mercredi 4 juillet 2007

dérive d'une silhouette aux sex toys...


J’avais trouvé cette référence chez Gilles Perrault, Le Secret du roi (le roi en question, c’est Louis XV) :
" Aux Finances, les ministres se succèdent à un rythme soutenu ; le nom de l’un d’eux, Silhouette, en deviendra nom commun. "
Il n’en a pas fallu plus pour m’intriguer…



Un saut ce midi à la bibliothèque m’a appris qu’Etienne de Silhouette (1709-1767) était " contrôleur général " (équivalent à ministre à l’époque) des Finances.


Sa jeunesse, il la passe à voyager, à s’instruire, à étudier. L’Angleterre notamment, qui avait seule alors un véritable système de finances. E. De Silhouette passe donc un an à Londres pour l’étudier, et en revint séduit et persuadé qu’il serait possible d’employer avec profit le système anglais en France (obsession qui le perdra, entre autres). Cette année en Angleterre lui a au moins permis d’apprendre l’anglais, ce qui lui sert dans un premier temps pour faire des traductions et ainsi se " faire un nom " à Paris, là où tout se passe à l’époque (déjà ?).
Il peut enfin acheter une charge de " maître des requêtes " (voir ce mot plus bas). Oui, parce qu’à l’époque, pour être fonctionnaire, il fallait payer…
Il continue à se faire un nom à Paris, il se trace une carrière en s’attachant au maréchal de Noailles, au duc d’Orléans… Il fait même partie des commissaires chargés de discuter avec l’Angleterre des limites des possessions françaises et anglaises en Acadie après le traité d’Aix-la-Chapelle.

Cette guerre ruineuse ayant épuisé les ressources du royaume, des ministres franchement incompétents se succèdent rapidement à la tête des Finances. C’est pour ça qu’on a senti le besoin de trouver l’Homme, super-ministre des Finances qui réparerait les fautes de ses prédécesseurs.
Silhouette avait le profil : beaucoup d’instruction, un nom à Paris, des connaissances en économie, et assez d’orgueil pour s’estimer à la hauteur de la tâche. Peut-être aussi de l’aveuglement, au vu de la situation politique explosive du moment. Il sera notamment, dès l’annonce de sa candidature, victime d’une incroyable et invraisemblable cabale politique dont on passe les détails, par un parti puissant qui comptait dans ses rangs le prince de Conti et qui tente de l’écarter de ce poste casse-gueule certes, mais ce poste de pouvoir tout de même.




Soutenu par Madame de Pompadour, puissante madame Andrée époque Louis XV, il triomphe de ses ennemis et est nommé contrôleur général en mars 1757.




A son arrivée au ministère, il prend quelques mesures simples pour remettre de l’ordre sans augmenter les impôts, et ça marche dans un premier temps (par exemple, il conseille au roi d’envoyer une partie de sa vaisselle à la Monnaie, ce que Louis XV, bonne pâte, fit, et de demander à ses sujets le même sacrifice, ce qu’ils firent beaucoup moins… On en était là ! je vois mal qui que ce soit me demander d’envoyer mes couverts Ikea pour boucher le trou de la Sécu… Quelle époque !).

Mais bon, comme prévu pour l’époque, lorsqu’il veut monter de nouveaux impôts, le Parlement se soulève contre lui, et le Parlement, c’est l’opinion publique… A partir de ce moment, il fut moqué, chansonné, vilipendé, et toutes ses opérations manquèrent les unes après les autres… Forcé par son sens du ridicule, il se retire de son ministère au bout de huit mois, sous les huées (avec tout de même une jolie rente qu’il parvint à s’octroyer…).
Il mourra d’une fluxion de poitrine, ou selon Grimm, d’une " ambition rentrée ".

L’étymologie du mot " silhouette " part bien de cet homme. Ensuite, les explications varient. Pour le Dictionnaire étymologique et historique du français de Larousse, le mot date de 1759. " A la silhouette " était une locution ironique caractérisant un passage rapide, due effectivement au temps record passé par Etienne de Silhouette à la tête des Finances et à son impopularité.
Le Grand Robert est un peu plus disert. Cette expression selon lui semble désigner des objets faits " à l’économie ", c’est à dire d’une exécution sommaire. Elle viendrait du même ministre des Finances, impopulaire donc et chansonné pour ses mesures d’économie, ou ayant, selon certains, l’habitude de tracer ce genre de portraits. Ce qui est de sa part, avouons-le, une manière de tendre le bâton pour se faire battre…

A propos de se faire battre…
" maître des requêtes "…
J’adore ces noms de métiers ésotériques pour la néophyte que je suis… C’est comme " attaché " (qui est un vrai nom de métier contemporain, dans la fonction publique territoriale). "Tu fais quoi, dans la vie ? –je suis attachée…"
Bref, et pour rester dans le registre du fouet et des chaînes, j’aimais assez cette charge de " maître des requêtes ", qui sentait bon le cuir humide et le métal rouillé.
Devant ça, en général, on hésite à pousser les recherches, c’est tellement plus romantique lorsque ce n’est pas défloré… Alors arrêtez votre lecture si vous voulez conserver ce que le langage commun appelle votre " innocence " (eh oui, en un sens…).

Surtout que c’est plutôt décevant : l’origine de maître des requêtes remonte au règne de Saint Louis, époque à laquelle ils assistent le roi pour juger aux " Plaids de la porte " les affaires introduites par les requêtes des particuliers.
Cette fonction d’Ancien Régime est donc surtout administrative et judiciaire. Il s’agit de siéger au Conseil (principalement, mais aussi dans d’autres instances), où le rôle des maîtres de requêtes consiste à assurer l’examen et le rapport des requêtes présentées au souverain.

Je préfère retourner sur le problème de maths suggéré par Zac’ Galou, il y a une nuit avec lui à la clef ! (mais c’est moi qui doit fournir les sex toys. Maintenant, j’ai quelques idées…).

2 commentaires:

Zacharias Galouzeau de Moussaoui a dit…

Avec un titre pareil autant dire que j'ai tout lu, quand surpise, l'on parla de ma personne à la fin!

Si cela peut motiver je suis même pret à porter les cuissardes en premier! (attention concurence, demain je trainerai aux alentours de la biblitothèque chevaleret!)

louise miches a dit…

oh la la, si tu savais... je suis émue que tu passes par ici...
ça me donnerait presque l'envie de bosser sur ton exo de maths... Mais en fait, non !
Et tu vois, cher, nous ne fréquentons pas les mêmes bibliothèques... Je suis à la BSG, panthéon pour les intimes... et j'y passe le mois de juillet...

Cuissardes as-tu dis ??
gmbl... c'est où cette p*** de bibliothèque chevaleret...

allez, dis-moi que pour ta thèse tu as besoin d'un cours première année sur : "Introduction à l'histoire de l'éducation, XIX°-XX°siècle" !
Si oui, dis-moi où et quand tu lances un cours (sous-première année de préférence) sur Java ou je ne sais quelle équation ésotérique...
J'y serai ! -incognito...