vendredi 29 juin 2007

Anne-Marie Comparini est certainement une salope...

J'avais lu quelque part que le mot "salope" venait de l'argot des prostituées qui appellaient ainsi les femmes qui se donnaient sans se faire payer, par plaisir... La concurrence déloyale, en fait.
La gent féminine se diviserait en trois parties concurrentes : les putes, les salopes et les bonnes soeurs...

Faites vos choix !

le roman de gare de Claude Lelouch

Quand j'étais ado, j'étais tellement fan d'Il y a des jours et des lunes et de La belle histoire que je m'étais enregistré les dialogues (directement de la télé sur mon vieux balladeur-enregistreur à cassette, viv-e le son, viv-e le son !) et que je me les écoutais dans la cour du collège.


Il m'est resté depuis une coupable lelouchomania qui fait que je vais voir tous ses films, sans jamais les apprécier d'ailleurs. En sortant de la séance, je me dis : plus jamais, oui mais voilà, au Lelouch suivant je me dis systématiquement : allez, quand même, c'est Lelouch, etc. Et on me retrouve à me faire suer dans une salle obscure...


Alors ce coup-ci, c'était "Roman de gare", au Rex. Nous étions 5 spectateurs : un jeune couple, deux copines d'une cinquantaine d'années, et moi, toute seule, comme d'habitude. Autant dire tout de suite qu'il y avait plus d'animation dans la salle que sur l'écran ! Déjà, le jeune couple réussissait le prodige de se bécoter sans vergogne juste sous mes yeux tout en discutant super fort sans interruption... Je me suis longtemps demandée comment ils arrivaient à s'embrasser et à parler en même temps, lorsque j'ai découvert les deux copines assises pas loin. Même la guest-star Moati (dans son propre rôle, of course) n'arrivait pas à les faire taire. Le jeune couple
est parti au milieu du film (mais à mon avis ils étaient un peu jeunes pour aller se finir dans une chambre d'hôtel), ce qui m'a permis de suivre à mon aise la conversation des deux copines.
Elles suivaient/commentaient le film sur le mode "et lui, c'est qui ?", "tu vas voir, je suis sûr qu'il va faire ça", etc. Ce qui m'a permis de constater qu'elles ont dû trouver le film surprenant, car elles se plantaient systématiquement... Ca a mis un peu de piquant à ma séance : essayer de comprendre ce qui se passait sur l'écran, tout en essayant de deviner ce qu'elles comprenaient et ce qu'elles s'imaginaient qu'il allait se passer...
Elles sont parties cinq minutes avant la fin, j'ai fini la séance avec le type du nettoyage qui espérait enfin que je me casse pour finir sa journée...


C'est chouette, un blog, pour raconter sa vie quand on rentre le soir. J'ai plus qu'à prendre un chien pour la présence et je serais une célibataire épanouie...


Bon, bon, il faut que je vous laisse, je vais aller préparer mon sac, demain je quitte Paris jusqu'à mardi. Je vais emmener les mémoires de mes étudiants à corriger au soleil. Là-bas on va certainement organiser un concours de pommettes, les gens que j’y aime sont super fort, mais si certains se sentent d'y participer, envoyez-moi les photos...

mercredi 27 juin 2007

Christian Charrière : La Forêt d'Iscambe

Je viens de finir ce bouquin, pourquoi pas en dire deux mots ?
Dans un futur qu'on espère lointain, une catastrophe (une bombe qui détruit la vie humaine en épargnant le reste) a fait que notre civilisation a péri. Autour de Paris, ville-morte et mythique, une forêt a poussé, qui s'étend presque jusqu'à Marseille. Les héros de l'histoire sont des hommes d'une civilisation nouvelle, type moyenâgeuse (dirigée par un roi et sans technique, armes, électricité et tout le bordel), un peu druidique sur les bords. Poursuivis par les sbires du Bureau Populaire (sorte de Guépéou qui veut les empêcher de découvrir l'ancienne civilisation -la nôtre, donc), ils vont pénétrer la mystérieuse forêt et voyager jusqu'à Paris, où les énigmes seront toutes résolues.
Ce livre m'a fait fortement penser aux écrits d'Henri Vincennot, comme Les Etoiles de Compostelle ou le génial Pape des escargots, un livre très drôle que je conseille à corps et à cris. On retrouve la même spiritualité un peu chiante (descend en toi-même pour trouver les réponses, la découverte de sa propre voie par le voyage initiatique et les épreuves, etc.), les mêmes personnages, notamment le vieux sage complètement fou, sorte de druide ou de guide.
Le livre de Christian Charrière, sans être le meilleur récit de fantasy que j'ai croisé, est d'une lecture agréable. C'est un moment de détente, ce n'est jamais ennuyeux et parfois drôle. L'auteur fait en effet preuve de pas mal d'imagination et les créatures que l'on rencontre dans cette forêt sont souvent attachantes (j'aime beaucoup la limace géante et le "clapatte" -une sorte de petit elfe- qui apprend à parler mais n'arrive à prononcer que les mots "petit pâté").
Ce que j'ai préféré, ce sont les mots de vocabulaire, inventés ou retrouvés, comme le bourrechoux du marmouset qui m'a bien fait rire. Et pour vous donner un aperçu de ce que ce vocabulaire étrange peut donner, voici un extrait. C'est la première rencontre des héros (des laineux, sorte de secte secrète spirituelle) avec le peuple termite :

Evariste se leva et, se dissimulant dans l'angle de la fenêtre, observa à son tour. Devant lui, à une centaine de mètres, c'était un infini pullulement, une foule, une houle de monstrueux insectes en marche, océan cuirassé, mandibulé, nasuté -une multitude aux pétioles qui tanguaient, aux pattes énervées et crissantes et aux antennes dressées comme ajoncs sur le bord d'un étang. Des centaines, oui, des centaines et même des milliers de termites velus, branlus, aux têtes en seringue, en grabauds, en curnules, des milliers de termites craviphères qui estébaient leurs crakis, ondulaient, bignaient, clafoutaient et strattaient sans relâche. De cette masse crapotante montait jusqu'aux narines des laineux une odeur de vieille outre, de glaise noire, de cave et de champignonnière. En première ligne, précédant de plusieurs longueurs le peuple des soldats et des ouvrières, marchaient trois énormes guerriers dont la taille devait certainement dépasser les deux toises, trois gros boutards hirsutes et cuirassés. L'un était armé d'une tête démesurée en forme de tromblon, l'autre de mandibules évoquant par leur aspect la pince unique et rouge des crabes de cocotiers, le troisième montrant au bout d'un arrière-train mafflu et disproportionné un aiguillon si étincellant qu'on l'eût dit de métal."

Sinon, bon dans l'ensemble, on dirait que l'auteur a lui-même pris l'écriture de son livre comme une farce et un moment agréable, c'est pas tout à fait fignolé, les méchants manquent de profondeur, les passages "historiques" nécessaires assez mal amenés, il y a quelques incohérences et je vous dirais bien que la fin est décevante, mais si je vous dis ça, vous le lirez jamais. Alors que pourtant, ça peut valoir le coup, pour passer un moment chouette et reposant.

lundi 25 juin 2007

l'écriture de la recherche : René Lourau

L’écriture de la recherche est toujours un moment très violent. Il est difficile, et souvent décevant, d’écrire ce que l’on pense penser ou pense avoir trouvé. A l’issue de l’exploration d’un sujet, et même si une problématique en béton semble transcender le tout, on a forcément en tête un schéma à au moins trois dimensions. Il peut y en avoir quatre si on rajoute le temps, et cinq si on refuse de fermer les yeux sur " l’intuition ", ce domaine sombre et sensible des rapports entre le chercheur et sa recherche. Et au bout d’un moment, il faut toujours s’y coller, et on se retrouve à suer sang et eau pour aplanir tout ça en deux dimensions, en un raisonnement clair et qui s’enchaîne, alors qu’on préférerait faire des dessins avec des flèches partout, ou au moins pouvoir esquisser un genre de quipu.

J’aime beaucoup René Lourau, pas seulement comme auteur universitaire dont je m’inspire pour mes recherches, mais aussi comme écrivain, tout simplement. Je l’ai découvert par L’Analyse institutionnelle, qui est la publication de sa thèse d’Etat, un peu rude comme première lecture (il reprend Hegel, Castoriadis et Freud…).
Pas découragée, j’ai été éblouie (c’est le mot) par L’Etat-inconscient :

"Courbe-toi, fier Sicambre !" Ici commence, avec la légende de Clovis, roi des Francs, recevant le baptême chrétien, l’histoire de la domination telle que se la racontent dans les collections ad hoc ou en collections de poche les chiens que nous ne sommes pas encore (p. 33) […]
Sous les coups de marteau sauvages de la politique, les rapports sociaux portés à incandescence ont été courbés. La révolte peut les redresser. Le Fier Sicambre ne reste pas toujours sourd à la voix de la résistance qui, en forme de contre-pet, lui propose tout bas de remettre son existence à l’endroit : "Cambre-toi, fier si courbe !" (p. 41)


Disons qu’il est très clair dans ce livre que René Lourau choisit de ne pas réduire sa recherche à l’écriture scientifique, normée : il entraîne le lecteur au long des méandres de sa pensée, sorte de fausse écriture automatique. (Ce qui peut avoir, à la longue, un côté fatiguant. Il semble parfois manquer de rigueur et dissimuler derrière un tour de passe-passe poétique une incertitude du raisonnement. Mais pour ma part, je lui pardonne de bon cœur). Pour la même raison, il fait toujours en sorte que le contexte de l’écriture de sa recherche soit transparent. Le lecteur est ainsi invité à comprendre la manière dont la vie du chercheur influence sa recherche : (toujours dans L’Etat-inconscient, p. 22)

Rêve d’un instrument d’analyse susceptible d’objectiver l’Etat comme lui-même m’objective, combat du pot de terre contre le pot de fer – " Eh ! René, il faudrait éteindre sous la bidoche ! " lance Françoise depuis le premier étage. Je me lève et vais éteindre le gaz ; je reviens m’asseoir à ma machine : comment l’Etat distribue-t-il les rôles conjugaux, les moments de la vie quotidienne, la gestion de la maison, éco-nomie ?

