis des années, au nez et à la barbe des douaniers. Il baissa la tête vers ses chaussures, piteux. Mais le brigadier avait un bon cœur – surtout après l'apéro. Il tapota donc l'épaule du garçon en lui expliquant que les Ariégeois n'avaient pas pour habitude d'attacher leurs chiens et que donc il n'était pas rare de se faire aboyer dessus en promenade. Puis il se tourna vers le patron pour offrir la tournée. Dépitée, Claude refusa dignement, et entraîna ses cousins avec elle en direction du gîte. Le soir tombait, ils n'avaient pas mangé le goûter, et ils se sentaient déprimés. Le repas fut particulièrement calme. François accepta à peine de parler à son oncle de leur visite au musée. Les Cinq furent longs à s'endormir cette nuit-là.


(1) Magnifique réplique prononcée par Brad dans le « Rocky Horror Picture Show ».

2 commentaires:

draleuq a dit…

Louisemiches, tu recopies l'intégrale du club des 5 ?
T'as pété un câble ou quoi ? :)

T'as pas plutôt une thèse à finir ?

louise miches a dit…

Comme la thèse, recopier l'intégrale de l'oeuvre d'Enid Blyton est l'oeuvre d'une vie...

(Bon sinon, juste au cas où : ce Club des Cinq sur les pas des Montreurs d'Ours, c'est moi qui l'écris. Toute seule avec mes petits doigts, je parodie tranquillement... C'est une commande de mes petites nièces.)