jeudi 2 août 2007

soirée écossaise (dernière partie)

Où tous les mystères sont enfin éclaircis... Un pincement au coeur, mais avec un sacré soulagement quand même, votre auteur a enfin réussi à boucler son histoire...
Nos héros reverront-ils leur Paris natal ? Sortiront-ils indemnes de cette étrange aventure ? Ce blog a-t-il encore une raison d'être après l'accomplissement de sa prophétie initiale (cf. René Lourau) ?


Ils sont pris au piège de la Bastille…

D’instinct, ils se pressent les uns contre les autres, leur regard horrifié fixé sur le pont-levis maintenant relevé, au-delà duquel ne se trouve peut-être pas la liberté, mais au moins l’idée réconfortante qu’ils auraient pu repartir par là d'où ils étaient venus… C’est à voix haute que Louise formule ces pensées, et c’est la première fois que la question de leur retour à Paris, enfin, au Paris qu’ils connaissaient, est posée. Et, à ce moment précis, cette idée n’est pas pour les rassurer. De plus, il fait de plus en plus froid, et Antoine grelotte sous son kilt.

Mais heureusement que Jay existe.
- pas de panique, je m’en occupe !
Il sort un téléphone portable de sa poche. Les autres le regardent avec ahurissement… Ce serait vraiment trop beau… Mais dans ce cas, qui appeler ? Les pompiers ? Un historien ? et quelle adresse donner ?
- et m… j’ai pas de réseau.
Antoine pose une main compréhensive sur l’épaule de l’ami de sa nana :
- on t’en veut pas, Jay !

Mais sa réplique est couverte par une voix éraillée, tombant de nulle part, semblant sourdre des murs, sans qu’il soit possible de la situer plus exactement. Tout le monde sursaute :
- Vous, le Sarrasin, déposez cette arme à vos pieds, immédiatement ! Nous avons des baillonnettes braquées sur vous, n’essayez pas de jouer les héros…

Jay obtempère sans sourciller. Mû comme par un ressort, il balance son téléphone d’un geste. Le groupe se fige dans une attente angoissée, mais la voix ne semble pas vouloir se manifester à nouveau. En revanche, dans un grincement sinistre, une porte au fond de la cour s’ouvre lentement. Tournés vers elle, nos héros attendent, saisis par une étrange torpeur glacée, que quelqu’un n’en sorte. Mais personne ne se montre. La porte reste ouverte, sombre, invitation menaçante à pénétrer un intérieur inconnu sûrement encore plus sombre et menaçant. Comme si l’air chaud était aspiré à l’intérieur du bâtiment, la température descend encore de quelques degrés. Mais le groupe, hypnotisé par le rectangle d’ombre dessiné par la porte ouverte, ne semble pas remarquer les conséquences étranges de cette baisse de température. En effet, autour de Xuc commencent à se dessiner de curieux halos de lumière bleue, qui tournent autour de lui, qui pénètrent et ressortent de son corps et de sa tête, en une curieuse danse désordonnée et disjointe…

Fried, lui, a mis ce temps à profit pour réfléchir. C’est le premier à prendre la parole :
- Bon, voilà comment sont les choses, c’est assez simple. L’ennemi nous tend un piège, il nous ouvre une porte pour nous coincer à l’intérieur du bâtiment. Très bien, mais il ne faut jamais sous-estimer la fourberie des Prussiens. Donc, comme il pense que nous pensons que c’est un piège, il se doute bien que nous n’entrerons jamais là-dedans. Pour tromper l’ennemi, il nous faut donc entrer. CQFD, qui m’aime me suive et tous en avant mes frères !

