mercredi 27 juin 2007

Christian Charrière : La Forêt d'Iscambe

Je viens de finir ce bouquin, pourquoi pas en dire deux mots ?
Dans un futur qu'on espère lointain, une catastrophe (une bombe qui détruit la vie humaine en épargnant le reste) a fait que notre civilisation a péri. Autour de Paris, ville-morte et mythique, une forêt a poussé, qui s'étend presque jusqu'à Marseille. Les héros de l'histoire sont des hommes d'une civilisation nouvelle, type moyenâgeuse (dirigée par un roi et sans technique, armes, électricité et tout le bordel), un peu druidique sur les bords. Poursuivis par les sbires du Bureau Populaire (sorte de Guépéou qui veut les empêcher de découvrir l'ancienne civilisation -la nôtre, donc), ils vont pénétrer la mystérieuse forêt et voyager jusqu'à Paris, où les énigmes seront toutes résolues.
Ce livre m'a fait fortement penser aux écrits d'Henri Vincennot, comme Les Etoiles de Compostelle ou le génial Pape des escargots, un livre très drôle que je conseille à corps et à cris. On retrouve la même spiritualité un peu chiante (descend en toi-même pour trouver les réponses, la découverte de sa propre voie par le voyage initiatique et les épreuves, etc.), les mêmes personnages, notamment le vieux sage complètement fou, sorte de druide ou de guide.
Le livre de Christian Charrière, sans être le meilleur récit de fantasy que j'ai croisé, est d'une lecture agréable. C'est un moment de détente, ce n'est jamais ennuyeux et parfois drôle. L'auteur fait en effet preuve de pas mal d'imagination et les créatures que l'on rencontre dans cette forêt sont souvent attachantes (j'aime beaucoup la limace géante et le "clapatte" -une sorte de petit elfe- qui apprend à parler mais n'arrive à prononcer que les mots "petit pâté").
Ce que j'ai préféré, ce sont les mots de vocabulaire, inventés ou retrouvés, comme le bourrechoux du marmouset qui m'a bien fait rire. Et pour vous donner un aperçu de ce que ce vocabulaire étrange peut donner, voici un extrait. C'est la première rencontre des héros (des laineux, sorte de secte secrète spirituelle) avec le peuple termite :

Evariste se leva et, se dissimulant dans l'angle de la fenêtre, observa à son tour. Devant lui, à une centaine de mètres, c'était un infini pullulement, une foule, une houle de monstrueux insectes en marche, océan cuirassé, mandibulé, nasuté -une multitude aux pétioles qui tanguaient, aux pattes énervées et crissantes et aux antennes dressées comme ajoncs sur le bord d'un étang. Des centaines, oui, des centaines et même des milliers de termites velus, branlus, aux têtes en seringue, en grabauds, en curnules, des milliers de termites craviphères qui estébaient leurs crakis, ondulaient, bignaient, clafoutaient et strattaient sans relâche. De cette masse crapotante montait jusqu'aux narines des laineux une odeur de vieille outre, de glaise noire, de cave et de champignonnière. En première ligne, précédant de plusieurs longueurs le peuple des soldats et des ouvrières, marchaient trois énormes guerriers dont la taille devait certainement dépasser les deux toises, trois gros boutards hirsutes et cuirassés. L'un était armé d'une tête démesurée en forme de tromblon, l'autre de mandibules évoquant par leur aspect la pince unique et rouge des crabes de cocotiers, le troisième montrant au bout d'un arrière-train mafflu et disproportionné un aiguillon si étincellant qu'on l'eût dit de métal."

Sinon, bon dans l'ensemble, on dirait que l'auteur a lui-même pris l'écriture de son livre comme une farce et un moment agréable, c'est pas tout à fait fignolé, les méchants manquent de profondeur, les passages "historiques" nécessaires assez mal amenés, il y a quelques incohérences et je vous dirais bien que la fin est décevante, mais si je vous dis ça, vous le lirez jamais. Alors que pourtant, ça peut valoir le coup, pour passer un moment chouette et reposant.

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