vendredi 12 février 2010

Agora d'Alejandro Amenabar (AKA AAA...)

En pleine période péplum, après avoir rigolé avec Xuc devant un "Attila" aux yeux bleus qui dirige une troupe de Huns pas plus bridés que moi et m'être ennuyée devant un siège de "Troie" passé à la moulinette américaine, j'ai été agréablement surprise par "Agora" ce matin au ciné.
Peut-être parce que justement ce n'est pas tout à fait un péplum...
"Agora" est un film sur la conviction et l'allégeance. L'action se déroule à Alexandrie, au IVe siècle après Jésus-Christ, ainsi que dans l'espace avant Galilée. On suit trois personnages à travers cette époque troublée : une "philosophe" astronome qui cherche à comprendre comment tournent les astres ; un de ses anciens disciples, séducteur qui deviendra homme politique ; et un de ses anciens esclaves, qui deviendra un "soldat du Christ". Ce changement constant d'échelle, entre la vie politique et religieuse au sein d'un Empire romain sur le déclin et les étoiles, en fait un film anticlérical et la destruction de la bibliothèque d'Alexandrie par des chrétiens fanatiques qui gagnent leur guerre contre les païens (avant d'aller massacrer les Juifs) est réellement poignante.
Des questions sont explorées, ou simplement évoquées, qui sont passionnantes et mériteraient chacune un développement complet par quelqu'un de plus intelligent que moi. La religion face à la science, évidemment. Les passions humaines qui passent, et les étoiles qui passent et qui repassent. Pendant que les fidèles de l'Un ou des autres s'égorgent joyeusement, le public suit la philosophe qui passe en revue toutes les théories originelles sur le "système solaire" (qui n'existait pas encore, bien sûr, en tant que tel), et on se dit que les guerres de religions, bah c'est vraiment débile.
Un dogme en chasse un autre, et au final, la sympathie du réalisateur va à la science : mais la science n'est-elle pas elle-même devenue un dogme ? N'y a-t-il pas, aujourd'hui, des présupposés scientifiques, ou métascientifiques, qui sont considérés comme inquestionnables alors qu'il y a de quoi ?
Et qu'est-ce que la conviction ? La philosophe devient la cible des religieux, évidement : en tant que femme, et parce que la Terre est plate et le Soleil tourne autour. Un de ses anciens disciples, nouvel évêque, lui propose le baptême, ce qui la sauverait. Elle refuse : "Toi tu ne questionnes pas ce à quoi tu crois, car tu ne peux pas. Moi, je ne peux pas ne pas questionner constamment ce à quoi je crois." Et du coup elle se fait massacrer à son tour.
Alors que l'ancien disciple devenu homme politique s'est fait baptiser, pour sa carrière. Et ce n'est qu'au moment de sacrifier la femme (ou la science, ce n'est pas bien clair), qu'il flanche et montre que ce baptême n'était qu'un pis-aller. Qui a raison ? Tenir jusqu'au bout pour ses convictions et mourir debout ? Ou bien s'agenouiller et continuer en douce à travailler pour ce à quoi on croit ? La réponse n'est pas si évidente.
L'allégeance et la liberté sont aussi évoquées, à travers le personnage de l'ancien esclave, qui rejoint les soldats du Christ et est ainsi affranchi. Amoureux de son ancienne maîtresse, il revient la voir une fois libre mais ne parvient pas à la violer. Certes il l'aime, mais en se rendant compte qu'il ne parviendra pas à faire ce qu'il était venu faire, il tend un glaive à sa dame pour qu'elle le décapite, à genoux devant elle. Allégeance.
Et au final, la philosophe meurt libre, comme elle avait vécu, mais ce n'est que x siècles après que l'on "découvre" que le trajet des planètes forme une ellipse, alors qu'elle le savait déjà... La liberté est plus importante que la science ? Peut-il réellement exister une science digne de ce nom si elle n'est pas libre (ici, sous le joug de la religion) ?
Bon, en plus, la reconstitution historique est bien faite, j'ai lu ici ou là chez les blogueurs qui s'y connaissent en cinéma que c'était filmé de manière lourdingue et que les acteurs étaient plutôt mauvais, mais franchement j'ai pas remarqué.
Donc, en résumé : chouette, enfin un bon film !

2 commentaires:

Xuc a dit…

On s'est marré devant Attila ? T'es sûre ?

louise miches a dit…

Jaune, comme ne l'était pas la peau de Gérard Butler...