Pour ceux que ces histoires d’implication intéressent, je vous renvoie à un article de René Lourau hallucinant que j’ai trouvé dans BASAGLIA, Les criminels de paix, p. 177, intitulé " Travailleurs du négatif, unissez-vous ! " qui a peut-être été publié aussi dans une revue, il m’avait déjà semblé l’avoir lu quelque part. Cet article a été écrit alors que des travaux étaient en train de se faire dans la nouvelle maison du couple Lourau, alors il y a un plombier, sa femme, les ouvriers du téléphone, etc. Lourau parle d’eux dans son texte, comme une histoire parallèle à côté de sa réflexion et de l’article proprement dit. Mais au fur et à mesure on comprend comment ce contexte incline sa recherche, et à la fin de l’article évidemment il retombe sur ses pieds et là on se dit qu’il n’aurait jamais atteint cette conclusion sans l’intervention de la femme de son plombier…

J’ai rencontré il y a pas longtemps une étudiante qui a fait son DEA avec René Lourau.

samedi 23 juin 2007

Célibataire

(ça y est, c'est mon état officiel... ça arrive même aux meilleurs !)


Mais "Célibataire", c'est surtout le titre du roman-photo que je prépare depuis six mois pour le numéro 5 de notre revue : (sic). Cette nouvelle livraison de (sic) se fait attendre, le rédac'chef temporaire évite soigneusement de nous demander nos textes, étant donné qu'il n'a lui-même pas commencé à écrire...

Alors pour nous motiver tous, voici quelques "bonnes feuilles" de mon roman-photo.

Le texte sera composé en partie d'un poème de Baudelaire, "Le Revenant" :


Comme les anges à l'oeil fauve,
Je reviendrai dans ton alcôve
Et vers toi glisserai sans bruit
Avec les ombres de la nuit,

Et je te donnerai, ma brune,
Des baisers froids comme la lune
Et des caresses de serpent
Autour d'une fosse rampant.

Quand viendra le matin livide,
Tu trouveras ma place vide,
Où jusqu'au soir il fera froid.

Comme d'autres par la tendresse,
Sur ta vie et sur ta jeunesse,
Moi, je veux régner par l'effroi.


Et sera illustré en partie par des photos en noir et blanc. Voici quelques extraits de la série que j'ai prise (oui, la bannière en faisait partie aussi !).













A vous maintenant ! Au boulot !

vendredi 22 juin 2007

soirée écossaise (troisième partie)

Nous sommes donc à Paris. Une traditionnelle bande d'amis avait prévu de se réunir pour une soirée à thème -une soirée écossaise. Seulement, ils rencontrent quelques difficultés pour se réunir, la Commune de Paris semblant vouloir ressusciter...
Nous avions laissé Antoine, Louise et Ernesto dans l'escalier pour descendre en manif, Jay dans les embouteillages, Xuc dans une cabine téléphonique et Fried au bistrot...


La petite horde déboule dans la rue, pleine d’enthousiasme, Antoine en kilt, Ernesto jouant du mélodica (piqué à sa petite sœur), dans de vaines et pitoyables tentatives pour le faire passer pour une cornemuse. La rue est vide. Personne. Chose plus curieuse encore, les bagnoles sempiternelles garées sur le trottoir sont parties elles aussi. Sauf deux ou trois, tellement pourries qu’on se demande si elles ont un propriétaire. La pluie est maître du pavé. Et elle ne s’en prive pas, ruisselante, battante et rabattante.

Sans perdre leur allant, les trois camarades se dirigent vers les boulevards qui mènent à République. Au fur et à mesure qu’ils se rapprochent de ces fameux Grands Boulevards, les rues commencent à se peupler. Des gens ici ou là, qui marchent, qui bravent la pluie. Des groupes aussi, qui marchent, qui hurlent pour discuter par-dessus le bruit de la pluie. Atmosphère genre rassemblement pacifiste à la place de la Concorde. Rien de bien révolutionnaire. Louise se sent légèrement ridicule en tenue de casseur. Bah, elle trouvera bien un black bloc en route…

Ils sont arrivés sur les Grands Boulevards. Remplis de quidams, vides de voitures. Tous les Parisiens motorisés semblent avoir quitté Paris. Ernesto explique qu’il a un pote sur le périph ouest, et qu’ils ne laissent passer aucune caisse intra muros. Par contre, ils laissent sortir… Anticolbertisme… Tout ça fait que le vieux cri " Paris est à nous " pétille au fond de la gorge de chacun sur les Grands Boulevards ce soir-là.

La scène est fantomatique. Les gens sont tous dehors, nombreux, ils marchent, courent, chantent et crient certainement, mais le bruit torrentiel de la pluie annihile le moindre son, et ne permet qu’une visibilité réduite… Tout est gris, sans odeur et sans bruit.

Sans bruit ? Ernesto et Louise dressent l’oreille, il leur semble reconnaître une chanson familière… Air connu : c’est la Marseillaise anticléricale ! Ils se retournent vers l’origine de ce bruit formidable qui surpasse celui de la pluie, s’attendant à trouver au moins les All Blacks et l’Armée Rouge, seuls à pouvoir sortir de leurs coffres un son plus puissant encore que celui de la colère du ciel.

A leur grand étonnement, leur stupéfaction, ils reconnaissent à travers les rideaux de flotte leur vieux Fried, la bouche ouverte, les bras levés et les doigts de la main gauche tendus en signe de victoire. L’autre main tient une bouteille d’une anisette bien connue. Et autour de lui s’agglutine la chorale la plus improbable jamais montée. Quelques clochards, de divers âges et diverses tailles, plus des paumés semi-clochardisés, quelques êtres étranges en voie de clochardisation, et des ivrognes à moitié clochards, et aussi bien sûr plusieurs clochards complètement ivres.

Et au milieu de cet échantillon, Fried, toujours élégant, exulte, chante et luit, rouge à faire peur, seule tâche de couleur sous cette pluie, grise, grise.

Le spectacle est magnifique. Louise et Ernesto décident d’un commun accord d’attendre la fin de la chanson avant de briser le charme. Antoine n’y voit rien à redire. Parmi le flux humain de plus en plus serré qui se dirige vers République, nombreux sont ceux qui s’arrêtent un instant, bouche-bée, pour contempler le tableau. Certains rigolent, mais sans méchanceté. Beaucoup repartent en remuant les lèvres, semblant fredonner une chanson, répétée à l’envi et démultipliée, que même l’orage devra bien finir par laisser entendre…

A la fin du dernier couplet, Fried laisse retomber ses bras et baisse la tête en un salut très class. Ca lui fait perdre l’équilibre, ce qui est dommage, mais Ernesto le rattrape, ce qui limite les dégâts.

Louise s’approche à son tour, elle commence à l’engueuler sec pour son retard. Mais Fried pose ses mains sur ses épaules, la regarde un long moment.

- Je vais t’expliquer quelque chose que tu ne sembles pas comprendre, Mademoiselle.

Il redresse la tête, bravant la pluie et l’orage, et hurle :

- Citoyens ! La patrie est en danger ! Des troupes nombreuses s’avancent vers nos frontières. Tous ceux qui ont en horreur la liberté s’arment contre notre constitution !

Louise comprend alors de quoi il retourne… Inutile d’insister. Fried lève le bras, écarte sa veste et ouvre sa chemise pour se dénuder le torse :

- Citoyens, la Patrie est en danger ! Que ceux qui vont obtenir l’honneur de marcher les premiers pour défendre ce qu’ils ont de plus cher, se souviennent toujours qu’ils sont Français et libres !

Ils se dirigent tous ensemble vers la place de la République, que l’on pourrait presque apercevoir d’ici s’il ne pleuvait pas. Au départ suivis, entourés, précédés et disons… comme transcendés par la crème des fidèles de Fried, toujours chantant, ils font sensation. On s’écarte sur leur passage, on leur fait des haies d’honneur, on les applaudit. Antoine se cache, rongé par la honte. Fried est rayonnant, marche en tête. C’est lui donc le premier de nos héros à mettre le pied sur la place de la République, en cette soirée d’insurrection.

La place est remplie comme pour un de ses meilleurs premier Mai. Des milliers et des milliers de personnes, serrées les unes contre les autres, se tiennent chaud sous la pluie froide qui ne parvient plus à pénétrer cette étendue humaine.