Le raisonnement n’a convaincu personne, mais comme tout le monde commence à être transis à force de rester immobile et que personne d’autre n’a mieux à proposer, ils suivent tous Fried, insensible à cette marque d’amour, et s’approchent de la porte du bâtiment. Jay est resté un peu en arrière pour ramasser son précieux portable qu’on lui envie tant, car il contient les numéros des plus jolies filles de France et de Navarre. Il n’a pas été tant impressionné que cela par la voix mystérieuse, il a lâché son portable juste pour qu’aucun de ses amis ne soit blessé… Quand il se redresse, son regard se pose sur Xuc, qui marche avec les autres. Il remarque enfin quelque chose d’étrange et, en bon pote, préviens son camarade :
- Xuc, tu fumes trop, t’as de la fumée qui te sort des oreilles.
Xuc se retourne, lui jette un regard plein d’incompréhension, mais ne voulant pas ranimer en cet instant critique le vieux débat fumeurs-non fumeurs entre colocataires, hausse les épaules.

Les autres ont déjà disparu dans la pénombre de l’intérieur. Jay se dépêche de les rattraper, mais Xuc ne suit plus le mouvement. Il vient lui aussi de s’apercevoir de ce phénomène bizarre autour de lui qui s’intensifie au point de lui donner vaguement le tournis :
- n° 3 ? n° 3 ? tu es là ? Qu’est-ce qui se passe ? tu peux m’expliquer ? n° 3 ?… N’importe qui ! ?

Mais personne ne lui répond. Et non seulement les comètes bleues qui s’amusent à lui tourner autour et à lui faire du rentre-dedans ne s’arrêtent pas, mais elles commencent à faire du bruit. Xuc perçoit des sons de coup, de chute, des petits gémissements et de fantastiques ahanements d’effort, directement à l’intérieur de sa tête. Il a l’impression que des multitudes de comètes bleues se battent à l’intérieur de son cerveau, et ça lui fait mal. Il a envie de hurler, peut-être a-t-il hurlé d’ailleurs ? toujours est-il qu’il est tombé à genoux, les deux mains sur la tête pressant son crâne de toutes ses forces pour l’empêcher d’exploser. Les comètes n’en ont cure, elles continuent leur manège, de plus en plus rapidement et de plus en plus fort. Et Xuc s’évanouit.


- Où êtes-vous, traîtres à la République ? Vous vous cachez, hein ? Vous savez que le peuple en armes est invincible ! Nous sommes le peuple en armes, nous sommes la République et les Droits de l’homme et du citoyen !
Mais le bâtiment reste froid et silencieux devant les injures. Fried grince d’un ton menaçant :
- Montrez-vous, que je vous abolisse un peu vos privilèges !
- Euh, Fried, écoute, il vaut mieux que je mène la négociation, s’avance Ernesto, qui a maté des patrons plus coriaces…
- Mais quelle négociation, s’énerve Louise, il n’y a personne, ici, personne !
- Ça me semble exact, confirme Jay d’une voix tranquille et virile, il n’y a même plus Xuc.
Un concert d’exclamations accueille cette constatation :
- Quoi ?
- Il a dû rester dehors !
- Hein, qui ?
- Retournons dans la cour !
- Allons enfants de la vallée du Rhin !

Ils se précipitent sur leurs pas. Mais entre temps, la porte s’était refermée, impossible de la rouvrir, une fois encore ils sont piégés. Mais ils sont un de moins…
- vous avez lu les Dix Petits nègres ? demande Antoine, en pensant à autre chose.
Louise lui retourne une tarte, et se met à pleurer :
- ta gueule, mais ta gueule putain ta gueule…
In petto, Jay pense que ce n’est pas très élégant pour une femme de parler ainsi, mais il lui pardonne, car il est lui aussi tout chafouin d’avoir perdu Xuc… Qui va lui monter ses étagères, maintenant ?
- non ! je refuse que ça se passe ainsi, dit-il en brandissant le poing. Ils ont Xuc, peut-être, mais nous, nous sommes encore vivants ! Il y a encore un Jay qui respire dans cette bâtisse moisie, et donc il nous reste une chance, si infime paraisse-t-elle, de sortir de là et de retrouver Xuc !
- Il a raison, dit Louise en se tournant vers Ernesto. Donne-moi ton passe !
- Mon passe ?
- Arrête, c’est bon, on sait très bien que tous les militants en ont un…
- Bon, bon, voilà, mais t’en parles à personne, hein ? c’est interdit, et maintenant que j’ai des responsabilités syndicales je ne peux pas me permettre d’avoir des ennuis…
- Des ennuis ? et tu crois pas qu’on en a quelques uns des ennuis, là ? s’énerve Louise en essayant sur la vieille serrure de la porte le passe PTT, dont les copies en circulation surpassent certainement en nombre les originaux…

