mardi 28 août 2007

le billet de la fille qui a vu la star

Coolos je me suis dit...

une rétrospective Wenders au Max Linder cette semaine : c'est pour moi !



Mais bon, le moment où je me décide à franchir les 200 mètres à vol d'oiseau qui me séparent du cinéma, le film projeté c'était "Rocco et ses frères" de Visconti. Bon, j'arriverai à m'en contenter, je me suis dit.

J'arrive devant la salle, un gros camion était garé devant, avec une sorte d'échelle qui montait à l'étage, des gens qui rentraient, sortaient, la nana de la caisse qui prenait un café avec des gens en fumant une clope sur le trottoir... Une agitation inhabituelle pour moi qui suis habituée à fréquenter les cinémas pour les films et à des horaires où il n'y a d'habitude pas un chat.

Je m'avance, polie et détendue, vers la nana au caféclope :

"Bonjour, il ne devait pas y avoir une séance à 11h ?"

"Ah bah là, moi je sais pas, il faut demander à Pierre, il est où Pierre ? Pierre ?"

Je tente, discrète, de me renseigner (après tout c'est mon cinéma de quartier) auprès de cette nana qui tournait sur elle-même en cherchant "Pierre" :

"ah oui, c'est parce qu'il y a des travaux..."

"Pierre ? Non, non... ce ne sont pas des travaux, c'est un tournage... Il est où Pierre ?"

Je m'éloigne de quelques pas (car je ne m'attendais pas trop à ce que "Pierre" sorte de son gobelet de café) pour trouver à me renseigner ailleurs.

Un peu à l'intérieur du cinéma, j'avise le type que je connais un peu de vue maintenant et qui est engagé dans une conversation animée avec une vieille dame un peu dure de la feuille (et de la comprenette aussi, apparemment) :

"Non, c'est un tournage... Un tournage, un film... Oui, oui, "Rocco et ses frères", à 11h... On aura peut-être un peu de retard, le temps qu'ils débarrassent la salle. Non, c'est un tournage, je vous dis..."

D'emblée (car moi je carbure, une thésarde, je vous rappelle) je me dis : "lui, c'est Pierre"

et puis aussi :

"bon, tant mieux ya une séance à 11h"

et puis aussi :

"ils ont un peu de retard car il y a un tournage, j'ai qu'à attendre". Une tête.

La vieille dame semble avoir compris. Elle lâche "Pierre" et s'éloigne sur le trottoir. "Pierre" me repère et s'avance vers moi pour lui répéter ce que je l'avais entendu dire à la vieille dame et ce que j'avais déjà compris par moi-même. "Pierre" est très excité, ça peut se comprendre, ce doit être un événement dans la vie d'un gérant/employé d'un cinéma. On bavarde un peu, je me demande à voix haute si ça vaut le coup que je reste, étant donné que le film fait déjà près de 3h, alors si en plus ya du retard...

C'est alors qu'il se penche vers moi d'un air de conspirateur et baisse le ton pour me faire LA révélation et me balancer l'argument massue :

"si vous restez et que vous regardez bien, vous allez voir sortir une STAR"

Moi j'étais restée dans l'idée de "Rocco et ses frères", j'étais persuadée qu'il parlait d'Alain Delon, alors je me dis : "tiens c'est marrant que ce soit Visconti, un Rital, qui ait sorti ce qui est devenu la fierté de nos fleurons franco-français, Monsieur Alain Delon -comment va-t-il -il va très bien merci..."

Alors je me marre, en pensant au vieux beau ridicule que l'acteur est devenu :

"Ca va, c'est pas un scoop, ça fait un bail qu'il est sorti"



L'autre, impassible et toujours excité, continue sans broncher sur le quiproquo :

"mais non, il n'est pas sorti, il est toujours à l'intérieur !" et là il fait un geste vers l'intérieur du cinéma qui me fait enfin comprendre mon erreur... Je balance un

"ah !"

pas très emballé. Entre-temps, la nana au caféclope, qui avait enfin trouvé "Pierre", s'est approchée de nous pour suivre la conversation. Elle doit estimer que ne réalise pas bien ce qui se passe et prend elle aussi des mines en se penchant vers moi :

"C'est John..."

Gosh, me dis-je in petto, Travolta ?? Mais j'ai pas osé le dire à haute voix, l'absence de gardes du corps et de grosses limousines blindées sur les Grands Boulevards me semblant suspecte... Déjà que j'ai failli passer pour une conne avec le coup d'Alain Delon...

Alors ensuite les choses s'enlisent un peu, le type me répète que si j'attends, etc. Puis, n'y tenant visiblement plus, il se penche derechef vers moi et me murmure quasiment à l'oreille avec un grand sourire :

"C'est John Malkovich"

"Ah !!!" je commente, heureuse de n'avoir rien dit pour Travolta.