Notre petit groupe s’organise, s’accroche par les vêtements, les cheveux, les ceintures, pour ne pas se perdre. Fried entame son répertoire de chansons politico-paillardes sous la III° République (mais où va-t-il chercher tout ça ?) et rien ne le fera plus revenir dans ce monde-ci.

Rien, à part peut-être une voix familière qui le hèle depuis l’entrée de la rue du Temple :

- Fried ! eh ! Fried, mon vieux ! on t’entend depuis l’IRCAM !

C’est Xuc, évidemment, qui a décidé d’envoyer balader et Jay et la cabine téléphonique pour faire ses premiers pas dans le vaste monde insurrectionnel et suivre la petite manif du Centre Pompidou qui rejoignait, comme les autres… la place de la République.

- Tiens... Ci-devant Citoyen Xuc… tu viens d’où ? Du Camp de Jalès ?
- Bah, non… des Halles…
- Hum… et tu peux prouver que tu n’as pas signé le manifeste de Pilinitz ?
- Qu... Quoi ?… Louise ! Ernesto ! Vous avez pas vu Jay ?
- Salut Xuc, tente Antoine.
Louise :
- Il est encore plus en retard que toi, bravo !
- Non, mais attends… je t’explique, mais… Fried, il va bien ?
- Laisse, nous aussi on t’expliquera… Toi d’abord, déroule tes excuses !
- Attends, c’est pas ma faute ! j’étais coincé dans une cabine devant le Centre Pompidou, et donc j’ai appelé Jay et cet enf…

Pendant que Xuc raconte ses péripéties à ses amis retrouvés, le petit groupe avance tant bien que mal. Ils essaient de ne pas perdre Fried de vue, qui semble avoir pour objectif un peu fou de traverser la place de part en part.

- Il va où, là ?
- Bah… à la Bastille…
- A la Bastille ? Pourquoi ?
- Laisse, on t’expliquera…

Fried tente vaillament de frayer un chemin parmi les ultras de l’AFUB (Association française des usages de banque –(sic)-) qui, par réflexe corporatiste sans doute, se sont regroupés serrés serrés. On les entend chuchoter des trucs cabalistiques, genre de secrets d’initiés sans doute. Que peuvent-ils se raconter d’autre ?

Après avoir atteint non sans mal l’autre extrémité de la place, on respire un peu mieux sur le Boulevard du Temple. Grisés par l’espace et l’oxygène, le petit groupe se met à courir. Fried et ses vaillants guerriers du zinc suivent en se rajoutant un handicap : ils doivent passer entre les gouttes… Avec son mélodica, Ernesto imite plus ou moins le mégaphone des leaders trotskistes, et on a pu voir, de la place de la République à la place de la Bastille, notre petit groupe s’amuser à s’arrêter, s’accroupir, sauter et courir sur un simple geste du type au mégaphone, comme aux plus riches heures des manifestations étudiantes.

A à peine 100 mètres de l’entrée de la place de la Bastille, alors qu’Ernesto motivait ses troupes pour un baroud d’honneur et un sprint final, une petite voiture blanche, modeste mais elle pète quand même, déboule à toute allure d’une rue adjacente, et s’arrête en dérapage contrôlé à 4,5 cm de Fried, qui se vote une lampée d’anisette pour s’en remettre.

C’est Jay, évidemment. Le Tout-Paris l’aura reconnu. L’Aldo Maccione de l’électroménager international se penche par la fenêtre :

- Bah, Xuc, quoi ! Je te cherche partout depuis les Halles ! Grouille-toi de monter, j’ai pas le droit de stationner ici !
- Monter ? pour aller où … ?
- Quoi ? La soirée écossaise est annulée ?

Quelques explications plus tard, Jay est allé garer sa caisse dans le parking privé d’une jeune femme de sa connaissance, non loin de là, rue Voltaire.

- oui, c’est quelqu’un de fort serviable. Elle me laisse garer ma voiture dans son parking quand je le désire.

Secrètement, Antoine admire Jay, et soupire. Ce qui énerve Louise aussitôt :

- En route, Ernesto ! Fried ! Mobilise ta chorale, on part à l’assaut de la Bastille !
- Sus à l’Autrichienne !

D’un même élan fraternel, se touchant de l’épaule et se poussant du coude, Jay le premier évidemment, mais en se forçant à ralentir pour ne pas trop les distancer, et, légèrement en arrière, Xuc qui traîne Fried qui commence à fatiguer un peu, les six amis et leur sillage d’ivrognes se ruent vers l’aboutissement du boulevard, et déboulent sur la place de la Bastille.


Et stop. Instantané. Tout se fige, quatre ou cinq secondes. Ils sont suspendus en l’air, ou sur un pied, incapables de bouger.
Pendant ce bref moment, ils n’ont rien vu, rien entendu et rien senti. Tout était gris.
Et puis ils retombent, reprennent pied sur le macadam parisien. Enfin, au lieu du macadam, ils atterrissent sur de gros pavés mal dégrossis, où Xuc manque de se casser la cheville.

- Tiens ! il ne pleut plus ! remarque Antoine, alors que se dresse devant eux, à la place de la place en quelque sorte, un bâtiment en pierre, avec des tourelles aux coins, reliées par des murailles hautes d’une vingtaine de mètres au moins, avec des créneaux, des douves aussi larges que les murailles sont hautes, un château en somme. Presque un château écossais.

Le ciel est d’une vague couleur verte qui donne à leur visage un teint encore plus blafard, plutôt inquiétant. Ils se regardent, sans oser parler tellement l’air est silencieux.

- Tiens ! où sont passés les ivrognes ? demande Antoine. Ils ne sont plus avec nous !

L’air est silencieux et lourd, certes, mais avec comme une vague rumeur en bruit de fond.

- ça fait comme du bruit blanc amplifié, avance Xuc, histoire que quelqu’un dise enfin quelque chose.

Ses paroles résonnent bizarrement dans l’épaisseur de l’air qui les enserre comme dans une pièce insonorisée, semblant laisser se répandre le son à contre-cœur.

Nullement impressionné par le changement brusque de décor, Fried achève sa dernière bouteille, rote un coup et la balance par-dessus son épaule. Elle explose sur les pavés sans faire plus de bruit que si elle était tombée sur un tapis.

- Bon, on y va ? Elle est là, la Bastille, devant nous ! On attend quoi ? De devoir courir jusqu’à Varennes ? Sus à l’envahisseur ! Sus à la Bastille ! Je vote la mort du roi et vive la Sociale !

Les quatre autres se regardent : La Bastille !
Antoine, lui, regarde la Bastille et s’interroge :
- la Bastille ?


Mais où ont-ils donc atterri ? Que vont-ils découvrir dans ce lieu hors du temps, et hors des règles de la physique, comme dans toute nouvelle de Lovecraft qui se respecte ? C'est à ce moment qu'on dit : à suivre...

mercredi 20 juin 2007

Eloignez vos enfants : "Il pleut, il pleut bergère"


En ce moment, je tente d’écrire la suite de ma minable Soirée écossaise.
Si vous avez suivi jusque là, Fried se croyant revenu au temps béni de la guillotine, je me penche un peu sur notre histoire contemporaine, en général (mais ça c’est normal chez moi) et la période révolutionnaire en particulier (ce qui est plutôt nouveau), pour trouver des sources d’inspiration.

On découvre parfois des choses étonnantes sur lesquelles on a envie de s’attarder.
J’ai découvert par exemple que la chanson " Il pleut, il pleut bergère " datait de là. On en connaît les compositeurs, ce qui est plutôt rare pour l’époque. La musique, c’est Victor Simon, un violoniste, qui s’y est collé, et les paroles sont de Philippe Fabre d’Eglantine (oui, oui, le même génie qui a inventé les noms de mois du calendrier révolutionnaire. Les thèmes champêtres, son obsession…). Notons qu’il a été guillotiné en 1794.
La chanson semble dater du début des années 1780, et elle devient rapidement célèbre. C’est LE tube de l’été 1789. Il paraît même que lorsque la Garde Nationale est créée, on célèbre cet événement sur l’air de " Il pleut il pleut bergère ". Et P. Fabre d’Eglantine l’aurait fredonné en montant à l’échafaud, mais ça c’est moins sûr.

L’été dernier, j’étais en vacances ici :



avec des amis et une bande d’enfants. Ils ont chanté " Il pleut il pleut bergère ", ils n’en connaissaient, comme la plupart d’entre nous, que le premier couplet. J’ai fait remarquer à un copain papa que je trouvais une signification sexuelle très claire dans ce premier couplet. Sans railler ni ma perversité ni mes obsessions, il a gentiment admis que, peut-être… il avait jamais vu ça comme ça… avant d’éloigner ses enfants de moi !