Miracle… Dans un nouveau grincement sinistre, la vieille porte tourne lentement sur ses gonds… Nos héros ne peuvent retenir un cri de stupéfaction lorsqu’ils découvrent la cour qu’ils viennent juste de quitter. Car non seulement Xuc ne s’y trouve plus, mais en plein centre de la cour, là où un instant plus tôt ils se sont arrêtés pour contempler le bâtiment, se dresse une antique guillotine, une vraie, comme dans les films. Elle n’est même pas rouillée, et semble hélas en parfait état de marche… Fried pousse une exclamation de satisfaction :
- Vindieu le bel engin !
Il se tourne vers ses amis, radieux :
- nous ne sommes plus seuls, citoyens ! Le peuple est venu à la rescousse !
- Eh non ! pas exactement, mon pauvre vieux…

Surgissant du panier de la guillotine, hilare, une forme bleue vaguement familière s’avance vers eux.
- tu ferais mieux de picoler un peu moins et de réfléchir un peu plus, eh naze !
Antoine penche la tête de côté :
- c’est marrant, on dirait Xuc ! Enfin, je veux dire dans son apparence physique, ajoute-t-il rapidement en voyant le regard furibond de Louise…
- Xuc ! mais c’est qu’elle m’insulte la chiure de mouche ! Apprenez donc messieurs et mademoiselle… Non, on ne peut décemment pas appeler demoiselle quelqu’un qui porte un décolleté aussi profond… Donc, la bande de minus et leur salope apprendront que je m’appelle n° 4, et que je fus, pendant de très longues et éprouvantes années le fantôme de ce mou-du-genou de Xuc.
- ah oui ? frémit Fried, et aujourd’hui ? Tu as changé de propriétaire ? Un traître, c’est cela ? La belle affaire !
- Ecoute moi bien, l’ivrogne. Dans la vie il y a ceux qui commandent, et ceux qui obéissent. J’ai choisi mon camp, et vous, vous devez m’obéir maintenant si vous voulez revoir l’autre merde en vie !
- Il parle de Xuc, là ? demande Antoine à voix basse.

Jay serre les poings. Il est difficile de laisser insulter ses amis ainsi, mais un fantôme accepterait-il une provocation en duel à la loyale ?
- Vous allez me suivre, maintenant, et sans plus discuter. C’est par là, mon Maître vous attend.
- Et à qui aurons-nous l’honneur ? demande Ernesto d’une voix grave et de son ton le plus poli, qui désarmerait n’importe quel DRH un tant soit peu novice…
- Oh mais c’est un homme finalement, le binoclard aux cheveux longs ! Tu m’excusera tapette, c’était pas évident à première vue…

Et l’horripilant fantôme leur tourne carrément le dos pour se diriger vers une petite ouverture presque à l’opposé de la cour, qui n’était pas, ils auraient pu le jurer, visible lors de leur précédente visite. Il ne semblait y avoir rien d’autre à faire pour sauver Xuc que d’obtempérer et d’emboîter le pas à l’humanoïde translucide qui les guide, par un dédale de couloirs et d’escaliers, vers ce qui sera certainement la fin de cette énigme. En chemin, ils échangent quelques impressions à voix basse :
- c’est fou, donc c’était vrai cette histoire de fantômes ?
- et moi qui me foutais de lui…
- et moi donc !
- il a dû supporter ce connard pendant tout ce temps ?
- papette…
- comme quoi, on ne connaît vraiment ses amis que lorsque l’Histoire demande aux citoyens de faire le sacrifice de leur liberté pour l’amour de la République !
- quoi ?
- il devrait pourtant commencer à dessaouler, là, non ?

