vendredi 12 juin 2009

Institutions françaises - Piqûre de rappel

Ce matin France Info bourdonnait à propos du 22 juin, où Nicolas Sarkozy va s'adresser au "Congrès"...
Cette dénomination est évidemment impropre, on l'aura rectifié de soi-même. Il faudrait dire que notre Superprésident s'adressera au "Parlement réuni en congrès".
Notre système parlementaire est en effet bicaméral, c'est à dire simplement que le Parlement (ceux qui possèdent le pouvoir législatif) est composé de deux chambres : l'Assemblée nationale au Palais Bourbon et le Sénat au Palais du Luxembourg.
Dire "le Congrès" ça fait vraiment "comme en Amérique !" (cf. Tati)... Aux Etats-Unis, le Parlement est effectivement nommé Congrès et composé lui aussi de deux Chambres, etc.

Alors, ce Parlement se réunit en sessions (pour délibérer, lire le journal ou rattraper le sommeil en retard), séparément : l'Assemblée Nationale et le Sénat chacun de leur côté.
Il y a trois types de sessions :
- ordinaire : c'est toute l'année, d'octobre à juin, pour les "affaires courantes" ;
- extraordinaire : à la demande du Premier Ministre, sur décret du Président de la République, et sur des questions précises (un ordre du jour déterminé) ;
- de plein droit : dans des conditions particulières : après une dissolution de l'Assemblée nationale, lors de l'application de l'article 16 (celui qui donne les pleins pouvoirs au Président), ou bien pour entendre un message du Président de la République si le Parlement n'est pas en session ordinaire (c'est à dire pendant les vacances).

Bien. Ceci dit, parfois le Parlement se réunit en Congrès, au château de Versailles (dans l'aile du Midi, pour ceux qui connaissent). Ce coup-ci ils siègent tous ensemble et, fait notable, les parlementaires ne se placent pas selon leur appartenance politique, mais tout bêtement par ordre alphabétique.
Cette réunion est exceptionnelle, ils n'y vont que lorsqu'il s'agit de réformer la Constitution. C'est le Président qui convoque cette réunion.

Bon, donc, Nicolas Sarkozy va se faire réunir le Parlement en Congrès pour faire un petit discours et puis s'en aller. Les parlementaires sont libres d'engager le débat après le départ du Président (il ne va quand même pas se fouler à y participer), mais aucun vote ni aucune résolution ne suivra ce débat.
Et sur quoi va parler le Président ? Il voudrait présenter aux parlementaires sa politique européenne et sa politique économique.

A ce stade, je nage un peu. Je ne suis absolument pas une spécialiste des institutions, ni une observatrice très informée de la vie politique et institutionnelle. Mais je me demande bien pourquoi il était si important de réunir le Parlement à Versailles juste pour écouter un discours de Sarkozy.
S'il était question de révision constitutionnelle, comme ç'a été le cas le 21 juillet 2008, je pense que l'Elysée l'aurait annoncé avant, non ?
Donc, s'il n'est pas question de réviser la constitution, une petite session extraordinaire aurait suffit.
Bon, on peut envisager aussi que la qualité littéraire des discours de Sarkozy et ses indéniables talents de ténor oratoire mérite, de l'avis général, un cadre somptueux et un moment hors du commun.

Je pense, plus prosaïquement, que c'est un signe du style de gouvernement très présidentiel que Nicolas Sarkozy affectionne. En effet, dans la Constitution de la V° République française, le Président ne peut pas s'exprimer de vive voix devant les Chambres, il écrit donc son message sur un petit papier qui ensuite est lu par un tiers (souvent le Président de l'Assemblée ou du Sénat). Or, dans la réforme de la constitution du 21 juillet 2008, il est stipulé que désormais le Président de la République a le droit de s'exprimer devant le Parlement, mais uniquement lorsqu'il est réuni en congrès à Versailles.

Donc, voilà mon avis : le 22 juin, notre Président qui a la banane va faire joujou avec sa nouvelle Constitution en assénant aux pauvres parlementaires qui n'avaient pas signé pour ça un discours au raz des pâquerettes proféré sur un ton suffisant insupportable, et tout ça pour dire : moi je. La politique européenne : moi je. La relance économique : moi je. Les idées et la banane : moi je.
En somme, le gouvernement de la France ? "moi je".

Y m'énerve, mais y m'énerve !...

3 commentaires:

draleuq a dit…

Ah, merci de cette explication, je me demandais ce qu'ils nous racontaient avec leur histoire de "congrès"... Voilà quelque chose que les journalistes pourraient expliquer, plutôt que d'estimer que tout le monde le sait par défaut, sortir des lieux communs et ne pas laisser leurs invités répondre.
Pour Sarko, euh... ben no comment. Comme dab, quoi.

louise miches a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
louise miches a dit…

A nous deux Draleuq, on va le faire tomber, ce quatrième pouvoir !
Sus aux journaleux !