Non, je rigole, mais déjà, le thème de la bergère est un motif qui revient souvent dans les chansons légères ou paillardes voire dans les gentilles histoires d’amour champêtre. Symbole de pureté et de naïveté, la bergère est une jeune fille à qui on fait volontiers un brin de cour qui se termine parfois dans le foin…

Je trouvais aussi que les blancs moutons, l’invitation à aller se protéger de la pluie dans la chaumière et l’éclair qui luit… tout ça n’avait pas un air très catholique. Et surtout cette tension électrique introduite par l’orage…
(Quoiqu’il faudrait en finir avec cette expression " c’est pas très catholique " : la bergère est aussi un symbole catholique –cf. Jeanne d’Arc, Rachel et toute la clique- mais cela n’empêche pas d’être un objet de fantasmes populaires. Les deux vont ensemble à mon avis. J’y reviendrai si je trouve d’autres informations sur le sujet…)

Bref, au final, la lecture de la suite des paroles me donne complètement raison… (à moins qu’une fois encore je ne déforme tout !)
Le type l’emmène chez lui (air connu… un dernier verre, ma bergère, etc.), une petite lueur égrillarde s’allume donc dans l’œil de l’auditeur…
Mais finalement arrivent les chaperons, la mère et la sœur. On peut rapprocher les enfants du poste.
Puis à nouveau on a un doute : ces personnages féminins vont carrément aider le fils à prendre soin du petit agneau de la bergère, qui se retrouve alors en sous-vêtements !
Notons tout de même que le dernier paragraphe tente de sauver l’honneur in extremis mais qu’il ne trompe personne ! Surtout après la scène torride du repas où en dépit des efforts du gars, la belle se refuse à goûter le laitage, qui vient sûrement du bâton de mélèze qu’il exhibe, brûlant, devant elle.

Mes enfants écouteront Renaud, c’est pour leur bien.


Il pleut, il pleut bergère,
Rentre tes blancs moutons.
Allons à la chaumière,
Bergère, vite allons.
J’entends sous le feuillage
L’eau qui tombe à grand bruit
Voici venir l’orage,
Voici l’éclair qui luit.

Entends-tu le tonnerre ?
Il roule en approchant.
Prends un abri, bergère,
A ma droite en marchant.
Je vois notre cabane
Et, tiens, voici venir
Ma mère et ma sœur Anne
Qui vont l’étable ouvrir.

Bonsoir, bonsoir, ma mère.
Ma sœur Anne, bonsoir.
J’amène ma bergère
Près de vous pour ce soir.
Qu’on mène dans l’étable
Ses brebis, ses agneaux.
Et mettons sur la table
Laitage et fruits nouveaux.

Soignons bien, ô ma mère,
Son tout joli troupeau.
Donnez de la litière
A son petit agneau.
C’est fait. Allons près d’elle.
Eh bien ! donc, te voilà ?
En corset, qu’elle est belle.
Ma mère, voyez-la.

Soupons. Prends cette chaise.
Tu seras près de moi.
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi.
Goûte de ce laitage
Mais… tu ne manges pas ?
Tu te sens de l’orage ?
Il a lassé tes pas.

Eh bien ! voilà ta couche ;
Dors-y bien jusqu’au jour.
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d’amour.
Ne rougis pas bergère.
Ma mère et moi, demain,
Nous irons chez ton père
Lui demander sa main.

mardi 19 juin 2007

le jeu du texte caché (2)


Mon précédent texte semblait trop facile...
En voici un deuxième, légèrement plus difficile :


Il a mis l’objet
Dans mon âme
Il a mis le matin
Dans l’été du détour
Il a mis le sentier
Dans la charogne au lit
Avec les petits cailloux
Il a tourné
Il a bu les jambes à la femme
Et il a reposé les poisons
Sans me parler
Il a allumé
Une façon
Il a fait des ventres
Avec les exhalaisons
Il a mis le soleil
Dans la pourriture
Sans me parler
Sans me regarder
Il s’est levé
Il a mis
Sa Nature sur le ciel
Il a mis
Sa carcasse de fleur
Parce qu’il pleuvait
Et il est parti
Sous la puanteur
Sans une herbe
Sans me regarder
Et moi j’a pris
Mes mouches dans mon ventre
Et j’ai pleuré.

lundi 18 juin 2007

le jeu du texte caché

J’ai trouvé une nouvelle idée de jeu les copains !
(Enfin, en vrai, c’est à
Tant-bourrin que je la pique…)
Donc, je résume le principe : sur le modèle d’un poème très connu (et j’ai choisi ici "Déjeuner du matin" de Prévert, extrait de Paroles, faisons dans le classique), on remplace les substantifs (les noms communs, quoi) par ceux d’un autre texte.
Et le jeu, évidemment, est de retrouver quel est cet autre texte.



Voici d’abord le poème original :

Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s’est levé
Il a mis
Son chapeau sur la tête
Il a mis
Son manteau de pluie
Parce qu’il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j’a pris
Ma tête dans ma main
Et j’ai pleuré.


Et voilà maintenant le texte modifié. C’est facile, j’ai scrupuleusement respecté l’ordre des substantifs du texte caché, leur genre et leur nombre.
Je vous dirai bien que le premier qui trouve a gagné toute ma considération, mais c'est trop facile, alors disons que celui qui ne trouve pas a un gage : par exemple, me faire un résumé commenté des commentaires des principaux membres de tous les partis politiques représentés à l'Assemblée suite au résultat des législatives de dimanche...


Il a mis le jeune homme
Dans les choses
Il a mis le ton
Dans l’exemple de monsieur
Il a mis le nez
Dans la tasse au hanap
Avec le petit roc
Il a tourné
Il a bu le pic au cap
Et il a reposé le cap
Sans me parler
Il a allumé
Une péninsule
Il a fait des capsules
Avec l’écritoire
Il a mis les boîtes à ciseaux
Dans les oiseaux
Sans me parler
Sans me regarder
Il s’est levé
Il a mis
Son perchoir sur leurs petites pattes
Il a mis
Son monsieur de vapeur
Parce qu’il pleuvait
Et il est parti
Sous le tabac
Sans un nez
Sans me regarder
Et moi j’a pris
Mon voisin dans mon feu
Et j’ai pleuré.


Alors ? alors ?

Je trouve que Prévert se prête assez bien à ce genre d’exercice (à cause d’Inventaire), mais on peut imaginer un autre texte… Je vais voir.

dimanche 17 juin 2007

Allez les filles !

Ma mère, qui est " montée " à la capitale pour quelques jours, est en train de lire un livre intitulé " La Femme fatale ", écrit par deux journalistes du Monde, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin. C’est un livre sur Ségolène Royal. Ca fait partie de ces livres de journalistes, toujours en prise sur l’actualité politique (donc, en comptant les délais d’édition, d’impression et de distribution, certainement écrits en une semaine…), qui m’ont toujours fait m’interroger. Déjà, que quelqu’un rentre dans une libraire et en ressorte avec ça…
Mais qu’est-ce que ces journalistes/écrivains peuvent bien avoir à raconter dans un bouquin qu’ils ne peuvent le faire dans les journaux ? Comment parviennent-ils à diluer trois cent pages sur un sujet d’actualité sans pondre un paragraphe d’analyse sociologique ou politologique un peu sérieuse ?


Je vous renvoie sur le très bon site d’Acrimed pour la réponse à ces questions…
Un site de critique des médias, qui réussit à être à la fois drôle et sérieux (l’association est animée par mon ancien directeur de maîtrise, Henri Maler, des cours duquel je me souviens avec le même enthousiasme !).


Donc, ma mère bouquine ce truc, et elle m’a dit qu’il y est écrit qu’il paraîtrait que si S. Royal s’est présentée aux présidentielles, c’était à cause d’une aventure extra-conjuguale de son compagnon. Ma mère m’explique qu’étant sa compagne (Ségolène, pas ma mère... quoique...), elle avait passé son temps à le pousser, à le mettre en avant, à s’occuper des gosses et de la maison, à prendre sur sa carrière à elle pour booster sa carrière à lui, etc. Il saute une journaliste, elle l’apprend, elle s’énerve et se dit : Il ne s’occupe plus de moi, très bien, moi je vais m’occuper de moi.
Et au final, c’est elle qui est choisie pour représenter le PS…


Je parlais l’autre jour à un copain de mes projets professionnels, et il a souligné ce qu’il a appelé l’autosélection féminine… Ces sociologues dont il fait partie ont démontré que non seulement les femmes avaient des handicaps professionnels externes (machisme inhérent au monde du travail), mais qu’en plus elles se cantonnaient volontairement à un rôle de second plan, et ce principalement lorsqu’elles étaient en couple.


Jusqu’à ce que le mec pousse le bouchon un peu trop loin…


Allez les filles !


Un petit dossier un peu plus complet sur ces questions.

PS : un article de Libé signale que le couple Royal-Hollande a attaqué ces deux journalistes en justice pour "atteinte à l'intimité de leur vie privée, comme à leur honneur et à leur considération", selon leur avocat. Je tiens à informer J. P. Mignard que je faisais juste ici quelques remarques d’un ordre beaucoup plus général que la vie privée de ce couple dont je me contrefous au final (sauf quand ils engagent le pays, du coup, où est la limite entre l’atteinte à la vie privée et le devoir d’information des journalistes ?… à faire quand j’aurais le temps : analyse comparée sur trois mois du Monde et de Paris Match)


Tiens ! le blog de D. Schneidermann & co signale qu’un livre était prévu sur le couple Sarkozy, mais qu’il a été pilonné par l’éditeur...


