vendredi 13 juillet 2007

voir le monde différemment


Après avoir entamé une saine thérapie chez le Docteur Sygne, je me suis infligée une automédication de choc :
La lecture du livre : 5 ans à la tête de la DST. 1967-1972. La Mission impossible, par Jean Rochet, le directeur de la DST donc de ces années-là (publié chez Plon en 1985, pour les pervers qui voudraient partager mon ordonnance).
C’était il y a quarante petites années, et pourtant ce livre a une tonalité furieusement rétro… Évidement, je n’ai jamais imaginé que le directeur de la DST était homme à partir camper avec la Rainbow family
, ou qu’il pourrait trouver Daniel Cohn-Bendit un tant soit peu sympathique…
(je n'ai pas trouvé de photo de Jean Rochet, il y en a une toute choucarde au dos de mon livre, mais je n'ai pas de scanner...)






Mais je n'ai jamais "rencontré" quelqu'un qui soit tant respectueux de l'Ordre, de la Hiérarchie et du Règlement. Pendant la crise de Mai 68, il s'est fait copieusement arroser de tous côtés (le préfet, le ministre de l'intérieur, le premier ministre... Et non, pas De Gaulle, qui se drapait dans un silence majestueux qui permettait à Jean Rochet d'imaginer que lui, au moins, était de son côté...) et il encaissait, avec un dévouement qui force le respect. Il se permet tout de même, dans ses conclusions, de donner son avis sur une nécessaire réforme des institutions, réforme qui donnerait au directeur de la DST un rôle de premier plan dans la nomination de nouveaux membres à certains postes de pouvoirs... Pardonnons-lui ce petit fantasme, après ces cinq années éprouvantes.


Sinon, le livre est plutôt marrant : le sigle KGB est présent à toutes les pages (la CIA beaucoup moins), la pieuvre soviétique entretenait des foules d'espions à tous les niveaux de l'Etat, et jusque dans notre très Sainte Eglise :

Il n'y a pas que les milieux politiques, les administrations publiques et les services de l'Etat qui soient les cibles des entreprises de pénétration des Soviétiques et de leurs alliés. Toute organisation ayant quelque pouvoir ou quelque influence peut être visée.

Les Eglises, elles-mêmes, n'échappent pas aux tentatives de cette nature dont elles sont bien incapables de se protéger ne disposant pas d'un organisme de sécurité susceptible de les préserver.

Nous savons que le KGB n'a pas hésité à donner la formation nécessaire à certains de ses agents pour qu'ils puissent entrer dans les ordres, plusieurs cas ont été identifiés par les services alliés. (p. 200)


La lecture de ce bouquin m'a permis d'avoir un autre regard sur l'Eglise... Mes enfants n'iront pas chez les scouts, c'est sûr ! déjà que c'est plein de communistes, mais en plus l'Eglise de France aurait prêté son aide aux indépendantistes bretons qui ont fait de très graves attentats, comme de tenter de faire sauter la villa de M. Bouygues (p. 140), et aux catalans, à qui l'abbaye Saint-Michel-De-Cuxa (que je me souviens avoir visité, jeune et innocente, tenant la main de mon papa ! c'est une honte...) était ouverte.


Bref, si le KGB organisait des stages de formation sans pitié pour apprendre à ses agents à réciter le Notre Père, notre DST nationale semblait avoir un peu plus de mal avec les siens. J'ai vraiment pouffé de rire à ce passage, qui raconte la périlleuse mission de surveillance d'une possible planque d'étudiants gauchistes du SDS allemand à Paris :

Ils étaient installés rue de l'Estrapade, au coeur même du quartier Latin, dans un appartement situé dans un immeuble d'assez triste apparence.

Un des agents chargés de les suivre pas à pas s'était transformé en gauchiste, son mérite était grand car non seulement il avait dû adopter une tenue outrageusement négligée que n'appréciait pas du tout son épouse, mais, pour l'efficacité de sa mission, il était devenu le neveu de la concierge qui gardait cette antre. Pour rester à son poste de surveillance, sans donner l'alerte, il exécutait tous les matins, avec une bonne volonté un peu appuyée, la corvée de poubelle à la place de la prétendue tante qu'il n'oubliait pas d'embrasser affectueusement malgré son aspect rébarbatif et sa saleté repoussante... (p. 84)


Pauvre gars... Remercions-le, pour la France !


Bon, vous imaginez bien qu'il y a aussi plein d'autres choses dans ce livre comme les organisations gauchistes financées par l'URSS mais pilotées par... par ? : Cuba, bien sûr ! (à travers la fameuse organisation tricontinentale) et puis le récit hyper détaillé et super fastidieux du procès du directeur de la DST contre Gilles Perrault à propos de l'affaire Trepper, procès que Jean Rochet a perdu, mais qu'il compte bien regagner, en ne nous épargnant aucune minute, dans ce livre...

Mais je ne vais pas vous faire une fiche de lecture, lisez-le sur la plage !

(bande de veinards)

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