mercredi 20 juin 2007

Eloignez vos enfants : "Il pleut, il pleut bergère"


En ce moment, je tente d’écrire la suite de ma minable Soirée écossaise.
Si vous avez suivi jusque là, Fried se croyant revenu au temps béni de la guillotine, je me penche un peu sur notre histoire contemporaine, en général (mais ça c’est normal chez moi) et la période révolutionnaire en particulier (ce qui est plutôt nouveau), pour trouver des sources d’inspiration.

On découvre parfois des choses étonnantes sur lesquelles on a envie de s’attarder.
J’ai découvert par exemple que la chanson " Il pleut, il pleut bergère " datait de là. On en connaît les compositeurs, ce qui est plutôt rare pour l’époque. La musique, c’est Victor Simon, un violoniste, qui s’y est collé, et les paroles sont de Philippe Fabre d’Eglantine (oui, oui, le même génie qui a inventé les noms de mois du calendrier révolutionnaire. Les thèmes champêtres, son obsession…). Notons qu’il a été guillotiné en 1794.
La chanson semble dater du début des années 1780, et elle devient rapidement célèbre. C’est LE tube de l’été 1789. Il paraît même que lorsque la Garde Nationale est créée, on célèbre cet événement sur l’air de " Il pleut il pleut bergère ". Et P. Fabre d’Eglantine l’aurait fredonné en montant à l’échafaud, mais ça c’est moins sûr.

L’été dernier, j’étais en vacances ici :



avec des amis et une bande d’enfants. Ils ont chanté " Il pleut il pleut bergère ", ils n’en connaissaient, comme la plupart d’entre nous, que le premier couplet. J’ai fait remarquer à un copain papa que je trouvais une signification sexuelle très claire dans ce premier couplet. Sans railler ni ma perversité ni mes obsessions, il a gentiment admis que, peut-être… il avait jamais vu ça comme ça… avant d’éloigner ses enfants de moi !

Non, je rigole, mais déjà, le thème de la bergère est un motif qui revient souvent dans les chansons légères ou paillardes voire dans les gentilles histoires d’amour champêtre. Symbole de pureté et de naïveté, la bergère est une jeune fille à qui on fait volontiers un brin de cour qui se termine parfois dans le foin…

Je trouvais aussi que les blancs moutons, l’invitation à aller se protéger de la pluie dans la chaumière et l’éclair qui luit… tout ça n’avait pas un air très catholique. Et surtout cette tension électrique introduite par l’orage…
(Quoiqu’il faudrait en finir avec cette expression " c’est pas très catholique " : la bergère est aussi un symbole catholique –cf. Jeanne d’Arc, Rachel et toute la clique- mais cela n’empêche pas d’être un objet de fantasmes populaires. Les deux vont ensemble à mon avis. J’y reviendrai si je trouve d’autres informations sur le sujet…)

Bref, au final, la lecture de la suite des paroles me donne complètement raison… (à moins qu’une fois encore je ne déforme tout !)
Le type l’emmène chez lui (air connu… un dernier verre, ma bergère, etc.), une petite lueur égrillarde s’allume donc dans l’œil de l’auditeur…
Mais finalement arrivent les chaperons, la mère et la sœur. On peut rapprocher les enfants du poste.
Puis à nouveau on a un doute : ces personnages féminins vont carrément aider le fils à prendre soin du petit agneau de la bergère, qui se retrouve alors en sous-vêtements !
Notons tout de même que le dernier paragraphe tente de sauver l’honneur in extremis mais qu’il ne trompe personne ! Surtout après la scène torride du repas où en dépit des efforts du gars, la belle se refuse à goûter le laitage, qui vient sûrement du bâton de mélèze qu’il exhibe, brûlant, devant elle.

Mes enfants écouteront Renaud, c’est pour leur bien.


Il pleut, il pleut bergère,
Rentre tes blancs moutons.
Allons à la chaumière,
Bergère, vite allons.
J’entends sous le feuillage
L’eau qui tombe à grand bruit
Voici venir l’orage,
Voici l’éclair qui luit.

Entends-tu le tonnerre ?
Il roule en approchant.
Prends un abri, bergère,
A ma droite en marchant.
Je vois notre cabane
Et, tiens, voici venir
Ma mère et ma sœur Anne
Qui vont l’étable ouvrir.

Bonsoir, bonsoir, ma mère.
Ma sœur Anne, bonsoir.
J’amène ma bergère
Près de vous pour ce soir.
Qu’on mène dans l’étable
Ses brebis, ses agneaux.
Et mettons sur la table
Laitage et fruits nouveaux.

Soignons bien, ô ma mère,
Son tout joli troupeau.
Donnez de la litière
A son petit agneau.
C’est fait. Allons près d’elle.
Eh bien ! donc, te voilà ?
En corset, qu’elle est belle.
Ma mère, voyez-la.

Soupons. Prends cette chaise.
Tu seras près de moi.
Ce flambeau de mélèze
Brûlera devant toi.
Goûte de ce laitage
Mais… tu ne manges pas ?
Tu te sens de l’orage ?
Il a lassé tes pas.

Eh bien ! voilà ta couche ;
Dors-y bien jusqu’au jour.
Laisse-moi sur ta bouche
Prendre un baiser d’amour.
Ne rougis pas bergère.
Ma mère et moi, demain,
Nous irons chez ton père
Lui demander sa main.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je reconnais également une connotation sexuelle explicite dans le premier couplet q:-D

http://blogborygmes.free.fr/blog/index.php/2006/04/15/311-comptines-pour-adultes-3

Pierre Rousseau a dit…

Bonjour,

Un peu sur le tard: effectivement, une connotation sexuelle, surtout dans le dernier paragraphe, qui était systématique omis au Québec, par exemple la version chantée par Ovila Légaré en 1930.

Au plaisir,

Pierre