mardi 11 septembre 2007

Nicolas Demorand et moi

Nicolas Demorand (ND pour les intimes), c'est le journaliste qui présente les infos le matin sur France Inter.
Je m'apprête à utiliser banalement l'outil internet comme défouloir, pour tous ces matins où je me suis réveillée énervée, voire où je frappai l'oreiller, où, ultime recours dans mon désespoir, je zappai sur France Info.
Voilà, je vais lâchement cracher ma bile de manière anonyme sur un blog confidentiel, mais pardonnez-moi si je pêche : je ne supporte pas ND.
Il concentre en sa modeste personne tout ce que je ne supporte pas chez les journalistes.
C'est un pur, un dur, toujours sur le fil de l'actu, coco. Il a tellement endossé l'habitus du journaliste qu'il en est devenu caricature.
Ses interview d'hommes politiques sont convenues, un jeu dont les règles sont bien assimilées de part et d'autre, et ça ronronne. ND pose une fausse question "impertinente" à son invité, c'est à dire qu'il l'interroge sur le buzz du moment dont on se cogne royalement (exemple : Rachida Dati a-t-elle un caractère de chien ?). L'homme politique répond à côté évidemment. A ce moment-là, ND, car c'est un journaliste indépendant et impertinent et qu'il tient à le montrer lui coupe la parole : "mais vous ne répondez pas à ma question, je vous demandais si Rachida Dati a vraiment un caractère de chien" (ND ne se laisse pas mener par les hommes politiques, vous voyez bien...). L'invité continue sa langue de bois, et parfois lâche une petite phrase, car ça fait tourner la machine médiatique et que les hommes politiques se nourrissent de ça aussi, et l'interview poursuit son cours bien tracé.

Car s'il y a un sujet sur lequel ND ne transige pas, c'est l'indépendance du journaliste. Qu'un auditeur ou qu'un invité ose faire une petite allusion au fait que peut-être tel journaliste d'info serait un être humain, donc avec ses opinions et ses affects et que même s'il veut paraître neutre il traite l'info à partir de ce qu'il est, aussitôt notre ND part en croisade, s'indigne, ne laisse rien passer. Même s'il s'agit d'une conversation entre deux autres personnes, exemple l'invité et l'auditeur, ND s'invite pour étaler sa passion du journalisme, sa vision du journaliste comme une machine au-dessus du commun des mortels, sans émotions ni surtout inconscient.

L'autre sujet susceptible d'entraîner ND à changer immédiatement le sujet de la conversation pour étaler ses propres obsessions, c'est la liberté de la presse, corollaire évident de l'indépendance du journaliste.
La liberté de la presse chez ND est à la fois un déjà-là (car le journaliste est indépendant) et un idéal à défendre/conquérir. Il s'imagine certainement refaire la campagne des banquets de 1848, sauf qu'à cette époque cela avait un sens. Aujourd'hui la liberté de la presse n'est plus menacée directement par le pouvoir politique (genre ORTF), mais les pressions pour son contrôle visent de manière plus insidieuse l'indépendance du journaliste justement. Un sujet que ND refuse de discuter.
Je rêve d'un débat Pierre Bourdieu-Nicolas Demorand... Oui certes, Bourdieu a des côtés insupportables aussi mais il a le mérite d'avoir construit une sociologie réflexive et désillusionnée. Le sens pratique, un live que ND a sûrement lu et qui a dû l'indigner au plus au point. L'habitus du journaliste ? L'homologie structurale ? Fi ! Indépendant et libre, je vous dis...

De toutes façons, lorsque quelqu'un se prétend neutre, c'est là qu'il faut se méfier. C'est le signe d'un aveuglement complet. Le journaliste, l'homme politique, le chercheur voire la meilleure amie à qui vous demandez conseil et qui prétend parler en toute "objectivité" refoule ses implications, refuse de les questionner, et donc se fait doublement piéger par elles.

Et pour finir de cracher mon venin, j'aimerai en répandre aussi un peu sur les autres journalistes, car ND n'est pas seul à l'antenne... Après l'avoir écouté pendant quelques minutes, bien énervée par son ton enthousiaste de journaliste-c'est-le-plus-beau-métier-du-monde (car indépendant et libre...), je ne supporte plus la connivence et l'amitié que les journalistes étalent à l'antenne. Le petit ton amusé de rigueur lorsque le chroniqueur finit son intervention par une info "décalée" (oh le vilain mot que je me prends à détester aussi), comme la nana qui fait la revue de presse par exemple. Elle finit toujours sa chronique par une note humoristique, vous l'aurez remarqué comme moi, et enchaîne très vite par son traditionnel "bonne journée" pour bien marquer sa chute et laisser à ND le temps de s'esclaffer sur un mode parfaitement convenu.
Les petites phrases à caractère apparemment privé (mais en fait rien ne peut être privé à la radio évidemment, les journalistes n'oublient pas soudainement qu'ils parlent dans un micro et qu'ils émettent sur la France entière) que les journalistes s'échangent aussi, on y a eu droit par exemple lors du buzz sur le "tabagisme" : le fumeur du studio était pris à partie sur le mode "Dorénavant, les fumeurs devront aller se griller leur cigarette sur le trottoir, n'est-ce pas Roger ?". Notons que ces faux échanges privés, qui ont certainement pour but de créer une ambiance la "Maison" de la radio, Radio France on y est bien on se marre bien etc., sont marqués par l'usage du prénom. Lorsque ND utilise le prénom et le nom du journaliste, le commun des auditeurs est alors prévenu que ND s'adresse à lui.

Bon, je vais arrêter là, je voulais juste viser Nicolas Demorand, si je continue je vais passer aux journalistes télé, et là je suis repartie pour des pages et des pages.

Il y aussi des choses que je trouve bien à la radio et des gens que j'admire, mais le "ton" France Inter, j'en peux plus, il fallait que j'en parle à quelqu'un.
Putain ça fait du bien.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Effectivement, c'est fort bien vu.
Je ne connais pas ND, mais apparemment il gagne à être connu :o)
Cela dit, j'en entends d'autres dans le même genre tous les jours.
Au-delà des p'tits trucs insupportables des journaleux, il y a aussi les grands trucs insupportables des médias en général. Et là dessus, on pourrait en écrire trois tomes.

Anonyme a dit…

Je partage votre courroux (coucou)

Anonyme a dit…

oh bah tiens, un autre blogtrotter, comme le monde est petit... heureusement que j'avais rajouté un z, sinon je t'aurais plagié sans le savoir.

louise miches a dit…

salut à tous !!
(je ne vous dérange pas trop, ça va ??)
il y aurait effectivement beaucoup de choses à dire sur les médias en général...
Et peut-être effectivement si on s'énerve particulièrement sur eux, c'est que c'est une belle profession, en théorie.
merci de votre soutien, et bienvenue !!
(je t'envoie un mail bientôt blog trotter, pour mon cours sur Ulysse, merci à l'avance !)

Anonyme a dit…

"(je ne vous dérange pas trop, ça va ??)"

Pour une fois que t'as des comm, tu râles !

Ingrate ! ;o)

louise miches a dit…

ah l'enf... !

Frédéric Neff a dit…

hé hé
bien vu. Très bonne analyse. C'est matv qui m'a envoyé vers toi...
Passe sur la matinale de Culture, c'est moins répétitif qu'info et ils sont 4 pour commenter l'info.
Voilou, à plus chère demoiselle

Philippe a dit…

As-tu changé d'avis ?

louise miches a dit…

J'ai changé d'heure de réveil, déjà...