Re-tiens ! " Femme fatale " semble être aussi un (mauvais) film " lesbien " de B. De Palma… c’est quand même pas ça la solution ? ?

samedi 16 juin 2007

Ni Dieu, ni marteau sans Maître

J'avais posté ici une petite chanson de Xuc en 8 bits, "The Game is on". Je lui avais aussi suggéré d'écrire quelques mots, pour présenter sa démarche artistique (tu vois, quôaa...). V'là-t-y pas qu'il se met à raconter sa vie...
Ces amis sont les personnages des histoires que j'écris, ils m'ont fait les bannières (celle-ci est de Fried), et maintenant ils m'écrivent mon blog !
Comme chantait Brassens "Avoir un bon copain... etc."
Renaud a fait le même genre avec "Si t'es mon pote", mais bon, on va pas s'attarder...

Des idées j'en ai, j'adore en avoir d'ailleurs. Mais quand il s'agit de les réaliser... pfffiiiooou...
Ainsi en va-t-il de ce projet de programmer un petit jeu 2D en java.
Remarquez pour une fois c'est pas par manque de motivation mais par manque de connaissances en informatique. Ok pour faire un copier/coller ou double-cliquer sur un fichier je déchire grave, c'est incontestable. Mais quand il s'agit d'aligner des mots incompréhensibles, de mettre des accolades n'importe où, de gérer des classes avec leurs méthodes et les machins fonctions bidules chose c'est une autre paire de manche. Donc à moins que je fasse de nouveau appel à mon génie légendaire le projet tombe à l'eau.
En revanche je suis un peu musicien et je sais utiliser le midi. Donc chose inouïe, je me suis mis à chercher le moyen de composer la petite musique qui accompagnerait mon improbable jeu. Ayant fini par trouver le plug-in de mes rêves je n'ai alors pas pu résister à l'envie de mettre la charrue avant les boeufs et le résultat est ce petit morceau fait à l'arrache et extrêmement irritant pour les tympans.
Enfin Louise m'assure qu'elle aime bien. Difficile à croire mais signalons tout de même que Louise aime aussi Renaud.
Bref il n'y a dans ce morceau nul bon goût musical, nulle prouesse technique ou imaginative et surtout : nulle originalité. Eh bien oui cette petite merdouille n'aurait sans doute aucun intérêt si elle ne nous invitait pas à découvrir le petit monde trashement rigolo de la musique 8 bits.
Musique 8-dits vous bites ? Kezako ? Ah eh bien mesdames et messieurs je vous invite à lire la suite pour le savoir, promis j'arrête de raconter ma vie.
Vous vous rappelez de la musique qui vous niquait les oreilles et vous poussait à couper le son lorsque vous faisiez évoluer votre plombier dans un monde de pixels made in Game Boy ? Eh bien figurez-vous que cette horreur sonore est à l'origine d'un mouvement musical un peu déjanté que l'on nomme chiptune, chipmusic ou encore micromusic, au choix. J'appelle ça musique 8bits pour ma part (parce que j'en ai envie).
Difficile à croire mais une poignée de gentils cinglés à travers le monde traduisent leur nostalgie du vieux son de la console vidéo de leur enfance en composant de la musique avec. Peut-être aiment-ils Renaud également, je l'ignore, mais toujours est-il que l'on peut désormais aller voir en concert des bandes d'allumés maniant leur vieux game boy muni de cartouches piratées pour faire de la musique en temps réel. Bon il n'y a pas que des game boy mais je trouve que c'est le must quand même, ne serait-ce que pour l'allure des artistes penchés dessus sur scène.
Bref de là naît une musique que l'on peut sans doute qualifier de techno dans la grande majorité des cas. Mais ne soyons pas réducteur, il y a de tout. L'idée étant juste d'utiliser les sons simples et très limités qu'offraient les vieilles consoles vidéo d'antan afin de faire vibrer la fibre nostalgique, la façon d'organiser ces sons reste libre et donc tout est permis. Notons à ce propos l'intérêt de la musique populaire pour la recherche incessante de nouvelles sonorités. La deuxième partie du XXe siècle est un petit bijou pour cette raison et, si nous sommes passés par des moments difficiles tels que les années 80 (brrrr) nous avons aussi eu nos moments de joie. Boulez ne le comprendra jamais, c'est pas grave, ni dieu ni marteau sans maître !
Mais je ne suis pas journaliste et je ne saurais vous parler davantage de cette joyeuse bande de tordus et de leur musique.
Donc pour finir, laissez-moi vous donner quelques liens.
L'internaute avisé sait qu'il doit commencer par wiki lorsqu'il cherche à découvrir une partie du monde qui lui est encore inconnu, aussi je vous renvoie ici :http://en.wikipedia.org/wiki/Chiptune
Ensuite, pour vous en mettre plein les oreilles je vous conseille ce site qui vous servira en plus de référence si vous voulez creuser un peu plus : http://www.8bitpeoples.com/
Pour la suite, si comme moi vous n'êtes pas rassasié, je vous mets quelques vidéos. Il y a notamment un extrait de l'émission Paris Dernière qui vous permettra de constater que la France n'est pas à l'abri des attentats 8 bits. Je ne regarde pas cette émission mais à voir cet extrait j'y vois du sous-Tracks (Arte). Zut Tracks a bien dû faire un sujet là-dessus d'ailleurs !http://www.dailymotion.com/jambonbill/video/x292ar_parisderniere
Bon et puis quelques conneries savoureuses par ici :http://www.dailymotion.com/related/1968735/video/x17w4u_microcolorado/1
Et suivez les liens youtube !
http://www.youtube.com/watch?v=H8OejijpXV0
http://www.youtube.com/watch?v=ASrebSnKpmU&mode=related&search=
Sur ce je vous laisse, je sais que je suis un piètre chroniqueur mais j'espère au moins vous avoir amusé ou vous avoir donné l'envie de vous goinfrer de chipmusic en surfant au gré des liens internet.
8-bitement vôtre,
Xuc.

mercredi 13 juin 2007

le baise-en-ville

Un bien joli mot de vocabulaire qui a tendance malheureusement à disparaître.

Jay me faisait remarquer qu'il aimerait bien que je retourne un peu plus, dans mes histoires et en ce qui le concerne, à la lettre de cette expression...

Mais qu'est-ce exactement que le baise-en-ville ?

C'est un sac, assez petit pour être porté à la main sans difficultés, et assez grand pour contenir tout ce qu'il faut pour passer la nuit hors de chez soi (pyjama, brosse à dents, sous-vêtements de rechange, préservatif ?).

Ce n'est pas un mot qui relève du champ sémantique de l'argot, ou une expression populaire. On peut parfaitement l'employer donc au cours d'un dîner-en-ville...
Contrairement à ce qu'il pourrait évoquer dans l'esprit de notre préparateur de lit national (et repenti, semble-t-il, mais ça c'est lui qui le dit), ce mot, lorsqu'il était encore employé (vers les années 1930, selon les infos glanées ici ou là), n'avait pas forcément un rapport très direct avec un quelconque acte sexuel légitime ou non (voire dans le même genre le suivez-moi-jeune-homme, petit nom du ruban que les femmes portaient à leur chapeau et qui volait derrière elles lorsqu'elles marchaient dans la rue), avait donc perdu ce côté salé qu'on aime tant (à moins que ce ne soit le sexe lui-même qui se déssale au fur et à mesure qu'on en parle -ou qu'on le pratique).


Rien de sexuel, on vous dit ! d'ailleurs, sur e-bay, on propose à nos chers bambins d'en offrir un à leur papa pour la fête des pères (la preuve ici)


Mais il n'empêche que l'expression est évocatrice. Une petite recherche sur google m'a appris que baise-en-ville était aussi un site, qui semble être une sorte de portail échangiste québécois, sur lequel, vous pensez bien, je ne me suis pas attardée, d'une part parce que le Québec, c'est un peu loin, et d'autre part parce que le site ne semble plus mis à jour...
Le côté salé dont nous parlions a inspiré aussi l'équipe de bancs publics dans sa description d'un groupe de musique, Baise en ville, plus connu (?) sous le petit nom de BEV... :
Baise en ville à commencé en 2002, dans une cuisine du XVIII ème arrondissement, à Paris. Il s'agit de Zones bruitales, Zones fangeuses, plate-bande, passages cloutés, ravins, Minuscules, velues. "le son de BEV part à priori de matières, de sensations opposées qui finissent étrangement par se lier entre elles et se confondre : leur "musique" est à la fois sèche et humide, brutale et douce, bouillonnante, concrète et baroque..."
sans commentaire... (qui veut bien se coller à la dernière oeuvre de Xuc, ce petit morceau en 8 bites -on y revient...- pour nous en pondre une description aussi alléchante ?)
Et chez nos voisins étrangers, a-t-on prévu ce genre d'outil indispensable pour passer la nuit hors de chez soi ?

Les espagnols ne disposaient que du terme "maleta", rien de bien glorieux. Ils se rattrapent un peu avec la "bolsa de fin de semana", bien que le terme ne soit pas assez explicite pour nos esprits français égrillards...

Et les italiens, alors ? ils ont sûrement prévu le coup ! "ventiquattrore" (24h), misère... c'est donc une spécificité française...

Je suis allée voir chez les Anglais aussi, par acquis de conscience et ne m'attendant pas trop à être surprise, et à vrai dire je ne l'ai pas été : overnight bag, que l'on traduit plus souvent par "sac de voyage"...