"Hé oui !" me dit-il en se redressant, "vous n'aurez pas perdu votre journée, hein ?"

J'admets que ça vaut le coup de rester, parce que bon, je me donne des airs mais je suis comme tout le monde.

Je m'adosse au pilier de l'entrée, mate discrètement à l'intérieur, et soudain, mais oui ! mais bon dieu mais oui ! c'est lui !! il est encore loin, près de l'escalier, mais il approche ! c'est JOHN ! il se dirige vers la sortie ! ah oui je reconnais son visage fin, élégant et racé !! les liaisons dangereuses, à quelques pas de moi !



John sort du cinéma, s'arrête à un mètre à tout casser de moi, pour fouiller dans ses poches. Je regarde ailleurs, genre j'ai rien vu du tout, c'est qui ce type en costard à côté de moi, vous le connaissez ? moi pas, d'ailleurs j'ai rien vu, je regardais les voitures passer sur le boulevard...

Puis au bout de dix minutes, il a décollé et s'est éloigné sur le boulevard (quand il marche, et de dos, il est beaucoup moins classe. Le costard était de travers, il savait pas marcher, je sais pas mais y avait un truc qui collait pas).

Je croise le regard de la vieille dame qui me fait des roulements des yeux et des signes de tête en direction de l'acteur. Je lui fait moi aussi un signe de connivence...

Et puis nous sommes rentrées toutes les deux pour la séance.

Vu que nous avions partagé ce moment de grande intimité, elle m'adresse la parole dans la salle (en haussant la voix parce que j'étais tout devant et elle tout derrière) : "ya pas grand'monde, hein ?"

Effectivement, c'est tellement vide que la salle résonne. D'ailleurs, elle-même n'est pas restée jusqu'à la fin. J'ai fini le film en ayant le Max Linder à moi toute seule, et ça, c'est classe...



(le film était vachement bien en plus. Je connaissais déjà la scène du début, à la gare de Milan, quand le train de Bari débarque, la mama du Sud avec ses quatre grands fils, venus travailler à la ville. Et puis voir Roger Hanin, Annie Girardot et Alain Delon tailler la bavette ensemble en italien, ça valait "la peine d'attendre". Et puis, si Alain Delon a toujours une tête de con, même jeune et en noir et blanc, Annie Girardot, qui jouait la fille moderne de la ville, pour elle je n'ai qu'un mot : wahou... Vraiment très séduisante... Et figurez-vous que Roger Hanin, jeune et en noir et blanc lui aussi, eh bah se laisserait presque regarder aussi si on parvenait à oublier que si Alain Delon est un taré monomaniaque -de lui-même-, lui par contre c'est un authentique connard. Au moins, Alain Delon est drôle.)

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Une "rétrospection"?!
Quelle horreur.
Je suppose que Wenders ne peut pas se contenter d'une banale rétrospective.

louise miches a dit…

oups...
les invectives à répétition des introspections maladives dans les "magazines d'information" m'auront très certainement contaminées...
et puis il était tard (ou tôt ?).
Et puis d'ailleurs cette faute n'a jamais existé, je m'en vais la corriger de ce clic

louise miches a dit…

voilà qui est fait.
J'en profite pour dire que cette anecdote m'est arrivée dans la vraie vie, et que même si j'en brosse un portrait caricatural, le dénommé "Pierre" (j'ai oublié le vrai prénom) est quelqu'un qui existe et qui de plus m'est très sympathique.
Roger Hanin, par contre, toujours pas.

(dans le commentaire précédent, lire "contaminée" au lieu de "contaminées" : l'accord du participe passé, élémentaire mon cher Fried, je corrige avant que tu ne te fasses ce plaisir. Il est temps que j'aille dormir je pense)

Anonyme a dit…

Ah oui, la beauté d'Annie Girardot m'avait également marquée !
J'ai beaucoup aimé les mouvements stratigraphiques de tes lectures ; ça me donne envie de faire pareil :)

louise miches a dit…

Ah c'était donc toi, la vieille dame au fond de la salle...
Je sais enfin à quoi tu ressembles, Augenblick !

Et le "mouvement stratographique" a été inventé au début pour des raisons pratiques (faire passer des lectures un peu ardues : ne pas rester bloquée sur un bouquin sans pour autant l'abandonner). Mais ça vire assez rapidement à l'obsession mathématique, méfie-toi...

Anonyme a dit…

Ah ah ! grillée :)

Allez, pour lever une part de mystère, me voici en playmobil (en visite dans un centre de tri de déchets et dans un centre d'art contemporain) :
http://augenblick.over-blog.com/article-6122311.html
http://augenblick.over-blog.com/article-5808474.html

Peut-être qu'avec une pile de quatre livres, on peut limiter le risque ?