Mais cette importante question restera en suspend, car le groupe est arrivé devant la porte d’un cachot, à travers laquelle fantôme n°4 se précipite allègrement en leur jetant un regard goguenard, genre : " allez-y, essayez de m’imiter, on va rire ! ". Jay s’apprêtait à relever le défi lorsque la porte s’ouvre, de l’intérieur et sans grincer.
Le cœur battant, nos héros rentrent dans la pièce, s’attendant à trouver Xuc en piteux état, voire… qui sait ?
Mais rien de tout cela :
- ah bah vous voilà, vous tombez bien, on vient de trouver le moyen de rentrer chez nous !

Xuc était assis tranquillement sur un banc en bois, avec trois autres personnages dont on ne pouvait douter, au vu de leur ressemblance avec Xuc et de leur curieuse consistance translucide, qu’ils ne fussent encore d’autres fantômes. Louise ne trouve rien à répliquer que :
- qui ça, " on " ?
- eh bien, n°1, n°2, n°3 et moi ! c’est un travail d’équipe !
- et vous semblez m’oublier, ci-devant citoyen !

La porte se referme violemment, et le personnage qui leur avait ouvert s’avance maintenant vers eux, une perruque blanche vissée sur la tête, une chemise à col à jabot légèrement jaunie qui dépasse d’une veste à rayures mal cintrée. Xuc dissimule une grimace.
- Laissez-moi me présenter… Maximilien Marie Isidore de Robespierre, dit L’Incorruptible. Serviteur.
Un silence sidéré tombe sur notre petit groupe. Fried est à genoux, et semble incapable de proférer le moindre son. Prenant cette stupéfaction pour une invite au discours, L’Incorruptible prend la pose, une grande inspiration, et… Mais Xuc a été plus rapide :
- bon, je vous fais le topo, si on le laisse parler on ne s’en sortira pas et on a plus beaucoup de temps, il faut que nous soyons rentrés avant l’aube sinon nous serons coincés ici à jamais, et je sais pas vous, mais moi je suis pas très chaud.
- Mais comment tu sais ?…
- C’est grâce à mes fantômes, ils ont mené leur petite enquête. Les murs ici sont pleins de souvenirs et riches d’informations pour qui sait les recueillir…
- Oui, donc ?
- Alors, ce lieu, la Bastille, est une sorte de… Palais de la justice, en somme.
- D’où la guillotine ! s’exclame Fried.
- Mouais… Monsieur Robespierre s’est retrouvé lui aussi, par hasard comme nous, coincé ici, car il a vécu une injustice.
- Je me suis fait guillotiner, au faîte de ma gloire et avant d'avoir pu accomplir mon oeuvre pour…
- Et nous, nous sommes ici dans le but de réparer cette injustice, en commettant une injustice encore plus horrible… Ce n’est qu’à ce prix-là que nous pourrons reprendre le cours normal de nos existences. Tout le monde suit ?
- Bah…
- Je crois…
- C’est un peu farfelu, mais…
- Ça se comprend…
- Bon, alors on y va, on descend dans la cour.
- Hein ?

Xuc se lève d’une béquille décidée. N°4, sur le chemin entre lui et la porte, s’écarte promptement. Xuc tente de lui mettre la main sur l’épaule, mais elle passe à travers dans un " schhlurrp " peu ragoûtant. Qu’à cela ne tienne, il le regarde dans les yeux :
- je ne t’en veux absolument pas. Tu as raison, nous deux ça ne marchait pas, nous souffrions trop. Parfois, même si cela fait mal, il faut savoir prendre la décision de se séparer, et je te remercie de l’avoir fait. Maintenant, il ne faut pas regarder en arrière, une nouvelle vie t’attend, tu seras beaucoup plus heureux avec quelqu’un d’autre que moi. Je veux juste que nous nous quittions bons amis…
N°4 détourne le regard :
- tu ne m’as jamais aimé, goujat ! J’ai tant donné pour notre relation, et tu me traitais comme n’importe lequel de tes fantômes…
- hum hum… Navrée d’interrompre cette touchante conversation, mais n’avons-nous pas une injustice horrible à commettre avant l’aube ?
- La citoyenne Louise a raison, messieurs, l'intérêt suprême de la nation et des colonies elles-mêmes est que vous conserviez votre liberté et que vous ne renversiez pas de vos propres mains les bases de cette liberté.
- Ne faites pas attention, il a tendance à repasser ses vieux discours en boucle… Renommée, renommée… Qui es-tu, renommée… Suivez-moi !