Quant à mon dictionnaire d'allemand, il reste complètement muet sur la question...

Allez, après cette petite leçon, un peu de relaxation, avec les paroles comme toujours tendres et de bon goût, d'une chanson de Serge Gainsbourg :



Dispatch box

Je prends mon baise-en-ville
J'me tire à Delta Ville
Avec mon
Dispatch box

J'ouvre l'attaché-case
Et j'oublierai tes treize
Ans dans mon
Dispatch box

Je prends mon baise-en-ville
Notre amour ne fut-il
Qu'une tringle futile
Dans le Bronx y a des box-
Ons de rêve
j'y trouverai un peu d'ox-
Ygène

Je prends mon baise-en-ville
Je t'ai loupée poupée
mais quoi qu'il
En soit j'entrouvre l'attaché-case
Je n'ai que l'avant-goût d'la glaise

Je prends mon baise-en-ville
Tout ça tourne au vinyle
Hélas tes nibars mon hot-dog
Et tes dragues et tes drogues
Ça suffit

Je prends mon baise-en-ville
J'y mets Chessman Karyll
Car il a sa place j'ouvre l'attaché-case
Moi des baises j'en ai
Treize
A la douze

Je ferme mon baise-en-ville
Cà t'fait chier tu t'épiles
Les poils pubiques
Ras l'cul de toi
Cinq ans d'légion étrange
Serait-ce pire que toi
L'étrangère


Ps : y a-t-il un rapport à propos de cette chanson entre la présence d'un homme (certes patibulaire, mais présentant beau quoique sentant fort le Ricard), aux abords de nos collèges (plus rarement des lycées) et la fascination de Fried pour les Etats-Unis ?

mardi 12 juin 2007

chouette, une nouvelle bannière (ter)


et m...

même celle de Jay elle est chouette...





mais il y a un risque de disqualification car je ne crois pas qu'elle bouge... (en tout cas, chez moi ça bouge pas, on ne voit que l'originale, et la copie déjà pâle est en plus passée à la trappe !)
Quel dommage, Jay ! il semble que tu te sois fais suer pour rien... En tout cas, tous mes remerciements et les bravos pour l'originalité (mais le monde moderne tu sais n'aime pas l'originalité)...

J'avais parlé de principe de bannière tournante, je crois que c'est ce que je vais faire (à moins que vous ayiez une solution pour vous départager ? au caps ?)

lundi 11 juin 2007

soirée écossaise, deuxième partie

Et voilà la suite de l'histoire, que mes trois lecteurs (deux ?) attendent avec une impatience non dissimulée (je suis très perspicace...). J'ajoute ici à l'attention de ces lecteurs et des éditeurs potentiels, que c'est une histoire inventée presque au fur et à mesure, et qu'elle sera soumise à des retouches d'ordre général lorsqu'elle sera terminée.
Sur ce, bonne lecture !


La pluie tombe de plus en plus dru. Même les traditionnels clodos des Halles ont disparu. Quelques passants courent ça et là vers des abris provisoires ou définitifs à défaut d’auspices meilleurs, le vent qui se lève donne à l’ondée une allure de vague, une forme de rideau, ou de… Réfugié dans la cabine téléphonique, Xuc a vaguement le blues. Ses fantômes se sont fait la malle avec le dernier carré de ciel bleu, et la cabine téléphonique a une fuite dans le toit. Il reçoit des petites gouttes sur la tête, comme dans le célèbre supplice chinois. Mais curieusement, ça le soulage plutôt ce plic-ploc sur, et dans son crâne. L’eau lui coule dans le cou, mais il est déjà trempé, de toutes manières. Il se demande comment Jay va faire pour le rappeler, peut-être à la cabine ? De toutes façons, il ne peut pas se risquer à aller à pied chez Louise avec ce temps. Il cherche désespérément dans les recoins de son cerveau fertile son fantôme n°3, le plus débrouillard, le petit combinard, le plus malin, qui serait susceptible lui au moins d’avoir une idée de génie pour le sortir de là. Impossible en plus d’appeler Louise, il a flingué sa carte téléphonique en appelant un portable (ça coûte 3 unités au lieu d’1, un vrai scandale !), et il n’est pas encore passé à la Carte bleue. Il a promis de s’en occuper un jour, mais il faut d’abord qu’il s’inscrive à la Sécu, et cet aspect de ses relations avec la normalité sociale lui a semblé plus important que des trucs de cartes bancaires. Et donc, pas trop de paperasse à la fois… Il a le temps de remâcher toutes ses erreurs passées, de dire : " si j’avais su ", " si je pouvais "… Il est un peu seul au monde, dans sa cabine téléphonique fièrement dressée sous la pluie battante, sur une sorte de trottoir qui est en train de se transformer en torrent, charriant des hectolitres d’eau sale de la saleté de la capitale. La cabine n’est pas étanche, la pollution parisienne sous forme liquide rentre par les trous des Doc de Xuc… Il ne peut quand même pas sortir, ce serait stupide, si Jay appelle !
- Jay, appeler ?
C’est fantôme n°4 qui rigole dans sa barbe.
Il ne peut tout de même pas sortir, ce serait de la folie…
- Eh mon gars ! tend l’oreille !
- N°3 ?
- Ecoute, bon sang !
A ce moment précis, Xuc entend une vague rumeur qui monte par la rue Rambuteau, surpassant de son inquiétante intensité le terrible déferlement de l’orage…


Le sous-chef de cabinet du service Produit d’une grande chaîne d’électroménager internationale est présentement dans le couloir, face à la porte fermée à double tour de l’extérieur de son bureau. Il est en bras de chemise, ayant quitté un peu précipitamment la pièce, il n’a eu que le temps de saisir son baise-en-ville. Il frappe doucement à la porte.
- Mademoiselle… Vous êtes là ? Ecoutez, il se fait tard, je vais devoir y aller, mes amis m’attendent. Merci beaucoup pour la jupe, je vous la rend demain. Comme vous semblez vouloir aller vous coucher, j’ai pris la liberté de prévenir l’accessoiriste du service Relation avec les gros clients de monter vous préparer un lit. Mademoiselle, ça va ?
Et comme Jay, ça c’est un homme, il ajoute :
- je vous laisse ma veste. Mettez-la donc si vous avez froid…
Il descend en sifflotant au parking. Il s’amuse à faire le chemin les yeux fermés. Il démarre la bagnole, Ouï FM à fond. Il ouvre les yeux pour sortir du parking, parce qu’il ne faut pas déconner quand même.
Il salue le gardien du parking quand il passe en trombe devant sa guérite.
- Mes amitiés à votre femme ! il lui jette par la fenêtre grande ouverte, un peu inquiet quand même parce que le gardien le regarde d’un air féroce. Comme les flics et les avocats, il est toujours bon d’avoir un gardien de parking parmi ses relations.
Jay –AKA Sex Much- se cale son kit piétons dans l’oreille. Au feu rouge –car c’est un conducteur prudent –il compose un numéro pourtant préenregistré.
- Fried ? c’est moi !… T’es chez Louise, là ?… Ah, dans cinq minutes, je vois… Ecoute, je viens de partir du bureau, j’ai été retenu par un petit incident… Je suppose que tu es avec Xuc ?… Quoi ? mais il m’a dit qu’il était aux Halles… Très juste… Bon, bah du coup je sais pas à quelle heure j’arriverai.
D’un coup de volant, Jay fait demi-tour en franchissant une ligne blanche. Direction les Halles. Il appuie sur l’accélérateur. Tant pis pour la pluie, quand un ami est dans le besoin, on fait rugir la Muchine ! Jay se sent légèrement grisé par la vitesse. Il était en train de fouiller sous son siège, à la recherche de la bouteille de Mélange Spécial soirée étudiante qui devait être dans le coin, lorsqu’il est obligé de freiner sec, dans un crissement de pneus du plus bel effet. L’entrée du périph’ est complètement bouchée, elle dégorge de bagnoles, impossible de passer. Jay s’apprêtait à faire admirer à toute la banlieue nord sa célèbre marche arrière, lorsqu’il s’aperçut que des couillons étaient venus s’agglutiner juste derrière lui. Il était bel et bien : coincé dans les embouteillages !
- Ouais, Fried (voix d’outre-tombe)… c’est encore moi… je suis coincé dans les embouteillages… Ouais bon ça va : je suis coincé dans ces saloperies d’embouteillages !… Quoi, quelle grève générale ?… Merde, écoute, tu peux dire à Xuc de patienter, j’arrive aux Halles dès que je peux. Il peut compter sur moi ! (dit-il en serrant les poings et en écartant une mèche rebelle de son front pur)… Mais comment ça t’es pas avec lui ?

