lundi 22 juin 2009

L'aube et l'aurore au crépuscule

Hier soir au crépuscule, je demande à l'homme qui me raccompagnait la différence entre l'aube et l'aurore. Pris de court, il tente de s'en sortir en me récitant Hugo :

Demain, dès l'aube...

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


Joli effort ! Mais Verlaine aurait été mieux approprié :


Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore

Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore,
Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien
Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore,
Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,

C'en est fait à présent des funestes pensées,
C'en est fait des mauvais rêves, ah ! c'en est fait
Surtout de l'ironie et des lèvres pincées
Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.

Arrière aussi les poings crispés et la colère
A propos des méchants et des sots rencontrés ;
Arrière la rancune abominable ! arrière
L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés !

Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière
A dans ma nuit profonde émis cette clarté
D'une amour à la fois immortelle et première,
De par la grâce, le sourire et la bonté,

Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces,
Par toi conduit, ô main où tremblera ma main,
Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses
Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;

Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie,
Vers le but où le sort dirigera mes pas,
Sans violence, sans remords et sans envie :
Ce sera le devoir heureux aux gais combats.

Et comme, pour bercer les lenteurs de la route,
Je chanterai des airs ingénus, je me dis
Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute ;
Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.


Et puis on s'est demandé pourquoi, le crépuscule étant un moment tellement beau, personne ne nommait jamais son enfant ainsi, à l'égard d'Aurore. Après réflexion, "Crépuscule ! Va te coucher maintenant !" a un air sinistre. Comme ce poème d'Apollinaire :


Crépuscule

Frôlée par les ombres des morts
Sur l'herbe où le jour s'exténue
L'arlequine s'est mise nue
Et dans l'étang mire son corps

Un charlatan crépusculaire
Vante les tours que l'on va faire
Le ciel sans teinte est constellé
D'astres pâles comme du lait

Sur les tréteaux l'arlequin blême
Salue d'abord les spectateurs
Des sorciers venus de Bohême
Quelques fées et les enchanteurs

Ayant décroché une étoile
Il la manie à bras tendu
Tandis que des pieds un pendu
Sonne en mesure les cymbales

L'aveugle berce un bel enfant
La biche passe avec ses faons
Le nain regarde d'un air triste
Grandir l'arlequin trismégiste


L'emploi de "trismégiste" (trois fois très grand, en grec), est particulièrement jouissif, non ? En tout cas, j'ai trouvé comment j'appellerai mon enfant...
Et l'aube et l'aurore, alors ?
Eh bien, comme son nom l'indique (alba, blanc en latin), l'aube est blanche, on sort de la nuit. L'aurore vient ensuite, elle est rose alors que les premiers rayons du soleil se dessinent. Puis, le soleil se lève.

1 commentaire:

@necDOT a dit…

dans la famille des Trismégistes moi je connaissais Le grand-grand-grand-(...)père Hermès.
Cet Hermès Trismégiste ou Hermès le Triple est considéré comme un fondateur de l'alchimie (il n'a pas écrit un bouquin appelé "hermetica" pour rien)