En tentant de digérer ce qui leur arrivait, tout le groupe dévale les escaliers à la suite de Xuc. Ils débouchent dans la cour maintenant familière, où la sinistre guillotine semble les attendre.
- Bon, et maintenant ? demande Jay.
- Alors… Antoine, viens par ici mon poteau… Je vais te lier les mains dans le dos… Voilà, comme ça… Une cagoule sur le visage… Très bien… Suis-moi, tu vas t’allonger sur le ventre juste ici, voilà, comme ça… très bien…
- Euh ? je peux poser une question ?
- Oui, je t’écoute ? répond Xuc de sa voix la plus hypocrite. Mais dépêche-toi, tu le sais qu’on n’a plus beaucoup de temps…
Les autres s’installent en demi-cercle autour de la guillotine et assistent au dialogue. Antoine a la voix qui commence légèrement à chevroter :
- Vous… Vous allez me guillotiner ?
- Eh bah ! on dirait qu’il s’améliore, à notre contact ! siffle Louise entre ses dents.
- Il semble oui, hélas, c’est le seul moyen. Tu vas te faire guillotiner à la place de Robespierre, et comme ça, nous nous pourrons rentrer à l’appart de Louise après ce léger contretemps et commencer enfin notre fameuse soirée écossaise.
- Mais…
- Oui ?
- Pourquoi moi ?
- Mais pourquoi pas toi, mon petit père ?
- Mais…
- Oui ?
- C’est injuste ! !
- Mais c’est le principe, exactement !
- Merci de le reconnaître, intervient Robespierre. Ca nous rendra la tâche plus facile et mon retour sera ainsi assuré.
- Je ne crois pas que je suis prêt à mourir… je veux dire… je suis encore jeune, et…
- A dire vrai, mes fantômes ont été clairs sur ce point. Tu ne vas pas vraiment mourir, juste… euh… être décapité. Et puis tu vas hanter ces lieux jusqu’à ce que ta haine de l’injustice soit assez forte pour y attirer d’autres personnes, et tu pourras en sortir lorsque tu te montrera avec eux aussi salop, voire plus, que nous l’avons été avec toi.
- …
- C’est bon, c’est compris ? on va pas y passer des heures non plus ! Monsieur Maximilien, je crois que cet honneur vous revient…
- Ah ah ! comme au bon vieux temps, hein ! Robespierre se frotte les mains en lançant un clin d’œil à Fried. On va voir si je ne me suis pas rouillé !

D’un geste parfaitement maîtrisé, il abaisse la manette, sur le côté gauche de l’engin. La pince s’ouvre, et le couperet tombe. La tête d’Antoine, qui n’a même pas eu le temps de crier, tombe dans le panier en zinc avec un bruit sourd. D’une poussée du pied très professionnelle, Robespierre fait basculer le corps acéphale dans le panier en osier prévu à cet effet.
- ça, c’est comme le vélo ! Dictateur un jour…
- mais, et maintenant ? demande Jay qui ne perd jamais de vue les choses matérielles, pourquoi on est pas de retour ?