Chez Louise.
- ils n’arriveront jamais, ils n’arriveront jamais !
- mais si, ils arriveront, je te le promets…
- mais non !
- mais si…
Pour la première fois depuis trois ans, Ernesto est bien content d’être célibataire. Au lieu de suivre cette passionnante conversation entre Antoine et Louise, il extirpe son téléphone portable du fond de son sac à dos où il l’avait planqué (Louise avait dit : pas de portables, on est entre nous, on est en Ecosse, et en Ecosse, les portables français ça passe pas). 13 sms. 9 messages voix. Il se passe un truc. Il pianote comme un fou.
- tu me prends pour une gamine !
- mais non, arrête, je te prends pas pour une gamine, qu’est ce que tu dis ?
- arrête de répéter tout ce que je dis !
- mais je répète pas tout ce…
- Louise !
C’est Ernesto qui fait irruption, les yeux hagards, dans la cuisine.
- Louise ! c’est la grève générale !
Il a le portable à l’oreille. Antoine objecte :
- bah oui, je l’ai entendu sur Europe 1 en allant au boulot ce matin. Il en ont parlé hier soir aussi, vous étiez pas au courant ?
Louise redresse la tête, un quart de sourire qui commence à se dessiner au coin de ses joues inondées :
- Ernesto ?
Il sourit pareillement.
- c’est la grève générale !
Antoine est un peu paumé :
- bah oui, c’est pour protester contre la politique sociale, enfin la loi sur les finances du nouveau gouvernement...
Ernesto commence à avoir un peu pitié :
- c’est la grève générale, la vraie. Tout le pays est paralysé, les gens sortent dans la rue, les transports n’ont pas repris à 20h, j’ai un pote qui est à Gare du Nord, il me dit qu’il pique-nique sur les voies avec les cheminots. C’est la grève générale ! Tout le monde descend en manif !
- En manif ? Il pleut !… Louise ?
Louise est dans sa piaule. Trois secondes plus tard, elle en ressort en tenue de combat : anorak, short et collants noirs. Un foulard autour du cou. Elle enfile ses pompes de rando. Ernesto saute sur place, le portable toujours à l’oreille :
- les NMPP ont débrayé aussi ! Y font des feux de joie avec les éditions de demain et se grillent des clopes avec les journalistes ! Y aura plus de Figaro ! !
- Louise ? qu’est-ce que tu fais ?
- Met tes chaussures, mon colon, l’histoire est en marche !
- Y me disent qu'y a un rassemblement de ouf’ à Répu !
Ernesto tente de s’habiller tout en écoutant son téléphone :
- Louise ! on va à Répu ?
Antoine :
- Répu ?... La place de la République ?
- Ça marche ! C’est tout près, et de Rép’ on pourra descendre à la Bastoche ! On l’aime bien !
Ernesto, hilare :
- Qui ça ?
- Nini peau d’chien !
- Où ça ?
Ernesto et Louise, en chœur :
- à la Bastooôôoche !
Ils sont déjà dans l’escalier.
- Attendez-moi !

Tiens, ya un changement de propriétaire au P’tit creux du Faubourg. Bah, il est à peu près pas trop en retard, il a le temps de s’en jeter un petit. Fried, c’est quelqu’un qui sait profiter de la vie. Et les derniers Ricard qu’il a bu remontent à loin… au moins une demi-heure, le temps du trajet en métro depuis chez lui. Après toutes ces émotions, il a bien le droit à un petit remontant… D’autant qu’en Ecosse, quel scandale, ils ne connaissent certainement pas le Ricard. Tsss… Feraient mieux de s’intégrer pour de bon à l’Union Européenne, on aurait des choses à leur apprendre, question savoir-vivre !
Au moment où il allait faire une démonstration en acte de la supériorité de la culture française sur la culture écossaise en entrant dans le bistrot, Fried est interrompu par la sonnerie de son téléphone. Il est de bonne humeur, il répond. C’est Jay.
- Hum ?… Non, j’y suis dans cinq minutes… Qu’est-ce que ça peut me foutre ?… Bah non, je suis tout seul… Mais je peux pas être aux Halles, je suis à cinq minutes de chez Louise ! !… T’es con, parfois… Ouais bah ok.
La vie est belle ! Jay est en bagnole, il est pas prêt d’arriver avec tous ces connards qui vont prendre le périph’ à l’heure de pointe et un jour de grève, Xuc est paumé aux Halles (mais qu’est-ce qu’il fait là-bas ?)…
- il semble donc que votre serviteur a parfaitement le temps de s’occuper un peu de sa santé…
Il pousse les portes.
- salut la compagnie ! Eh bah mon vieux, à l’intérieur au moins il pleut pas.
Il s’accoude.
- Patron ! un p’tit Jaune pour fêter ça !
- Pour fêter quoi ? lui demande un type assis sur un tabouret pas trop loin de lui.
Fried l’examine des pieds à la tête. C’est pas brillant, à moitié clodo l’ivrogne. Et vraiment pas beau, par dessus le marché.
- le fait que tous les hommes soient nés égaux, citoyen ! et toi aussi, si si ! Allez, je te l’offre, c’est pour moi ! Ah… En 92 mon gars on chipotait pas pour savoir si c’était beau ou laid, si tu sentais le cul ou l’eau de Cologne. Il suffisait d’aimer la patrie ! et on était tous frères ! Est-ce que tu es un patriote, citoyen ? à la manière dont t’as descendu ton sirop, aucun doute ! A la bonne heure ! Patron, la p’tite sœur ! Et voilà, vas-y, tête… Encore deux que les Prussiens n’auront pas.
- Ça…
- Allez, en avant citoyen ! Allons voir dans le troquet d’à côté y prendre la température du sentiment national…
Ils sortent en titubant, légèrement. La pluie s’est tellement intensifiée depuis leur entrée qu’ils ne s’attardent pas à choisir le bar. Ils rentrent dans le premier qui se présente. Fried aurait voulu aller chez Louise directement, il aurait pas pu. Avec cette pluie, c’est pas humain quand même…
Dans le bar, il réussit à convaincre deux ou trois paumés de ce que les Vendéens étaient réellement une menace pour l’approvisionnement du pays en anisette. Il est tellement convaincant qu’il réussit à s’inquiéter lui-même et convainc à son tour le patron de lui céder, à prix d’or (" c’est pas grave, ça vient de la vente des biens du clergé "), ses deux bouteilles de réserve plus celle déjà entamée derrière le bar. Et comme du coup, ils n’ont plus rien à boire, Fried et sa petite troupe, l’œil brillant et la démarche chaloupée, s’engouffrent tant bien que mal dans le bar d’encore à côté.
Ils ruissellent de flotte, mais ils sont heureux, unis dans la liesse révolutionnaire. Ils rencontrent cette fois-ci quatre paumés que la République remettra dans le droit chemin. Il y en a même un à qui " Valmy " ça dit vaguement quelque chose. Fried saute sur l’occasion, écluse son quinzième godet et l’attrappe par le col.
- Valmy, oui, mais Valmy ! mon pauvre ami ! ci-devant citoyen, reprend-toi ! Valmy n’aura jamais lieu sans la prise de la Bastille !
Il vide le verre de son voisin et grimpe tant bien que mal sur le bar, aidé par le patron qui ne veut pas le voir s’écrouler dans les bouteilles. Fried renonce d’ailleurs à se mettre debout, il comprend parfaitement que, par une absurdité technique due certainement à la gauche et aux 35 heures, le bar n’est pas droit et qu’il bouge.
Du coup, il déclame à quatre pattes (ce qui a un peu moins de gueule, mais sur l’auditoire présentement rassemblé, ça a l’air de faire son petit effet)
- Peuple français !
Il a toujours rêvé commencer un discours comme ça… Il se dresse sur les genoux.
- Peuple de France ! Citoyens ! les autres vous font des promesses, nous nous les tenons. Et je vous le dis : le 4 août nous abolirons les privilèges !
Longues acclamations, accompagnées des applaudissements polis du patron, qui commence à se demander s’il doit appeler la police ou le 115.
- mais aujourd’hui, mais maintenant, citoyens ? Des citoyens sont enfermé par les curés, les royalistes et les Prussiens dans leurs cachots au fond de la Bastille ! La République doit-elle laisser ses fils moisir dans les oubliettes corrompues d’un Ancien Régime en putréfaction ?
Quelques " ouais " pas très convaincus dans la salle… Fried en profite pour reprendre un peu de carburant.
- Je dis non ! Non ! Nous ne laisserons pas faire cette infamie ! Citoyens ! des citoyens nos frères ont besoin de nous ! Je dis : à la Bastille ! A la Bastille ! Qui vient avec moi ? Y aura des filles et du Ricard !
Dans une clameur générale, l’ensemble de la petite troupe sort fièrement du bar derrière son chef (quelque peu ecchymosé suite à sa descente du bar, rapide car enthousiaste !). Ils ne sont plus capables de tenir sur le trottoir, alors ils marchent au milieu de la route, en chantant la Marseillaise anticléricale. La Révolution vient de commencer.

Mais enfin, l'intrigue va-t-elle commencer ? Nos héros parviendront-ils à se rejoindre finalement, pour cette grande fête du kilt et de la cornemuse tant attendue ?

Vous le saurez en lisant, etc.



dimanche 10 juin 2007

chouette, une jolie bannière (bis)

ça se Corse ! (comme aurait dit la II° République...)
le choix va être serré, va falloir compter avec les votes du public...






Et comme d'habitude, qui on attend ? ...

chouette, une jolie bannière !

Et voilà pour la première proposition, by Master Xuc...

Pas mal, non ? J'aime beaucoup l'idée du tatouage...



samedi 9 juin 2007

rester vigilants...

Ce matin sur France Intox, une journaliste a proclamé fièrement "Aux urnes, citoyens !".