Comme pour lui répondre, le pont-levis par lequel ils sont entrés s’abaisse, avec le même grincement sinistre.
- eh bien, je crois que la vielle bâtisse nous indique d’elle-même le chemin. Grouillons-nous, j’ai pas très envie de voir mon ex amputé d’une vingtaine de centimètres.
- Si petite ! Bon, alors tu ne le regretteras pas trop… plaisante Jay, égrillard mais légèrement vantard tout de même.
Fried marmonne dans sa barbe :
- Les femmes… toutes des mantes religieuses, des araignées, des goules… Des garces !
Puis, tandis qu’ils passent au-dessus des douves toujours remplies de cet étrange liquide en mouvement, il s’adresse à Robespierre :
- Monsieur, je voulais vous dire que j’avais été enchanté de rencontrer un personnage tel que vous. Je voudrais que vous sachiez que je lutte tous les jours, dans mon monde, pour poursuivre votre œuvre.
- Merci, petit. Ils sont rares, ceux qui comme nous, veulent subsituer la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages, les devoirs aux bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie de la mode, le mépris du vice au mépris du malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à l’amour de l’argent, les bonnes gens à la bonne compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au bel esprit, la vérité à l’éclat, le charme du bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de l’homme à la petitesse des grands, un peuple magnanime, puissant, heureux, à un peuple aimable, frivole et misérable, c’est-à-dire, toutes les vertus et tous les miracles de la République, à tous les vices et à tous les ridicules de la monarchie…
- Euh, d’accord, j’essayerai de me tenir à ce programme…
Ils approchaient de la limite fatidique de la place… Robespierre s’arrête, et glissant une paire de lunettes de soleil Prada dans la paume de Fried, lui adresse son regard le plus pénétrant :
- je suis content moi aussi de vous avoir rencontré, mon jeune ami, vous attestez par votre présence que les âmes sensibles et pures existent. Oui ! elle existe, cette passion tendre, impérieuse, irrésistible, tourment et délices des cœurs magnanimes, cette horreur profonde de la tyrannie, ce zèle compatissant pour les opprimés, cet amour sacré de la patrie, cet amour plus sublime et plus saint de l'humanité, sans lequel une grande révolution n'est qu'un crime éclatant qui détruit un autre crime. Elle existe, cette ambition généreuse de fonder sur la terre la première République du monde ; cet égoïsme des hommes non dégradés, qui trouve une volupté céleste dans le calme d'une conscience pure et dans le spectacle ravissant du bonheur public. Vous le sentez, en ce moment, qui brûle dans vos âmes ; je le sens dans la mienne.

Xuc s’approche de Fried sidéré, et lui passe le bras autour du cou :
- il n’y a qu’un seul moyen de le faire taire… Allez, viens ma poulass on rentre à la maison…

Se tenant par le bras, ils franchissent tous en même temps cette ligne invisible de la place de la Bastille qui marque ici la fin de leur aventure…

Merci de votre attention.
S'il y en a un qui me dit "Tout ça pour ça" dans ses commentaires...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout ça pour ça...
C'est un film de Lelouch non?

louise miches a dit…

grr...

Nicolas a dit…

- Oh mais c’est un homme finalement, le binoclard aux cheveux longs ! Tu m’excusera tapette, c’était pas évident à première vue…

ah bon...
va falloir que je cause deux secondes à Grand Corps Malade, que j'enfonce sa béquille dans son inconscient... ;-)

Anonyme a dit…

Un autre jour sur le site de Louise
Des commentaires pour râler
Et quelques informaticiens autour de 16h15
Fantôme n°5 défends-moi !

Ben oui je me suis enfin rappelé de ce dernier, c'est mon super-héros ! Il sauve la situation quand vraiment ça va plus en principe. Mais là ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu... Sans doute enfermé dans une prison de mon inconscient.

Bref, je voudrais demander à Louise de bien vouloir indiquer vite fait bien fait que toute ressemblance de ses personnages avec un informaticien chevelu et binoclard ou un handicapé schizophrène ne serait que pure coïncidence avant que je me prenne un clavier d'ordinateur à la gueule !

Ceci dit, j'ai toujours ma béquille ! Et pour finir j'ajouterai que ce n'est pas très fair-play vis-à-vis de Louise de citer une des rares phrases de son texte où se trouve une faute de conjugaison ! Vilain le binoclard !

louise miches a dit…

rhââ la faute...
m'en vais fissa me cacher avec mon Bescherelle
du coup, pas le temps de publier de démenti, débrouillez-vous entre vous...

Magic Fing D a dit…

tsi hi...
c'est ça, Louise Miches L. est folle!