Cet habile détournement du refrain de notre hymne national avait déjà été commis en 1881, par Léo Taxil, dans sa chanson La Marseillaise anticléricale que je vous propose ici, en cette veille d'élections législatives.

On peut trouver cette chanson, et d'autres, chantée par Marc Ogeret, dans son disque Chansons contre (joli titre, au passage ! résume parfaitement tout un état d'esprit...).


Chant des électeurs (La Marseillaise anticléricale)

Allons! fils de la République,
Le jour du vote est arrivé!
Contre nous de la noire clique
L'oriflamme ignoble est levé (bis).
Entendez-vous tous ces infâmes
Croasser leurs stupides chants?
Ils voudraient encore, les brigands,
Salir nos enfants et nos femmes!

Refrain : Aux urnes, citoyens,
contre les cléricaux!
Votons, votons et que nos voix dispersent les corbeaux!
Que veut cette maudite engeance,
Cette canaille à jupon noir?
Elle veut étouffer la France sous l'éteignoir! (bis)
Mais de nos bulletins de vote
Nous accablerons ces gredins,
Et les voix de tous nos scrutins
Leur crieront : A bas la calotte!
Quoi! ces curés et leurs vicaires
Feraient la loi dans nos foyers!
Quoi! ces assassins de nos pères
Seraient un jour nos meurtriers! (bis).
Car ces cafards, de vile race,
Sont nés pour être inquisiteurs...
A la porte, les imposteurs!
Place à la République! place!
Tremblez, coquins! cachez-vous, traîtres!
Disparaissez loin de nos yeux!
Le Peuple ne veut plus des prêtres;
Patrie et Loi, voilà ses dieux (bis)
Assez de vos pratiques niaises!
Les vices sont vos qualités.
Vous réclamez des libertés?...
Il n'en est pas pour les punaises!
Citoyens, punissons les crimes
De ces immondes calotins;
N'ayons pitié que des victimes
Que la foi transforme en crétins (bis)
Mais les voleurs, les hypocrites,
Mais les gros moines fainéants,
Mais les escrocs, les charlatans...
Pas de pitié pour les jésuites!
Que la haine de l'imposture
Inspire nos votes vengeurs!
Expulsons l'horrible tonsure;
Hors de France, les malfaiteurs! (bis)
Formons l'union radicale;
Allons au scrutin le front haut.
Pour sauver le pays il faut
Une chambre anticléricale.



(C'est un croquis du dessinateur Siné, spécialiste du genre. Qu'il reçoive tous mes remerciements pour l'ensemble de son oeuvre en guise de droits d'auteur...)


vendredi 8 juin 2007

concours

J'ai demandé de l'aide aux protagonistes de ce blog pour un ravalement de facade.
Le concours-bannière est officiellement ouvert.
je publierai les propositions au fur et à mesure (avec ouverture aux votes ? on verra).
Merci de votre participation ! (enfin, il y aura au moins celle de Xuc... avec un peu de chance, on pourra compter sur celle de ses fantômes, et là, ça va faire exploser la participation !)

jeudi 7 juin 2007

soirée écossaise, première partie

Ce soir, c’est soirée écossaise chez Louise. Fried y va les mains dans les poches. Il est persuadé que c’est encore un coup pour leur faire écouter les Pogues. C’est écossais, les Pogues ? Irlandais ? Boh… de toutes manières, ce soir, même à Paris il pleut. Il ne lève pas la tête vers la terrasse de l’Hôtel Brébant, il se prendrait des gouttes dans les lentilles. Mais ça serait chouette quand même d’habiter à l’hôtel. Un hôtel dont la terrasse donnerait sur les grands boulevards. Chez Louise, c’est tout petit. Et c’est elle qui fait le ménage, et pas tous les midis. Mais il y fait chaud. Et il y a les copains, les sourires. Et ces putains de soirées à thème. Il se souvient de lui bourré comme un Polack à la soirée tchèque, à cause de la bière, " la meilleure du monde ", qu’Ernesto avait ramené de là-bas par hectolitres. Il avait vomi sans même plus se souvenir de ce qu’il avait mangé, un truc infâme à base de beurre. Genre gâteaux arabes mais en salé, et en tchèque. On mange quoi, en Ecosse ? Ya pas une histoire de panse de brebis farcie avec un truc encore plus lourd ?


Au petit appart parisien de Louise, dans le 9°.
Elle est survoltée.
- j’ai mes règles, ou un truc comme ça, non ?
Antoine regarde par terre. Ernesto s’apprête, indécis, à rigoler.
- c’est comme ça qu’on dit, non ? Quand une femme est énervée ? Ou plutôt, mais oui… Que suis-je bête, je fais une crise d’hystérie, c’est ça ?
Ernesto bat en retraite. Antoine en a marre. Trois mois qu’il se tape cette nana lunatique avec ses histoires de fous, ces problèmes à coulisse… Sans avoir réussi à la sauter. Toujours non, toujours une bonne raison pour remettre à une autre fois, un autre soir. On a le temps, on est pas pressés…
- j’ai le droit d’avoir mes problèmes, moi aussi, non ? J’ai pas le droit, c’est ça.
Elle a fait au moins trois kilos de truffes au chocolat. Antoine tente une diversion :
- c’est pas soirée écossaise, ce soir ?
- et alors ? ils mangent pas de truffes en Ecosse ? Et merde, j’ai brûlé le chocolat !
- de toutes façons, yen a assez, là. On va encore être malades.



A l’autre bout de Paris, il pleut aussi sur la bibliothèque de l’IRCAM. Au niveau du vocabulaire, après 600 pages de ce bouquin en anglais, Xuc est prêt pour la soirée écossaise. C’est au point de vue du timing que ça risque d’être un peu serré. Pas un métro, pas un bus, putain de grève générale. Si elle arrive pas dans cinq minutes, il aura plus d’une heure de retard. Mais elle peut pas être en retard, avec un si joli accent… Si elle avait été écossaise, il aurait pu la ramener chez Louise, mais s’il arrive avec une Canadienne, ils vont tous se foutre de sa gueule. Les soirées à thème, c’est sacré. Les passants le regardent un peu bizarre, parce qu’il explique tout ça à voix haute à son fantôme n°1. Xuc, c’est un mec qui n’est jamais seul. Toujours deux ou trois fantômes avec qui tailler le bout de gras. Tiens, c’est un fantôme qu’il pourrait ramener ce soir, en disant qu’ils ont fait connaissance dans un château en Ecosse, et… On le croirait pas. Personne ne me croit jamais quand je parle de toi, il explique à fantôme n°1. Ou des autres d’ailleurs. Mais qu’est-ce qu’elle fait ? Pourquoi j’ai accepté de lui traduire son devoir ?
- c’est parce que t’es trop gentil. T’as une tête d’attrape-couillon, tout le monde profite de toi.
Xuc, lassé, fait signe à fantôme n°1 de le débarrasser de fantôme n°4. C’est le pire, le plus méchant, un vrai crache-vipères. Mais n°1, ça c’est un vrai pote. Toujours là quand on a besoin de lui. Merveilleux. Il ne lui manque plus que la patente pour conduire un taxi. Rien à faire, il n’arrivera pas à l’heure. De guerre lasse, il rentre dans une cabine téléphonique. Il se résout, c’est un cas d’extrême urgence, à sortir le plan J.
- ouais, allo Jay ? c’est Xuc, là… Ouais, dis-moi, je suis coincé à Pompidou, là… Non, le Centre Pompidou, le truc culturel près des Halles. Je pourrais jamais être à l’heure chez Louise, elle va me passer un savon, tu veux pas venir me chercher en Sexmobile ?



A la Plaine Saint-Denis, le sous-chef de cabinet du service Produit d’une grande chaîne d’électroménager internationale fait un clin d’œil à sa secrétaire qui vient déposer une pile de trucs sur son bureau. Elle porte une jolie jupette écossaise, un peu courte, certes, mais parfaitement plissée. Ca lui donne une idée.
- écoute, mon vieux, je suis un peu charrette là moi aussi, je sais pas trop là… A quelle heure je finis ? mais je sais pas moi… Une fourchette horaire ? mais non, je t’assure j’en sais rien !
Il fait signe à la secrétaire de rester et lui fait comprendre, portable calé entre l’épaule et l’oreille, d’enlever sa jupe. La petite comprend très vite (l’habitude ?).
- on dit que je te rappelle quand j’ai fini, non ?… ah ouais, t’as pas de portable…
La secrétaire a disparu sous le bureau.
- je te rappelle dans une demi-heure.
Il raccroche.
- mademoiselle ? mademoiselle ? mais que faites-vous sur la moquette ? Non, je voulais juste vous demander… Ce soir, voyez-vous je suis invité chez une vieille amie, et, -je l’admets c’est une manie qui peut surprendre- elle organise des soirées à thèmes. Et ce soir voyez-vous, comme c’est cocasse, c’est une soirée écossaise, et donc vous comprenez qu’en voyant votre jupe, moi qui travaille toute la journée et qui n’ai rien prévu pour ce soir, je me disais… Mademoiselle ?




Tous les amis réussiront-ils à être à l'heure à l'appart de Louise ? Et que vont-ils amener pour honorer cette soirée écossaise ? Et pourquoi Louise est-elle tant énervée ? Et d'ailleurs, à quel moment ce situe cette histoire ?






A suivre...